À l’approche d’une élection présidentielle capitale aux États-Unis – peut-être même pour la survie de l’humanité – rien de mieux qu’un biopic politique qui revient avec un ton acerbe sur l’ascension dans le monde des affaires du jeune Donald Trump. Comment devenir un taré psychopathe qui a tenté de renverser la démocratie américaine ? Voici la leçon donnée par Ali Abbasi (Les Nuits de Mashhad) avec The Apprentice.
Afin de faire un portrait de l’homme-orange, le cinéaste choisit d’axer son récit autour d’une rencontre fondamentale dans sa vie : sa relation avec le célèbre avocat corrompu, Roy Cohn, connu pour avoir poussé à l’exécution des Rosenberg, et qui a aussi représenté des noms sympathiques du monde de la pègre new-yorkaise. L’avocat va devenir son maître spirituel, lui apprenant les rouages du succès dans les affaires. Si cela vous intéresse, on se permet un gentil spoil : il suffit de n’avoir strictement aucune empathie.
Le récit de The Apprentice est développé classiquement en suivant la chronologie de la montée en puissance de Trump, depuis ses débuts en affaires jusqu’à l’écriture (pas par lui évidemment) du livre L’Art de la négociation, date à laquelle il s’est imposé sur la scène new-yorkaise.
Humaniser un monstre
Fils d’un père riche entrepreneur et accessoirement tyrannique, la vie du jeune Trump ne commençait pas fort bien. Ali Abbasi choisit de montrer un Donald humain. Certes, il est dévoré par son ambition et par son égo, mais le réalisateur filme Trump à la manière de la Chute – film qui raconte les derniers jours d’Hitler en le dépeignant comme quelqu’un de profondément humain. The Apprentice rappelle que derrière chaque monstre, il y a un homme ou une femme (mais souvent un homme).
Bien qu’il soit représenté sous cet aspect humain, le principal intéressé s’est lancé dans une attaque frontale du film, le menaçant d’un procès. Il semblerait qu’il n’ait pas apprécié la présence d’une scène qui l’accuse ouvertement de viol sur sa femme de l’époque. Néanmoins, c’est aussi l’un des principes fondamentaux de sa pensée : attaquer, toujours attaquer. Qu’importe le résultat, il faut montrer les dents tout le temps.
Une approche classique
En ce qui concerne le film en lui-même, Ali Abbasi fonce la tête la première dans le style télévisuel des années 80. Entre le soap et la télé-réalité, la vie de Trump est filmée avec une patte vintage marquée qui mélange le kitsch de la télévision au grain filmique de la nouvelle vague américaine (Scorsese, De Palma…). Sans être follement original, The Apprentice est d’une efficacité sans faille.
On regarde avec plaisir – mêlé à un sentiment de désespoir par rapport à l’intelligence de l’espèce humaine – cette œuvre mise en scène solidement avec des personnages bien incarnés grâce au très beau casting (Jeremy Strong en Roy Cohn et Sebastian Stan en Donald Trump). L’évolution de la personnalité de Trump à travers le temps est parfaitement retranscrite et sensible, on sent l’influence de l’avocat germer dans l’esprit de l’homme d’affaires. Stan incorpore de nouveaux éléments du langage corporel du Trump que l’on connait à mesure que ce dernier gagne en confiance et qu’il trouve son style.
Néanmoins, du fait de son académisme structurel et visuel, The Apprentice ne dépasse pas le statut du biopic solide, drôle et acerbe, mais qui manque d’un grain de folie pour le rendre mémorable. Ce portrait sans concession de l’homme le plus dangereux des États-Unis demeure nécessaire et tristement d’actualité à la veille des élections de novembre 2024. En espérant que cela aide à démystifier le bonhomme pour ceux qui le soutiennent contre vents et marées… Mais on en doute sincèrement.
The Apprentice sortira au cinéma le 9 octobre 2024. Retrouvez toutes nos critiques du Festival de Cannes 2024 ici.
Avis
À l'heure où la démocratie américaine est menacée par un retour au pouvoir de Donald Trump, le cinéaste iranien Ali Abbasi réalise un portrait à charge contre l'homme d'affaires. C'est drôle, plutôt bien croqué et solidement mis en scène tout en restant de facture classique avec un style rétro années 80. Sympa !