Présenté en Compétition officielle du Festival de Cannes 2024, Les Feux sauvages (Caught by the Tides) de Jia Zangke (A Touch of Sin) fait office de film mutant dans son abord créatif, tout en étant un voyage empli de plénitude à travers la Chine du début du XXIe siècle !
Le titre original de Les Feux sauvages (Caught by the Tides) pourrait également donner une clé de compréhension de ce projet : « Feng Liu Yi Dai » soit « génération à la dérive » ! En effet, ce nouveau long-métrage de Jia Zangke nous introduit à la fin d’une histoire d’amour entre Qiaqio et Bin (incarnés par les habitués Zhao Tao et Li Zhubin), malheureusement craquelée par le départ de ce dernier pour une travailler dans une nouvelle contrée.
Ce sera alors le début d’une errance à travers le pays pour Qiaoqiao, tandis que Les Feux sauvages nous invite à découvrir cette épopée filmique en 3 actes distincts, prenant place respectivement en 2001, 2006 puis 2022. Une manière de non-seulement offrir une vision d’ensemble de cet amour perdu répondant à la dérive existentielle de son personnage féminin, mais également de proposer une étude de la Chine contemporaine à travers ses moindres replis.
Voyage à travers la technique
Une note d’intention qui transparaît d’entrée de jeu via l‘usage de diverses caméras pour chaque époque (la mini DV-caméscope pour 2001, les derniers usages de la pellicule pour 2006, puis l’imagerie numérique moderne pour 2022), tout en laissant infuser les divers bouleversements du pays au sein de l’intrigue (en particulier le Covid pour son segment final).
Une intrigue que d’aucun trouvera très peu écrite, alors que Jia Zangke préfère mettre en avant l’image plutôt que le verbe (tel un Wong Kar-wai !), alors que Caught by the Tides abandonne finalement ses personnages pour mieux cartographier une Chine continentale que l’on a pas l’habitude de voir au cinéma.
La Chine, entre vents et marées
Dès lors, cette odyssée relèvera parfois plus du documentaire que du drame, saisissant les transformations d’une société entrant dans le nouveau millénaire (utilisation maligne des prémices de la robotique en 2006 pour mieux impacter le futur de 2022) à travers des séquences de chantier ou de superbes panoramas offrant un spleen abstrait à ce Les Feux sauvages.
Les visages ponctuant le quotidien de Qiaoqiao ne sont pas en restes, de femmes qui rient en plein karaoké à des adolescents végétant dans les ruelles, l’objet filmique revient enfin vers le drame pour dresser le portrait d’un amour perdu tout en silences lourds de sens (Zhao Tao imprime chaque scène d’une douce mélancolie par son simple regard).
Ce sera peut-être la principale limite de ce Les Feux sauvages, peu équilibré dans cette dimension dramatique (voir même sommaire dans son potentiel émotionnel), comme si elle était prétexte à ce voyage spatio-temporel constitué de rushes d’anciens films sur 25 ans. En résulte une expérience libre avec de vraies images de cinéma néanmoins !
Les Feux sauvages (Caught by the Tides) est sorti ce 8 janvier 2024. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Caught by the Tides s'intéresse bien plus au voyage itinérant de son personnage à travers une Chine en pleine mutation, plutôt que sur son abord dramatique tout en retenue. Un déséquilibre qui parvient tout de même à trouver sa voie dans cette odyssée à travers les années et des paysages saisissants. Du spleen comme on l'aime en définitive !