Netflix dégaine Madame Claude, production française ambitieuse sur un sujet sulfureux mêlant proxénétisme et politique. Pour un film bien trop grand pour sa réalisatrice, qui se contente d’une photographie dénuée de substance de son sujet.
Alors qu’Amazon Prime s’échigne à récupérer le pire de la production cinématographique hexagonale avec le trio honteux Connectés, Brutus vs César et le récent Je te veux moi non plus, Netflix étend une fois de plus son leadership en s’entourant de cinéastes intéressants autour de projets ambitieux. Sylvie Verheyde, cinéaste venue du cinéma d’auteur, déjà derrière les jolis Stella et Papa was not a Rolling Stone, se trouve pour la première fois de sa carrière à la tête d’un projet d’ampleur mettant en scène tout un pan de la France des années 70 avec le personnage de Madame Claude, proxénète cohabitant avec malfrats et politiques.
Mettant pour la première fois en tête d’affiche Karole Rocher, que l’on avait dernièrement vue aux côtés de son compagnon Thomas Ngijol dans Fastlife et Black Snake (dont elle est également coréalisatrice) , le casting derrière l’actrice est prestigieux puisqu’il aligne ni plus ni moins que Garance Marillier, révélation fracassante de Grave, le charismatique Roshdy Zem, césarisé l’année dernière, Pierre Deladonchamps et Benjamin Biolay. Pour un film qui passe hélas complètement à côté de son sulfureux sujet.
Chair triste
Parce que Sylvie Verheyde est une cinéaste de l’intime, la réalisatrice se trouve en grande difficulté lorsqu’il s’agit de traiter d’un projet aussi ambitieux que celui de Madame Claude. Préférant longuement filmer son actrice principale au bord du doute dans de très jolis travellings, le constat n’est hélas pas aussi élogieux lorsqu’il s’agit de raconter les tenants et les aboutissants d’une époque, et d’un personnage double, perdu entre son rôle de mère, de femme et de dirigeante au cœur d’une époque qui laisse aux femmes le moins de place possible. Parce que Madame Claude passe son temps à éviter son sujet, lui préférant une photographie fantasmée d’une époque, où les fêtes se suivent et se ressemblent, sans aucune fougue ni la tension inhérente à son sujet.
Madame Claude semble ainsi faire de la frustration son maître mot lorsqu’il choisit de laisser de côté sa riche intrigue et son brillant casting dans des ellipses qui semblent traduire une fuite en avant de la réalisatrice, qui fait ainsi le choix de la photographie d’une époque plutôt que de réellement en tirer un constat. Rien n’existe ainsi vraiment dans Madame Claude que les allers-retours de son personnage principal, dont les choix de Sylvie Verheyde l’enferment irrémédiablement vers le schéma gloire et chute inévitable au genre biographique.
Rien ne paraît de la tension permanente ni de la double personnalité de son héroïne qu’au travers de ressorts éculés du genre qui rendent l’histoire de Madame Claude aussi petite que le traitement qui lui est réservé. L’on n’évite ainsi rien, de l’inutile voix off, aux artificielles crises de nerfs en passant par l’inévitable flashback d’enfance qui arrivent peu à peu à étouffer les ambitions de Madame Claude.
Claude et les autres
Pourtant, et heureusement, les comédiens ne ménagent pas leurs efforts pour tenter d’apporter un peu de chair à un film qui en manque cruellement. Même lorsqu’ils sont réduits à de simples apparitions, les prestations de Roshdy Zem, Hafsia Herzi, Philippe Rebbot et Pierre Deladonchamps s’avèrent ainsi un maigre contentement, face à la véritable star du film, Garance Marillier qui dévoile ainsi toute la palette de son immense talent dans une production qui ne sait malheureusement jamais lui en donner les moyens. Même étouffés sous une bande-originale et une ambiance de fête aux lendemains qui déchantent et semblent tourner comme un vieux vinyle rayé, Madame Claude puise ainsi de son casting le meilleur de ce que le film peut proposer, maigre récompense pour une promesse bien trop grande pour les épaules de la réalisatrice.
Ainsi, malgré sa belle promesse, jamais l’ambition de Madame Claude ne transparaît à l’écran qu’une photographie vaine d’une époque. D’un sujet sulfureux, Sylvie Veyrheyde choisit donc ici la sagesse et la facilité en tombant rapidement dans les ressorts éculés de la biographie à des années lumières de la personnalité et de l’époque que le film avait choisi de traiter.