Premier film de la Compétition officielle du Festival de Cannes 2024, Diamant Brut est également le premier long-métrage d’Agathe Riedinger. Une réalisation manquant parfois de tenue, mais prenant le pouls d’une jeunesse en quête de célébrité d’un monde gouverné par les apparences. Le tout avec en tête d’affiche la révélation Malou Khebizi.
Le pitch de Diamant Brut prend des accents de mockumentaire lorsqu’on s’y arrête deux secondes : Liane (Malou Khebizi) a 19 ans, et semble vivre de manière autonome sous le soleil de Fréjus. Peu encline à poursuivre un avenir sans avenir apparent, cette dernière cherche à tout prix à devenir la nouvelle candidate de Miracle Island, une TV-réalité se déroulant à Miami.
Dès lors, Agathe Riedinger (dont il s’agit du tout premier long-métrage!) nous plonge dans le quotidien de cette jeune femme aspirant à une stardom pré-fabriquée, prête à tout pour devenir une « Kim K » française. Du premier au dernier plan, Diamant Brut épouse donc le point de vue de la jeune femme dans une success story viciée, où les paillettes ne deviennent que le vernis d’une existence à travers le regard des autres.
Montrer son (cul)te de l’apparence
La première demi-heure de Diamant Brut réussit d’ailleurs efficacement un exercice que seuls des réalisatrices comme Andrea Arnold ou Ninja Thyberg ont réussi à faire ces dernières années : à savoir capter le pouls d’une lower class en pleine recherche émancipatoire par la fuite de leur milieu social. Et presque comme Showgirls de Verhoeven, Riedinger filme le culte de l’apparence et la fame tel un miroir non-déformant nous renvoyant à la laideur d’une beauté factice. Pas besoin du verbe, Riedinger véhicule ce qu’il faut lorsque son actrice prend machinalement soin de son corps, quitte à le malmener.
Diamant Brut n’est jamais meilleur que lorsqu’il filme sans artifice Malou Khebizi, portant l’entiéreté du métrage sur ses épaules. Une mise à nu au sens propre comme au figuré qui donne son énergie incandescente au récit, qui malheureusement enfonce rapidement quelques portes ouvertes à mi-parcours. Le misérabilisme ambiant pourrit tomber dans le fétichisme, tandis que la mise en scène arty (maîtrisée ceci dit !) sort les violons pour appuyer un gravitas loin d’être nécessaire.
Rapidement, Liane va commencer à être tiraillée entre la perspective d’un avenir d’influenceuse (envoyant même paître conseillère d’orientation ou famille en dépit du bon sens), et celle d’un amour sans écran interposé (mais circonscrit à une vie sans diamant!). Dommage que cette romance naissante manque de réelle emphase émotionnelle.
Diamant Brut, ou l’arrière-goût du stardom
Une superficialité qui étrangement trouve son incarnation de par le sujet même du film (et son angle d’attaque filmique), tandis que les repères moraux de Liane sont abolis. Alors que cette dernière devient de plus en plus galvanisée par les commentaires de followers (aussi aguicheurs qu’abjects), la nature d’influenceur se voit presque corrélée à une figure de prophète numérique objectifié, autant qu’à de la prostitution (sacré séquence de malaise impliquant 3 hommes mûrs).
Rien de neuf donc son discours mettant en parallèle la solitude, le mal-être et le désir de reconnaissance par le regard d’autrui. Mais c’est passé son ventre-mou dramaturgique, que Diamant Brut opère une dernière ligne droite où le refus du glamour et l’approche sans fard de la réalisatrice touche de la caméra une triste réalité.
Celle où l’hypersexualisation devient un pré-requis féminin, où n’importe quelle breloque volée en magasin peut se faire passer pour un accessoire de luxe, et où la chirurgie demeure le passage obligé pour trouver sa personnalité. Une quête de célébrité n’allant jamais dans le pathos ou l’indignation facile, alors que Riedinger conclue Diamant Brut au moment même où la fiction rejoint ce qui est devenu notre réalité : de l’autre côté de la télévision.
Diamant Brut sortira au cinéma le 20 novembre 2024. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Alors que le récit semble tourner en circuit ferme à mi-parcours, Diamant Brut séduit autant qu'il révulse dans la captation d'un culte de l'apparence faisant loi sur la jeunesse actuelle. Un triste miroir non-déformant, palliant ses faiblesses dramaturgiques par la mise en scène âpre d'Agathe Riedinger et la mise à nu littérale de Malou Khebisi. Pas mal, bien que perfectible !