Goliath voit Frédéric Tellier revenir sur les routes sinueuses du thriller après la traque de Guy Georges dans L’Affaire SK1. Pour un film politique efficace, mais qui n’évite cependant pas la caricature.
Goliath est le troisième long-métrage de Frédéric Tellier, ici sorti du succès critique et public de Sauver où périr, qui mettait déjà en scène Pierre Niney en pompier confronté à des brûlures dont il ne se remettrait jamais. Si le film s’avérait (déjà) indéniablement prenant, Frédéric Tellier semblait forcer le trait du drame en retirant ainsi un peu au film de la force de son propos. Goliath fait de même, et si le metteur en scène relit ici sa traque de Guy Georges dans L’Affaire SK1 en la muant en un combat judiciaire et médiatique contre les pesticides, Goliath souffre également d’une écriture caricaturale malgré l’imparable efficacité de son entreprise.
Des gentils contre des méchants
On entre ainsi dans Goliath avec des très gros sabots. On y suit ainsi trois personnages, et deux très très gentils, l’avocat sans le sou mais pétri de bonté campé par un Gilles Lellouche mal coiffé mal rasé, qui enquête forcément dans un bureau enfumé et assemble ses preuves sur un tableau. On y suit aussi une admirable prof d’EPS travaillant également dans un entrepôt pour le côté film social campé par la toujours impeccable Emmanuelle Bercot. De l’autre côté, on retrouve donc le méchant lobbyste Pierre Niney, jeune requin ambitieux qui boit des shooters de Vodka dans un bar à prostituées tout en évoquant avec émotion son histoire d’amour réussie. Le trait est grossier, très caricatural, notamment dans les scènes où le personnage d’Emmanuelle Bercot et son mari malade se muent en clowns pour émerveiller les enfants, faisant ainsi sombrer le film dans un défilé de clichés présentant ainsi son message de manière très artificielle.
L’histoire d’amour Instagram à la campagne de gens qui n’ont rien mais sont très heureux, l’enquête d’un avocat dont la belle humanité le perdra, et la vie argentée sans scrupules ni morale du lobbyste, tout est là, avant qu’heureusement Goliath décolle enfin. Parce que lorsque Frédéric Tellier fait sortir ses personnages de leur zone bien trop balisée, le film prend enfin le pouls de son passionnant sujet, à savoir celui d’un combat perdu d’avance contre tout un système puissant et pourri jusqu’à la moelle. Le metteur en scène en tire ainsi le meilleur de son film, lorsqu’il plonge avec beaucoup tension dans le combat entre ces deux mondes diamétralement opposés, et du poids d’un ennemi aussi puissant que terrifiant.
Perdu d’avance
Frédéric Tellier met ainsi en scène avec beaucoup de brio la violence inhérente à son sujet. La violence psychologique et pesante amenant une femme à s’immoler devant les locaux d’une firme toute-puissante, où à des parents d’accepter de se taire contre un chèque, et celle du poids moral broyant un à un des vies, de l’ancien scientifique réduit au silence campé par Jacques Perrin jusqu’à la journaliste rouée de coups jouée par Marie Gillain. Goliath aurait ainsi gagné à faire de cette tension son maître-mot en gommant de son équation des prestations d’acteurs attendues dans des rôles qui ne le sont pas moins.
Voir Emmanuel Bercot s’emporter contre une assemblée (Comme dans le récent Fête de Famille) o Pierre Niney se laisser gagner par la rage à fond sur l’autoroute dans un bolide lancé à toute vitesse n’apporte strictement rien, sur le fond comme sur la forme, à un sujet éminemment plus complexe. Il est ainsi fait bien pire sacrifice au personnage de Laurent Stocker, éternel second rôle et brillant sociétaire de La Comédie Française, dont le rôle de simple faire-valoir sera conclu par un bien faible retournement de situation permettant au film de faire retentir une bien maigre victoire face à un sujet qui réclamait infiniment plus de rigueur.
Goliath est disponible en VOD, DVD et Blu-ray depuis le 13 juillet 2022.
Avis
Goliath aurait pu être un thriller glaçant et efficace s'il ne souffrait pas d'une écriture aussi caricaturale, faisant parfois flirter le film avec la facilité et le pathos. Derrière cette enfilade de clichés et de prestations d'acteurs attendues, il sommeille cependant dans Goliath une violence froide que Frédéric Tellier caresse sans jamais vraiment l'emporter. D'un sujet éminemment complexe, Goliath n'en tire ainsi qu'un thriller bien trop sage et attendu.