Présenté au Festival de Cannes 2024, le nouveau film de fiction ancré fortement dans le réel de Rithy Panh, Rendez-vous avec Pol Pot, continue son exploration des atrocités des Khmers rouges au Cambodge de 1975 à 1979.
Trois journalistes se rendent au Cambodge, alors que le pays a sombré dans le totalitarisme des khmers rouges, un mouvement révolutionnaire paysan. Ils se sont embarqués dans un reportage sur la situation dans le pays (qui s’inspire d’une histoire tristement vraie) avec l’idée de découvrir ce qui se passe réellement dans le pays et de rencontrer son grand leader, Pol Pot. Ce récit est adapté des écrits de la journaliste américaine Elizabeth Becker, interprétée dans le film par Irène Jacob (même si les personnages originaux ont été remplacés par des personnages français).
Si Rithy Panh aborde si souvent cette période atroce, c’est parce qu’il en fait son devoir. Enfant, lui-même a été victime de la barbarie de ce régime de la « Kampuchéa démocratique« : il y perdit ses parents et des membres de sa famille. Ce n’est donc pas avec le même regard qu’un simple documentaliste spécialisé de cette époque que Rithy Panh aborde la question des Khmers rouges. Il est habité par une mission : utiliser le cinéma pour exprimer l’inimaginable, mais surtout pour que ce drame soit parfaitement documenté et ne soit jamais oublié.
Un traitement tout en finesse
Loin de la simple vengeance envers un régime qui lui a tout volé, le cinéaste a pris la distance nécessaire avec son sujet et il le démontre avec une finesse impeccable dans sa réalisation. Petite touche par petite touche, il dépeint un monde qui a transformé un idéal révolutionnaire en faveur de l’équité pour tous, en une machine à déplacer, à terroriser, à massacrer des populations entières. Il suggère ce désastre avec ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas : des villes fantômes, des charniers, des villages abandonnés ou en proie à la famine et à la maladie. Il décortique également la mentalité fanatique des soldats Khmers rouges. Qui sont-ils ? Pourquoi font-ils cela ? Par quelle force invisible sont-ils poussés à faire de telles choses ?
Pour cela, il utilise un arsenal de techniques propres au cinéma pour conter le récit de ces trois journalistes qui ne s’attendaient pas à ce qu’ils allaient découvrir. Par moments, il intègre des films documentaires directement dans le cadre de la fiction ; il filme aussi des petites figurines de ses personnages qui représentent des séquences de l’histoire. Ce mélange de techniques participe à construire un récit frappant, émouvant et qui fait réfléchir le spectateur sur le sujet.
Intellectuels, gens de la ville… Tous ont fait les frais d’un régime cruel qui voyait en eux un ennemi de la révolution. Ce que montre aussi Rendez-vous avec Pol Pot, c’est l’aveuglement de certains intellectuels occidentaux par rapport à ce qu’était vraiment le régime. Ces personnes sont incarnées par le personnage de Alain Cariou (Grégoire Colin) qui admire dans un premier temps ce qui a été accompli par les Khmers rouges, quitte à se voiler volontairement la face sur la situation. Personne ne se doutait réellement de l’ampleur de l’horreur.
Le long-métrage de Rithy Panh est donc une œuvre nécessaire au cinéma, mais avant tout pour l’humanité. Comme pour les camps d’extermination et de concentration nazis, il est ô combien obligatoire parler de ces histoires, de les faire ressentir émotionnellement à travers différentes formes.
Rendez-vous avec Pol Pot sort le 5 juin au cinéma. Retrouvez toutes nos critiques du Festival de Cannes 2024 ici.
Avis
Avec son style épuré, mais frappant, le cinéaste Rithy Panh signe un film d'une grande justesse à propos d'un régime totalitaire, coupable de nombreuses atrocités sur son propre peuple, les Khmers rouges. Ce témoignage d'un petit groupe de journalistes, inspiré d'une histoire vraie, est un film nécessaire.