Le garçon nuage est un seul en scène poétique dans lequel un garçon emménage sur un nuage pour fuir la réalité.
Son interprétation nous avait charmés dans la superbe adaptation de l’œuvre de Boris Vian, L’écume des jours, puis impressionnés dans celle de La tempête, de Shakespeare. Nous étions donc impatients de retrouver ce jeune comédien hors-norme dans l’exercice du seul en scène. Et il semblerait qu’Ethan Oliel soit bien décidé à nous mener de surprise en surprise…
Entre ciel et terre…
Sa valise à la main, le garçon nuage s’apprête à grimper sur son escabeau pour s’échapper vers ailleurs, vers le ciel. Pour se faire la malle, loin des objectifs, des ambitions, des espoirs abandonnés, perdus, déçus… Pour fuir une réalité devenue pesante. C’est une décision qu’il a prise, enfin qu’il prend devant nous, agrippé aux barreaux qu’il escalade progressivement, à peine hésitant, de plus en plus convaincu qu’il n’a pas à rougir de son choix.
Cette entrée en matière est particulièrement captivante car elle nous confronte avec intelligence à nos tumultes intérieurs, à nos envies d’ailleurs, à nos stratégies d’évitement. On lève les yeux vers notre propre nuage, celui depuis lequel nous espérons parfois échapper aux contrariétés de l’existence. Et, en même temps que ce garçon, on se demande alors… Si nous acceptions ces temps de retrait dans lesquels peuvent parfois nous plonger nos saisons intérieures ? Si nous prenions la vie comme elle vient, avec ce que nous sommes ? Et si nous acceptions le confort temporaire du déni quand la vie nous bouscule un peu trop fort ?
« On n’est pas fou quand on trouve un stratagème qui nous sauve. »
Et puis, c’est la rencontre qui bouleverse tout. Inattendue, inespérée, improbable et pourtant bien réelle. Celle qui donne envie de revenir sur Terre, de réintégrer le réel et d’abandonner le nuage. Pour un temps au moins. « Il est le néant, elle est le chaos » mais à ses côtés il reprend vie. L’imaginaire, pourtant, n’est jamais bien loin. Et tandis que l’histoire d’amour prend le dessus et que le spectacle bascule alors dans un lyrisme exalté, nous restons pendus à ses vers…
Extraordinaire Ethan Oliel
Probablement que… Oh et puis non, c’est sûr, jamais nous n’avions vu un comédien aussi habité, animé par tant de passion et d’énergie. Dès les toutes premières secondes, avant même que l’on ait le temps de vraiment comprendre quoi que ce soit, on est captivé par ce jeune homme qui se tient là, devant nous, mais qui définitivement semble échapper au temps, à l’espace, au raisonnable, à la tiédeur. Ses yeux pétillent, ses mots nous happent, et sa sensibilité nous attrape le cœur. Il n’est pas question de jeu mais d’abandon, de présence entière, sincère, sans fard.
Ethan Oliel est un comédien qui ne se regarde pas jouer, et qui se moque bien du paraître. Seul l’être compte, c’est assez évident. Il ne cherche pas le beau mais l’authentique. Il n’incarne pas les personnages mais les émotions. En fait, il est le spectacle. C’est assez impressionnant et touchant à voir. Excessivement théâtral pourraient lui reprocher certains, tout en emphases et débordements. Mais ce comédien-auteur-poète virtuose des mots leur répondrait très justement et sans cynisme : « J’exagère, mais ça me va très bien ! ». Et il aurait tellement raison…
Le garçon nuage, un déluge poétique
Le seul petit défaut que nous pourrions trouver à ce seul en scène, est en réalité directement lié à sa qualité. En effet, le texte est si dense, si riche, si plein de lyrisme, qu’il manque ça et là quelques espaces pendant lesquels revenir à la surface, quelques respirations. Juste pour nous laisser le temps de bien apprécier toute la poésie qui se dégage de la plume de l’auteur, pour avoir le temps d’être touché par les mots, de les laisser infuser un peu, de permettre à certains de s’imprégner dans notre mémoire.
Je suis un voyageur. Une simple tournure,
Une belle formule, un passage un peu fou,
une page éclatante, un bijou d’écriture,
Et je m’en vais ! Je pars ! Je me mets à voler !
Alors, à de très rares moments, nous nous sommes surpris à décrocher quelques secondes. Non pas que nous étions moins captivés par le spectacle, mais justement parce que nous l’étions trop et qu’un tel niveau d’intensité n’est pas toujours évident à tenir. Nous osions d’ailleurs à peine prendre des notes, comme nous le faisons habituellement, de peur de manquer une jolie formule, un trait d’esprit.
Vous l’aurez compris, c’est un point d’amélioration qui ne peut s’adresser qu’à un spectacle de ce niveau de qualité et d’exigence. La mise en scène de Charly Coïc accompagne d’ailleurs avec finesse cette échappée poétique qui brouille la frontière entre l’imagination et le réel, entre le ciel et la terre. Et qui nous laisse le cœur en paix et l’âme en joie.
Le garçon nuage, de et avec Ethan Oliel, mise en scène Charly Coïc, s’est joué du 25 mai au 23 juin aux Déchargeurs.
(nouvelles dates à venir).
Avis
Ce spectacle est à l'image de son auteur : attachant, tout en poésie, drôlerie et tendresse. Ethan Oliel est un comédien-poète qui nous transporte ailleurs et donne à la vie des airs de féérie. Dans ce premier seul en scène, il impressionne.