Cyrano est une adaptation moderne et de toute beauté de l’œuvre d’Edmond Rostand, interprétée par trois femmes dans un décor éclairé à la bougie.
C’est un pari risqué que de se lancer dans l’adaptation d’une œuvre aussi souvent jouée au théâtre et au cinéma que le célèbre Cyrano d’Edmond Rostand ; de réussir à surprendre un public en lui racontant une histoire qu’il connaît par cœur ; ou encore d’amener de la modernité dans une œuvre classique sans en perdre la substance. Et pourtant, autant de paris réussi avec cette version moderne, surprenante et pleine de créativité qui est lentement venue nous conquérir pour ne plus nous lâcher. Une pièce étonnante !
Un démarrage un peu confus
S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher aux trois comédiennes c’est de manquer d’énergie ! En effet, le rythme des premières minutes est intense. Elles parlent fort, se déplacent dans tous les sens, enchainent différents personnages…Si bien que l’on a l’impression d’un gros fouillis qui nous perd un peu, surtout si l’on connaît pas ou peu l’œuvre. Car on ne comprend pas bien le contexte dans lequel on se trouve, qui sont les personnages interprétés, ni ce qui se joue sous nos yeux. Jusqu’à ce qu’une distribution de cookies dans le public ne vienne – par son caractère impromptu – « nous réveiller » pour reprendre les termes de l’une des comédiennes. À croire que ce début un peu bancal est assumé. Mais on oublie bien vite cette entrée en matière un peu laborieuse, heureusement, car la pièce n’a alors de cesse de gagner en épaisseur.
Un Cyrano multiple et féminin !
C’est lorsque le personnage de Cyrano se fait plus présent sur scène et que l’intrigue principale se tisse enfin sous nos yeux que la pièce démarre vraiment et qu’elle commence à nous révéler tous ses trésors. À commencer par le jeu bluffant des comédiennes, et le choix audacieux de mise en scène de faire interpréter le rôle de Cyrano par chacune d’elles tour à tour. C’est d’une manière admirable et parfaitement fluide qu’elles virevoltent ainsi d’un rôle à l’autre sans qu’à aucun moment on ne s’emmêle les pinceaux. Le tout ressemble à une chorégraphie. C’est d’une beauté et d’une précision qui laissent sans voix, et on devine sans mal le travail admirable effectué en amont.
Cyrano n’a jamais été si beau
La mise en scène de Bastien Ossart sublime merveilleusement la beauté du texte. L’humour côtoie avec finesse la poésie dans un décor sobre, qui focalise notre attention sur les personnages, dont les visages sont peints ou masqués et les costumes vivement colorés. L’éclairage à la bougie et aux lanternes en papier créé une atmosphère enveloppante et intimiste qui nous fait voyager dans le temps. Et on se laisse transporter d’un bout à l’autre, au fil des vers que les comédiennes n’écorchent jamais et dont aucun coup d’épée ne vient troubler la diction parfaite. C’est simple, on oublie complètement que cette pièce est un classique et que son principal personnage masculin est joué par – non pas une mais – trois femmes ! Une manière habile de mettre en lumière ce petit quelque chose de Cyrano que nous portons tous en nous, et de rendre l’œuvre encore plus intemporelle et universelle qu’elle ne l’est.