Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2024, Grand Tour de Miguel Gomes n’est pas un film comme les autres. Difficile d’accès, hautement poétique et libre, il propose un voyage sensoriel à travers le regard d’un homme, puis d’une femme en périple en Asie après la Première Guerre mondiale.
Avant tout, on tient de commencer cette critique par un mea culpa : l’auteur de ces lignes a piqué du nez pendant 10 min environ lors de projection de Grand Tour au Festival de Cannes – suite à un manque de sommeil non négligeable. Néanmoins, malgré cette absence des plus honteuses, il se permet de rédiger la critique de ce film qui, outre qu’il ait mis sa fatigue à rude épreuve, est une petite merveille narrative et esthétique.
Divisé en deux parties, Grand Tour propose le récit d’un bureaucrate en mission au Birmanie qui, à l’annonce de l’arrivée de sa fiancée qui vient pour le mariage, décide tout simplement de s’enfuir à travers l’Asie. Sauf que cela ne suffit pas, car la femme a bien décidé de le rattraper. Bref, on part déjà sur une histoire des plus atypiques. Pourtant, c’est ce qu’il y a de plus classique dans le film.
Un style original
Loin, très loin des longs-métrages d’aventure romanesque que l’on connait tous (Docteur Jivago pour n’en citer qu’un), Miguel Gomes a une approche contemplative et quasi-documentaire de la narration. Il mélange des séquences dans le présent, sans les personnages, mais qui représentent le lieu où ils sont passés 150 ans auparavant. Il capte des instants de vie, une ambiance. Accompagné d’une voix-off qui ajoute un aspect « carnet de voyage », le spectateur est immergé dans les méandres esthétiques et narratives sans que cela devienne déplaisant.
Une fois qu’on a saisi le style – accessoirement qu’on se soit réveillé de sa sieste – le voyage prend une ampleur des plus admirables. Filmé principalement dans un noir et blanc texturé avec un grain pellicule des plus savoureux, Grand Tour est un petit bijou d’ambiance. On a la sensation d’être directement projeté dans le passé, d’accompagner cet homme et cette femme dans leurs aventures palpitantes et légèrement périlleuses. On fait partie du voyage.
Bien entendu, le style documentaire est pour beaucoup dans la réussite immersive, mais pas que. Étant donné la date à laquelle se passe le récit (1918), Miguel Gomes utilise des procédés typiques du cinéma muet, délaissant la parole pour une approche purement visuelle. Ces mélanges de style imprègnent Grand Tour d’un aspect poétique et onirique. Bref, même quand on se réveille d’une sieste en pleine projection, on continue de rêver !
En soi, long-métrage n’est clairement pas adapté à tout le monde. C’est une expérience originale qui connecte le passé au présent, le style classique à l’expérimental. Néanmoins, le réalisateur Miguel Gomes réussit pleinement son pari de film atypique avec une approche délicate et sensorielle.
Grand Tour sort au cinéma le 27 novembre 2024. Retrouvez toutes nos critiques du Festival de Cannes 2024 ici.
Avis
Clairement, Grand Tour ne plaira pas à tout le monde. Néanmoins, c'est une oeuvre assez fabuleuse sur ce qu'est le voyage, l'ensemble filmé dans un noir et blanc magnifique emprunt d'un style pellicule vintage, documentaire et stylistiquement libre.