Le cercle des poètes disparus est l’adaptation française du célèbre film avec Robin Williams qui a marqué toute une génération.
Elle était l’une des pièces les plus attendues de cette rentrée, et sans doute celle dont on parle le plus depuis qu’elle s’est installée dans le superbe Théâtre Antoine. Comme la majeure partie du public qui se presse à chaque représentation, nous étions impatients de découvrir cette adaptation française d’un film qui a marqué notre enfance, notre âme. Alors, la pièce a-t-elle su se faire la même place dans notre cœur ? Presque !…
« Oh Capitaine, mon Capitaine… »
Nous sommes en 1959. Tradition, honneur, discipline, excellence. Ce sont les valeurs fondamentales de la prestigieuse et non moins austère Académie Welton, où le père de Todd Anderson, homme autoritaire et dénué d’empathie (excellent Olivier Bouana), envoie son fils étudier. Le jeune garçon, plutôt réservé, va se lier d’amitié avec une bande d’étudiants, et tous vont faire la rencontre d’un professeur pas comme les autres, qui va bouleverser leurs vies d’une manière qu’aucun d’eux n’avait imaginé…
« Méfiez-vous du plus grand danger qui vous guette mes amis : le conformisme. »
En effet, Mr Keating est le nouveau professeur de littérature anglaise. Un « original », surtout pour l’époque, animé par de profondes valeurs humanistes et d’une sincère bienveillance, il apprend à ses étudiants à apprécier la poésie, à y puiser les réflexions et l’inspiration nécessaires pour tracer leur propre chemin, devenir des libres-penseurs et refuser l’ordre établi. « Carpe diem », c’est sa devise. Autant dire que si ce Keating suscite la curiosité et la sympathie des élèves, il ne fait en revanche pas l’unanimité du côté de l’Académie et de son directeur (Yvan Garouel), et encore moins du côté des parents…
Un défi de taille
Adapter ce chef d’œuvre écrit par Tom Schulman et réalisé par Peter Weir est un défi audacieux auquel s’est attelé Gérald Sibleyras, également co-auteur avec Patrick Haudecœur de la pièce à succès Berlin Berlin. Car le film, récompensé par de nombreux prix, a véritablement marqué toute une génération de son empreinte. Le film, et plus encore ce professeur Keating, incarné par l’exceptionnel et bouleversant Robin Williams.
La mise en scène d’Olivier Solivérès et la scénographie de Jean-Michel Adam retranscrivent joliment le charme désuet qui se dégage de l’œuvre originale. Le décor est minimaliste mais efficace. Un immense tableau à la craie sur lequel des projections vidéos nous emmènent parfois ailleurs recouvre le fond de scène, tandis que les quelques pupitres à roulettes de la salle de classe sont régulièrement disposés dans un angle différent, comme pour ouvrir l’esprit à d’autres perspectives.
Le cercle des poètes disparus : une adaptation théâtrale qui a fière allure !
La manière dont le spectacle démarre bien avant que la pièce ne commence est une vraie réussite et rend le moment précieux ! On ne vous en dit pas plus pour ne pas gâcher la magie de l’expérience, mais Le Cercle des poètes disparus imprègne le théâtre tout entier de son esprit le temps d’une soirée qui nous transporte dans nos souvenirs, dans notre enfance, dans le temps.
L’autre réussite c’est ce casting qui porte l’œuvre comme elle le mérite. Le talent, l’énergie et la générosité sont au rendez-vous. De même que l’esprit de camaraderie qui règne au sein de cette sympathique bande de collégiens en uniformes. Tod (Hélie Thonnat), Charlie (Audran Cattin), Richard (Maxime Huriguen), Meekx (Pierre Delage) et Gary (Maxence Seva) sont ainsi réunis aux côtés du talentueux Ethan Oliel (L’écume des jours, Le garçon nuage, La Tempête) qui, ici encore, dévoile un jeu organique dans le personnage de Neil, en proie à un conflit intérieur trop grand pour lui.
Et si Stéphane Freiss ne parvient pas à nous faire oublier Robin Williams (qui le pourrait ?), l’excellent comédien habille ce professeur Keating de la présence charismatique et humble sans laquelle ce personnage ne pouvait être incarné. Nous sommes toutefois un peu passés à côté de l’intensité dramatique des quelques moments les plus marquants de l’histoire, et la pièce n’aura pas su détrôner le film, même si l’inoubliable scène de fin nous a laissé les yeux humides au moment de nous lever pour applaudir bien fort cette belle et touchante équipe.
Le cercle des poètes disparus, d’après le film de Tom Schulman, adaptation française Gérald Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès, avec Stéphane Freiss, Ethan Oliel, Hélie Thonnat, Audran Cattin, Maxence Seva, Pierre Delage, Maxime Huriguen, Yvan Garouel, Olivier Bouana, se joue à partir du 24 janvier 2024 au Théâtre Antoine.
Avis
On aime quand le théâtre propose sa propre lecture d’œuvres issues d'un autre art, en y mettant sa propre âme. Surtout quand il arrive à créer un véritable univers comme c'est le cas ici, aux côtés d'une équipe qui nous charme et nous embarque à ses côtés.