Le consentement est l’adaptation du célèbre roman autobiographique de Vanessa Springora avec Ludivine Sagnier.
Dans Le consentement, paru en janvier 2020 aux Éditions Grasset, Vanessa Springora revient, 30 ans après les faits, sur la « relation » qu’elle a vécue, sur fond de relation d’emprise, avec l’écrivain aux tendances pédophiles assumées, Gabriel Matzneff. Cette adaptation donne voix à ses mots avec force et sincérité.
Quand la toile se tisse
Tandis que le mouvement #MeTooGarçons s’est récemment lancé à son tour à la conquête des réseaux sociaux, c’est une œuvre majeure de la littérature post #MeToo qui s’empare jusqu’au 6 avril de la scène du Théâtre du Rond-Point à Paris. Le récit d’une relation qui n’aurait jamais du avoir lieu : celle d’un homme de 50 ans et d’une jeune fille de 14 ans. Plus précisément, celle d’un homme qui contait son goût pour les très jeunes personnes dans ses livres, et d’une jeune fille amoureuse et naïve.
Le cadre est d’abord posé. Une mère admirée, un père toujours très occupé et violent avec cette dernière, puis finalement absent dès lors que le divorce est prononcé alors que V. n’a que 5 ans. Chez son père, elle n’a plus sa chambre, plus sa place. Puis elle raconte sa passion des livres, les premiers jeux sensuels à 9 ans, et cette rencontre avec cet écrivain qu’elle vénère, qu’elle confond avec l’homme, et auprès duquel elle se sent enfin exister…
Cet homme qui se met à lui écrire des lettres et à venir l’attendre à la sortie de l’école, c’est un ami de sa mère qui lui aura préféré sa fille regrettera-t-elle, presque en bonne perdante, en découvrant ce qui se passe entre eux. L’effroi nous gagne face à cette mère qui ne s’interpose pas dans cette relation qu’entretient sa fille de 14 ans avec un homme à la réputation de pédophile déjà avérée, pire, qui semble la minimiser.
Le consentement n’empêche pas l’abus
« C’est arrivé sans prévenir. » Les premiers mots prononcés par la comédienne en disent long. Car il ne fait aucun doute que si « ça » prévenait, « ça » n’arriverait jamais. Et c’est d’ailleurs ce qui interpelle dans cette histoire-là tout particulièrement. Car elle aborde une question qui nous emmène au cœur de la zone grise. Là où il est question d’abus, mais où il demeure parfois compliqué de parler d’agression ou de viol.
Cette adaptation, portée par l’excellente Ludivine Sagnier, offre ainsi un écho supplémentaire, non seulement à ce témoignage, mais aussi à toutes les interrogations qu’il pose, aux problématiques qu’il soulève. Si la loi punit la sexualité entre un adulte et une personne n’ayant pas atteint la majorité sexuelle, et qu’il n’y a donc aucun débat à avoir dans la situation qui nous est ici dévoilée, se pose néanmoins, en filigrane et de manière plus large, cette fameuse et si malmenée question du consentement.
À quatorze ans, on n’est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n’est pas supposée vivre à l’hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche, à l’heure du goûter. »
Peut-on parle de viol ou d’agression sexuelle dès lors qu’il y a consentement ? Pour une grande partie de l’opinion publique, celle qui a eu la chance de ne jamais être une femme victime de ces actes, la réponse est non. Et pourtant… Les jeux d’emprise qui peuvent être à l’œuvre dans ce genre de situation sont redoutables. Ils font souvent céder, parfois consentir. Ils font consentir une jeune fille de 14 ans à des relations sexuelles avec un homme de 50 ans. La surprise, le pouvoir, l’autorité, la manipulation… : les armes sont nombreuses, et les victimes ne réalisent parfois que (beaucoup) plus tard ce qu’elles ont réellement vécu. Surtout lorsqu’une société et/ou un milieu les légitimise de manière plus ou moins assumée.
Une mise en scène qui prend trop de place ?
La musique live du batteur Pierre Belleville accompagne les mouvements émotionnels auxquels la jeune femme est en proie trente ans plus tard, s’affolant quand la réalité de ce qu’elle a vécu prend une autre forme, celle de la vérité. Le corps, alors plongé dans la pénombre ou apparaissant par transparence, chorégraphie ce que l’on imagine être la fuite, le dégoût, le combat, tandis que l’écrivain aimé n’est plus qu’un « sourire carnassier de fauve blond ». Des moments qui se répètent mais ne parviennent pourtant pas à nous secouer avec elle.
Ainsi, si nous avons été séduits par la simplicité et l’humilité du jeu de Mathilde Sagnier, nous avons été moins sensibles à cette mise en scène de Sébastien Davis. Nous l’aurions préférée plus épurée, moins envahissante. Nous aurions aimé qu’elle se déleste de quelques effets superflus, comme ceux qui, dans la scène des premiers ébats secrets, viennent expliciter une dimension quasi-mystique qui ne nous avait pas échappée, et laisse davantage de place à la force de l’émotion pure. Celle qui nous saisit soudain dans des moments qui prennent des airs de confidence entre la comédienne et nous. C’est ce qui fait qu’un moment de théâtre qui aurait pu nous bouleverser, n’a fait que nous frôler.
Le consentement, de Vanessa Springora, mise en scène Sébastien Davis, avec Ludivine Sagnier & Pierre Belleville, se joue du 7 mars au 6 avril au Théâtre du Rond-Point à Paris.
Avis
Aussi nécessaire qu'il soit, ce spectacle ne nous laisse que des impressions, le souvenir de quelques moments là où nous attendions que notre cœur se serre. Parfois "trop", d'autres fois "pas assez", la mise en scène nous a semblé en décalage avec l'intensité du propos.