Jours de tonnerre est né de la simple idée de capitaliser sur le succès de Top Gun. Est-ce suffisant pour en faire un film réussi ? À l’occasion de la sortie de Top Gun : Maverick, on se penche sur la question.
Jours de tonnerre est célèbre pour bien d’autres raisons que purement cinématographiques. Film de la rencontre entre le couple Nicole Kidman et Tom Cruise, que l’acteur avait alors imposé aux producteurs de Top Gun et du Flic de Beverly Hills, Jerry Brukheimer et Don Simpson après l’avoir découverte dans le film Calme Blanc en 1989, Jours de tonnerre est aussi, (et surtout) l’exemple que vouloir reproduire une formule gagnante n’est en aucun cas garante d’un bon film. Né de l’idée de surfer sur le succès tonitruant de Top Gun quatre années après, Tony Scott revient ainsi à la réalisation et Tom Cruise en tête d’affiche, mais de l’écriture du scénario au tournage, tout s’avèrera plutôt houleux.
Pilote automatique
Jours de tonnerre suit donc l’histoire de Cole Trickel (Tom Cruise), pilote casse-cou (comme un certain Maverick), qui épaulé par Harry Hogge (Robert Duvall), un entraineur de prestige à la retraite va remporter de nombreuses courses. Après un accident qui l’éloignera des pistes de NASCAR quelques temps, lui et son adversaire Rowdy Burns (Michael Rooker), le temps est donc venu à l’introspection pour Cole Trickel, qui s’apprête à concourir pour la plus grande victoire de sa jeune carrière. Et c’est à peu près tout : outre ses plans au lever du soleil des circuits rappelant rapidement ceux de Top Gun et quelques scènes de courses très prenantes, Tony Scott a bien du mal à dynamiter le scénario très classique du grand Robert Towne.
Le scénariste de Chinatown collaborera d’ailleurs par la suite à plusieurs reprises avec Tom Cruise, sur Mission : Impossible et La Firme, avant que l’acteur ne soit crédité comme producteur de son dernier long-métrage en tant que metteur en scène, Without Limits, en 1998. Jours de tonnerre ne paraît ainsi être qu’un fade film de compétition à l’américaine, où, à la surprise générale, notre héros tête brulée séduira son médecin (après une première confrontation ultra datée et misogyne) deviendra ami avec son adversaire et remportera la plus grande de ses victoires. Parce que Jours de tonnerre souffre d’une ligne claire, en grande partie dû à sa production très compliquée.
Tournage sous le tonnerre
Parce que malgré le soleil et l’ambiance qui fleure bon les 80’s, les compositions de Hans Zimmer, Jours de tonnerre s’avère d’une fadeur sans nom. Si l’on a évoqué plus haut quelques bons passages de courses bien tenus et une poursuite hors circuit entre les deux frères ennemis campés par Tom Cruise et Michael Rooker, rien n’est cependant vraiment marquant dans le film de Tony Scott. Robert Towne succéde à une longue liste de scénaristes, et le planning serré imposé par la Paramount, qui voulait en faire son blockbuster estival, n’a évidemment pas aidé. Les engueulades, nombreuses, entre Don Simpson, Jerry Bruckheimer, Tony Scott et Tom Cruise confirment de la fragilité du projet : le film, doté d’un budget beaucoup plus conséquent que celui de Top Gun, s’est carrément ramassé au box-office.
Avec seulement 160 millions de recettes pour plus de 60 millions de dollars investis, Paramount n’ayant touché que 40% de ses recettes, et plus de 2 millions d’entrées en moins que Top Gun en France, Jours de tonnerre est un bide tel que le duo Don Simpson et Jerry Bruckheimer se brouille. Considéré par les critiques comme un ego-trip insupportable de Tom Cruise, il est même vu par certains comme le film de trop pour l’acteur qui enchaînera ensuite les films d’auteurs pour sa décennie la plus glorieuse clôturée ni plus ni moins que par le Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick et le Magnolia de Paul Thomas Anderson. Pourtant, on retrouve dans Jours de tonnerre une partie de ce qui faisait le sel de La Couleur de l’argent, où en lieu et place de Paul Newman, c’est l’autre géant Robert Duvall qui sert ici de mentor au jeune et fougueux Tom Cruise.
Madeleine de Prost
Multi-réédité depuis, et ayant ensuite pu compter sur le marché international pour rentrer dans ses frais, Jours de tonnerre possède maintenant une certaine côte d’amour, car il est aujourd’hui le produit d’une époque révolue, de ses effets de style et de toutes ses outrances. Culte pour certains, insupportable pour d’autres, Jours de tonnerre souffre dans tous les cas de nombreuses tares qui n’en font, même aujourd’hui, qu’un sympathique plaisir nostalgique. Si la comparaison avec son aîné Top Gun et sa production houleuse n’en font qu’une pâle redite, le film de Tony Scott est cependant le morceau d’une période bénie pour un cinéma patriote décomplexé et d’un style ayant fait la gloire de l’Amérique de Ronald Reagan.
Chaque film de Tom Cruise est cependant à découvrir, tel un reflet de sa propre destinée personnelle. Là où Cobra était le film de l’outrance et des excès pour Sylvester Stallone, Jours de tonnerre en est ainsi de même pour un Tom Cruise, alors jeune chien fou aveuglé par le succès et l’égo-trip. Top Gun : Maverick en propose aujourd’hui une toute autre vision : si la légende est toujours présente, c’est ainsi pour dessiner en creux la figure d’un héros d’action comme figure sacrificielle et immortelle dévouée au plaisir du public. Autre époque, autres mœurs.