Le Festival de Cannes 2024 vient de s’achever, et le jury présidé par Greta Gerwig vient de rendre son verdict sur les lauréats, notamment la Palme d’Or allouée à Anora. Des films réussis dans chaque catégorie, mais est-ce que cette répartition des prix est justifiée ?
Après 22 films visionnés pour la Compétition officielle du Festival de Cannes, le jury constitué par Greta Gerwig, Omar Sy, Nadine Labaki, Pierfrancesco Favino, Eva Green, Juan Antonio Bayona, Hirokazu Kore-eda, Lily Gladstone et Ebru Ceylan a rendu le verdict. Analysons rapidement les résultats et notre ressenti (couplé à ce que nous désirions au palmarès) :
La 5e Palme d’Or américaine
Palme d’or : Anora de Sean Baker. Un très bon film, et le meilleur film de son auteur, constituant la première Palme américaine depuis le magnifique The Tree of Life en 2011. De loin un des favoris de la sélection et vrai crowd-pleasure que cette comédie irrévérencieuse virant en pur drame amer. Sa place au palmarès est logique, même si nous l’attendions plus pour un prix d’interprétation ou un autre grand prix : la Palme devrait récompenser une œuvre unique de pur cinéma avant tout !
Grand Prix : All We Imagine as Light de Payal Kapadia. Seulement la 3e fois que l’Inde est représentée au palmarès du Festival de Cannes, ce prix au tendre et sensible film de Kapadia fait donc du baume au cœur pour ce qui représente aujourd’hui un vrai terreau créatif filmique du continent asiatique. Néanmoins, un film nettement plus audacieux et singulier méritait sans nul doute ce Prix (surtout après La Zone d’Intérêt en 2023).
Prix de la mise en scène : Grand Tour de Miguel Gomes. En terme de mise en scène ce cru 2024 aura été excellent, si bien que pas mal de lauréats auraient pu dénicher ce prix (comme le Sorrentino ou le Magnus von Horn). Pourtant, on était persuadé que Coralie Fargeat aurait cette Palme (et on l’explique plus bas). Toujours est-il que s’il y a bien une force inébranlable dans l’odyssée sensorielle vietnamienne de Gomes, c’est bien sa mise en scène en noir & blanc !
Prix du jury : Emilia Pérez de Jacques Audiard. Notre chouchou du Festival de Cannes n’aura pas eu la Palme ni le Grand Prix, pourtant cet OVNI musical audacieux et unique est le film qui repart avec le plus de prix, récompensant son réalisateur (déjà détenteur d’un prix du scénario, d’un Grand Prix et d’une Palme !) et son incroyable casting féminin. Le classe !
Prix du scénario : The Substance de Coralie Fargeat. Autre surprise du Palmarès : récompenser le scénario de l’uppercut déviant de la Croisette, véritable classique instantané du body horror et d’un cinéma bis retrouvant ses lettres de noblesse. Mais comme le précisait sa réalisatrice française, l’écriture de The Substance a pris 2 ans, avec déjà à la base du script l’élaboration des plans, du sound design et de l’enchainement de ses séquences. Un lot pas déshonorant (d’autant qu’il s’agit d’un des films les plus surprenants de l’année), mais qui méritait un plus gros prix selon nous !
Des Palmes historiques
Prix d’interprétation féminine : le casting féminin d’Emilia Pérez (Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz). Prix historique, car partagé entre les 4 actrices principales de l’excellent film d’Audiard, mais également attribué pour la première fois à une actrice trans dans le lot. Difficile de nier la cohérence derrière ce geste, tant la synergie partagée au sein de ce superbe casting permet d’obtenir de superbes personnages impeccablement incarnés, et ce dans tous les registres (dramatiques, humoristiques, dansés, chantés..). Mikey Madison et Demi Moore n’auraient pas démérité néanmoins !
Prix d’interprétation masculine : Jesse Plemons pour Kinds of Kindness. Même si on pensait que Ben Wishaw (totalement excellent dans Limonov) repartirait avec la statuette, force est de constater que ce prix est une très belle nouvelle pour Jesse Plemons, un des meilleurs seconds couteaux de la dernière décennie (Breaking Bad, The Power of the Dog, Civil War, Game Night..). D’autant que même s’il est peu présent dans le dernier segment du film de Lanthimos, c’est de loin le meilleur acteur du casting !
Prix spécial du jury : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof. Probablement le grosse surprise du palmarès cannois : le très bon film du cinéaste iranien est un réquisitoire osé et inspirant face aux dogmes de son pays, qui a globalement conquis toute la Croisette le dernier jour du Festival. Beaucoup l’envisageaient comme la probable Palme..et au final le jury a décidé d’attribuer un lot de consolation spécial. Une belle occasion manquée en somme !
Et pour la section court-métrages (que nous n’avons malheureusement pas vu) : The Man Who Could Not Remain Silent de Nebojša SLIJEPČEVIĆ avec comme mention spéciale Bad for a Moment de Daniel SOARES.