Le Drap d’une Femme est une pièce écrite et interprétée par Marion Chenet. Un presque seul-en-scène d’une femme séquestrée.
Le Drap d’une Femme commence dans cette obscurité tamisée. Une femme est là, elle dort, allongée sur un drap rouge à même le sol. Autour d’elle, un tabouret en métal, une bassine d’eau en métal, une ampoule enfermée dans un abat jour en métal, une fenêtre rectangulaire bien trop petite pour laisser passer la lumière, et des murs noirs, et un sol noir. Dans cette obscurité, seul un drap blanc accroché en fond de scène dénote : est-il le point de lumière au bout du tunnel ?
Au son des gouttes d’eau
Cette femme c’est Sacha, une Sacha meurtrie par des traumatismes passés, séquestrée dans un cave par un individu dont elle ne connait rien, pas même le son de sa voix. Dans cette cave, elle perçoit seulement les bruits de son agresseur à travers cette fenêtre qui ne suffit pas. Épiée à chaque instant, elle ne peut se soustraire au regard de cet homme, à son propre regard. Il y a aussi ces gouttes d’eau qui tombent dans la bassine en métal, dans un “plic”, “ploc”, incessant, un son répétitif sur lequel s’anime la comédienne. Elle réagit à cette rythmique imposée, son corps se tord et se retourne, une chorégraphie de gestes du quotidien. Elle nettoie son visage au-dessus de cette bassine, son corps convulse sous les spasmes, une gestuelle saccadée, fermée. Le rythme des gouttes s’accélère, le son est crescendo, elle ne peut s’échapper.
Cette scène d’ouverture laisse transparaître le mal-être du personnage et ses angoisses. L’une des plus réussies du spectacle puisqu’elle signifie sans dire, qu’elle laisse au spectateur la possibilité de ressentir. Le corps parle à la place de Sacha, un langage physique trop rapidement remplacé par les mots. A ceux de Sacha se joignent ceux d’une narratrice en voix off qui décrit différents souvenirs. S’enchaînent alors en une heure, sept tableaux aux différentes thématiques.
Une femme victime d’abus
Derrière chaque tableau se cachent les traumatismes de Sacha : l’agression sexuelle par son demi-frère alors qu’elle n’avait que 12 ans, le refus de sa mère de la croire, l’alcoolisme de son père, les multiples abus vécus au cours de sa vie. Elle parle de tous ces gestes déplacés qu’elle subit au quotidien, des mots qui blessent, de l’impossibilité de contrôler son corps et son désir, et de cette vie qui n’en est pas vraiment une, une vie de lutte.
On comprend, peut-être un peu tard, que la voix-off qui l’accompagne est celle de son reflet, une part d’elle-même témoin de sa souffrance, une image qui la meurtrit tous les jours. Cette voix, interprétée par Candice Adam, est omniprésente, et on aurait aimé qu’elle prenne moins de place, que les phrases s’enchaînent moins rapidement. Le flot continu de parole submerge le spectateur, à tel point qu’il devient difficile de suivre et de comprendre. On décroche par instants, n’ayant pas le temps d’intérioriser ce qui est dit et vécu, le reflet prend trop de place. Il faudrait plus de respirations pour que l’on puisse s’identifier totalement à cette femme.
Une métaphore de l’enfermement
Le récit du Drap d’une Femme est abordable au sens propre comme au figuré. Sacha est peut être réellement séquestrée dans une cave. Sacha a peut être créée elle-même cette prison mentale. Chacun se fera son avis mais le résultat sera le même : quoi qu’il en soit, Sacha devra se libérer. Il faut pouvoir se libérer du poids des ombres pour avancer, ces masses sombres projetées en ombres chinoises sur le drap blanc, des personnes que Sacha a connu et qui la hante.
Le Drap d’une Femme est encore balbutiante mais Manon Chenet propose tout de même une œuvre émouvante et personnelle.
Le Drap d’une Femme est à découvrir au Théâtre Darius Milhaud tous les mardis à 19h jusqu’au 25 juin 2024.
Avis
Le Drap d'une Femme est une pièce sur la Femme et ses douleurs. Un presque seul-en-scène à parfaire mais qui reste touchant.