Pour La Syndicaliste, Jean-Paul Salomé retrouve Isabelle Huppert dans un film bancal en perpétuelle quête d’identité.
La Syndicaliste succède donc à La Daronne, où Jean-Paul Salomé mettait en scène le talent monstrueux d’Isabelle Huppert dans un rôle double, oscillant entre sage traductrice et dealeuse haute en couleurs. Si le cinéaste signait sûrement son meilleur film (entre l’affreux Belphégor, le fantôme du Louvre et Je fais le mort, ce n’était pas très compliqué), et une comédie peu approfondie mais diablement efficace, pour La Syndicaliste, ce dernier se veut plus ambitieux, tant au niveau de son prestigieux casting que de ses sujets. Et c’est bien là que tout s’enraye, tant Jean-Paul Salomé, qui avait su livrer une comédie réussie, doit ici s’atteler à un thriller politique tendu (inspiré de faits réels) doublé du portrait d’une femme opaque et complexe.
Et l’on sent ce perpétuel tiraillement entre comédie et drame intime, d’un film qui ne sait jamais véritablement trouver son identité. Débutant sur un ton léger, presque parodique (les échanges entre Isabelle Huppert et Yvan Attal), La Syndicaliste, en voulant saisir le trouble de son impériale mais carnassière actrice (Isabelle Huppert est quasiment de tous les plans), ne sait jamais sur quel pied danser, prenant des voies différentes et délivrant une identité multiple qui s’étend sur un peu plus de deux heures. Un sentiment de longueur et d’incompréhension jaillit alors : que veut vraiment nous raconter un Jean-Paul Salomé démuni ?
Genre(s) indéfini(s)
Maureen Kerney (Isabelle Huppert) est une syndicaliste engagée pour le groupe Areva, géant du nucléaire français. Lorsque la direction change, passant de l’attentive Anne Lauvergeon (Marina Fois) au plus manipulateur et excessif Luc Oursel (Yvan Attal), Maureen découvre des documents confidentiels de dangereuses tractations avec le marché chinois. Un matin, lorsqu’elle étudie ce dossier, elle est agressée chez elle, mais alors que l’enquête démontre des incohérences, dit-elle la vérité ? Adapté du roman de Caroline Michel-Aguirre et inspiré de faits réels, le scénario de Jean-Paul Salomé et Fadette Drouard, scénariste du superbe Papicha mais aussi du Dindon, ne sait ainsi jamais sur quel pied danser.
Si nous évoquions plus haut un ton inhérent à la comédie, surtout dans certains échanges, il en est de même pour les réactions parfois abusives du jeu d’Isabelle Huppert, souffrant parfois clairement d’une direction claire. Dans sa première partie, Isabelle Huppert fait ainsi son show, parfois aussi insupportable qu’impressionnante, luttant, criant, et écrasant nombre de personnages et d’acteurs, (François-Xavier Demaison) paraissant parfois démunis face au numéro en roue libre d’une actrice dont la présence et le talent monstrueux ne sont plus à prouver. Une présence qui semble également terrifier Jean-Paul Salomé, n’osant trop s’interposer face à une performance totale qui porte toutes les forces et faiblesses d’un film bancal.
Portrait d’Huppert
Parce qu’il y a tout de même un sacré portrait de femme dans La Syndicaliste. L’un de ceux qui pointent très justement les faiblesses d’une justice fragile et surtout injuste lorsqu’il s’agit de s’emparer de sujets touchant au sort des femmes. Et c’est là que débute la (très longue) seconde partie du métrage, entre enquête interminable, doute et sacralisation d’une femme qui ne lâchera rien. Au lieu de choisir son camp, Jean-Paul Salomé choisit de cocher toutes les cases, aussi maladroitement possible, de cet ambitieux programme. On passe ainsi laborieusement entre les multiples parties du scénario, alors dénué du moindre mystère, ne sachant jamais saisir la part d’ombre de personnages beaucoup plus complexes que ce que se contente de restituer La Syndicaliste.
On délaisse alors, celui plus double de Marina Fois, et des intérêts plus opaques de multinationales toutes-puissantes, quand aux possibles mystères entourant l’enquête autour du personnage principal, en se vautrant dans la sanctification d’une héroïne des temps modernes, aujourd’hui respectée et écoutée. Passant du coq à l’âne, Jean-Paul Salomé échoue ainsi à peu près partout, sauf à filmer la puissance dévastatrice d’une Isabelle Huppert toujours aussi impressionnante. La Syndicaliste ressemble ainsi, et surtout plus au véhicule doré d’une actrice plutôt qu’à un véritable portrait de femme, dont la complexité aura même réussi à échapper à son cinéaste.
La Syndicaliste est actuellement au cinéma.
La Syndicaliste ne sait jamais trouver son identité, tant l'ambitieux programme autour d'un personnage aussi complexe semble perpétuellement échapper à Jean-Paul Salomé. S'éparpillant entres les genres, raccordant maladroitement les identités multiples d'un scénario bancal, tout semble cependant s'articuler autour du jeu d'une Isabelle Huppert de quasiment tous les plans, aussi épuisante qu'impressionnante.