La Méthode Williams conte l’histoire vraie de l’ascension de Venus et Serena Williams ! Du quartier de Compton jusqu’au statut de grandes joueuses de tennis historiques, il y avait forcément de quoi faire un long-métrage. Mais ce dernier a la très bonne idée d’aborder la narration de ce récit véridique par le prisme de leur père, Richard Williams. Un individu dichotomique des plus intéressants, incarné ici par Will Smith, pour un de ses meilleurs rôles !
Nous sommes au début des années 90, dans la banlieue de Los Angeles à Compton. Là, un père de famille réquisitionne le terrain de basket local, affublé d’un short trop court et de chaussettes hautes. De sa démarche chaloupée, il envoie des balles à ses 2 filles, prêtes à en découdre avec leurs raquettes. Richard Williams a un plan depuis leur naissance : faire de Venus et Serena Williams les plus grandes championnes de tennis ! Mais comment faire lorsqu’on n’a aucune expérience dans le milieu sportif, et qu’on enchaîne plusieurs jobs pour subvenir aux besoins de sa famille ? C’est le point de départ de La Méthode Williams !
Ce postulat de base pourrait n’être que le pitch de départ d’un drama sportif, genre dont raffole d’ailleurs les États-Unis. King Richard en VO est donc un digne représentant de ce type de film, mais a surtout l’avantage d’être une histoire vraie ! Argument qui permet d’entrée de jeu d’en valider les divers éléments scénaristiques, et surtout surprendre le spectateur devant cette American success story assez ahurissante sur le papier !
En effet, on tient là une histoire folle méritant d’être contée : Richard Williams, n’ayant jamais pratiqué de tennis de sa vie, aura conçu un plan méticuleux de 78 pages avant la naissance de Venus et Serena. Considéré comme un type un peu fou et n’ayant jamais eu de chance dans la vie, ce dernier arrivera tant bien que mal à accomplir son dessein : un véritable modèle d’abnégation et de persévérance ! Placer le focus sur la figure patriarcale des sœurs Williams n’enlève rien à leur immense talent, mais offre pour ainsi dire un point de vue singulier, pertinent et malin ! Et surtout, c’est l’occasion parfaite pour Will Smith d’obtenir un rôle de choix.
King Willie
Autant à l’aise dans la comédie (Men in Black) que l’actioner (Bad Boys for Life) ou le gros blockbuster (Je suis une Légende, I, Robot, Independance Day et on en passe), il ne faut pas oublier que Big Willie a aussi une appétence pour les biopics (l’excellent Ali ou encore le lacrymal A la recherche du bonheur). Avec La Méthode Williams, Will Smith retrouve un rôle exigeant et habité, pour une des meilleures performances de sa carrière ! C’en est même légèrement déstabilisant les toutes premières minutes, de le voir prendre une intonation, une gestuelle et un tempo différent, afin d’épouser la personnalité bigger than life et paradoxalement terre-à-terre du véritable Richard Williams !
Fatigué et à la fois plein d’entrain, le personnage représente une dichotomie des plus passionnantes, et la clé de voûte de tout le film. Tour à tour touchant et bougon, drôle et acariâtre, Richard Williams est un protagoniste fascinant à l’heure du self-made man. Profondément attaché à ses valeurs familiales, on le voit avant tout protecteur envers ses enfants, par peur que l’Amérique et l’opinion publique puissent les pervertir. On le verra donc faire du porte-à-porte tel un vendeur, tenter de rallier à sa cause d’éminents entraîneurs (très bon Tony Goldwyn de Scandal, et un Jon Bernthal impeccable dans un rôle aux antipodes du Punisher) et pousser ses enfants au maximum de leur potentiel (très bonne performance de Saniyya Sidney au demeurant) !
C’est là que La Méthode Williams se montre moins lisse qu’il n’y parait, en n’hésitant pas à égratigner (un minimum) l’aura du personnage, en adressant par instants ses limites, voire un léger aspect toxique. Après tout, on a bien affaire à un père, qui planifie chaque sortie et centre d’intérêt de ses protégées (par égoïsme ? rédemption ?). De l’autre, un individu prêt à encaisser la souffrance, la pénibilité et le refus pour conserver leur innocence. Un aspect bicéphale plutôt fascinant et admirablement véhiculé par Will Smith, pour un film avant tout dévolu à la personnalité complexe de Richard Williams !
American feel good story
La Méthode Williams a donc tout du feel good movie de fin d’année : une durée de 2h20 diablement bien rythmée, pour un scénario sans bout de gras. Réalisé par Reinaldo Marcus Green (Monsters and Men), le film se veut carré tant via la photographie solaire de Roger Elswit (Nightcall) que par son montage ou sa musique de Kris Bowers (Green Book). On aurait cependant aimé un point de vue qui dépasse le cadre de cette histoire. Un académisme qui ne transpire cependant pas la napthaline, et qui même s’il ne prend pas à bras le corps tous ses sujets comme la fracture socio-raciale (deux petites filles noires se frayant un chemin dans un milieu historiquement blanc) ou le milieu sportif, demeure un bon film inspirant et solide, porté par un Will Smith qui ne volerait pas l’Oscar !