James Gray, réalisateur connu pour ses drames ou ses fresques intimistes, s’attaque à un genre inédit pour lui avec « Ad Astra » : la science-fiction.
Désireux selon lui de proposer « un vrai voyage stellaire » et une dépiction inédite de celui-ci inspiré par Heart of Darkness de Joseph Conrad, l’attente fut longue pour Ad Astra.
Situé dans un futur proche où l’humanité a colonisé la Lune ou encore Mars (joignables via des vols galactiques commerciaux), on y suit l’astronaute Roy McBride, ingénieur spatial envoyé vers Neptune pour trouver son père (un Tommy Lee Jones parfait), 30 ans après que l’expédition de ce dernier ait disparu dans le but de trouver de nouvelles formes de vie intelligentes. De ce pitch de départ va donc se créer un récit aux confins de la Voie Lactée à la recherche de la vérité et dans le but de sauver notre système solaire de mystérieuses salves de rayons cosmiques…
Autant le dire tout de suite : Ad Astra est un grand film de SF intimiste sur la solitude, la peur de l’abandon, la quête du père (et donc de Dieu), l’enfouissement des émotions, les blessures du passé et comment les surmonter pour construire son avenir. Sous ses airs de blockbuster de la 20th Century Fox, nous avons bien affaire à un film d’auteur.
Beau comme une étoile
Brad Pitt livre une de ses meilleures performances (pour un personnage qui à l’image du film est schizoïde et retrouve une humanité, une vulnérabilité et de l’émotion au fil du film), autant à l’aise dans des silences lourds de sens que dans l’émotion pure. Le reste du casting (plus maigre en temps de présence) que ce soit Ruth Negga, Donald Sutherland ou Liv Tyler s’en tire également avec les honneurs.
La réalisation de Gray est précise et majestueuse, autant à l’aise dans des décors d’intérieur inspirés (une base lunaire sous forme de centre commercial) que pour des séquences à effets spéciaux (une séquence de poursuite en modules sur la Lune que ne reniera pas George Miller ou James Cameron, jouant admirablement avec les points de vue, le sound design et la gravité propre).
La photo de Hoyte van Hoytema (Morse, Her, Interstellar, Dunkirk..) est belle à s’en damner (attendez de voir le sol martien ou les anneaux bleus de Neptune !) proposant un spectre de couleur varié et qui marque la rétine.
La musique de Max Richter (The Leftovers, Hostiles) n’est peut-être pas sa composition la plus marquante, mais elle apporte un rythme et une atmosphère lancinante jusqu’à une dernière demi-heure qui touche tout simplement droit au cœur, laissant le souffle coupé et les yeux humidifiés devant une telle symbiose entre la musique et ce qu’il se passe à l’écran.
Un voyage stellaire vers nous-mêmes
Autant inspiré de Apocalypse Now ou Solaris que de Sunshine ou First Man, Ad Astra reste un film absolument personnel de son cinéaste (donc pour public averti et curieux), s’intégrant parfaitement dans les thématiques de sa filmographie (là encore via la détresse lié à la solitude, le cloisonnement des émotions et les fractures familiales) tout en rendant hommage à un panthéon de la science-fiction (notamment Arthur C.Clarke).
Un excellent film tout simplement (on regrettera quelques coupes notamment en fin de film et une voix-off qui souligne parfois un peu trop le propos), une expérience unique et atmosphérique qui envoie réellement vers les étoiles de nos propres cœurs.
CharleyD