Le mythe Arthurien a nourri l’imaginaire collectif depuis des décennies maintenant. D’Excalibur au Roi Arthur en passant par les séries Merlin ou Camelot, le 7e Art a puisé en long et en large dans ses inspirations monomythiques. Cursed est une nouvelle relecture de la fameuse légende,et déjà un gros succès pour Netflix ! Une première saison qui peine souvent à trouver sa voix avec des défauts réguliers, mais non déplaisante !
Dans un monde de fantasy inspiré du folklore britannique, nous découvrons Nimue (Katherine Langford, qui continue sa percée après 13 Reasons Why, Love, Simon et Knives Out). Faisant partie des Faë, un peuple sylvestre vivant en communion avec des créatures magiques, Nimue verra très vite son destin chamboulé. Portant la marque de la magie noire depuis son enfance et renonçant à devenir une puissante invocatrice, elle découvrira son village massacré et sa mère assassinée par les Paladins Rouges. Cette force extrémiste issue de l’Eglise, et en lien avec le Roi Uther Pendragon, souhaite nettoyer les terres de toute « impureté magique », n’hésitant pas à crucifier femmes et enfants.
Après avoir rencontré un jeune mercenaire du nom d’Arthur (et oui), Nimue découvrira le pouvoir d’une mystérieuse épée qui sera source de convoitises. Dans une quête pour livrer la mythique Excalibur à Merlin (un Gustaf Skarsgård toujours impeccable après son rôle de Floki dans Vikings), Nimue deviendra un symbole de rébellion et d’union face à l’oppression et les machinations de chacun pour accéder au pouvoir. Cursed a tout d’une origin story féministe prenant le point de vue de la future Dame du Lac au premier abord, mais se révèle in fine bien différente.
Le premier épisode de Cursed annonce efficacement la couleur ! On oscillera tout au long des 10 épisodes entre mise en scène peu inspirée et véritables fulgurances scénographiques ! Si le spectre de teen drama à la Shannara ou Legend of the Seeker surplombe beaucoup de séquences, Cursed invoque aussi une volonté d’être une série violente d’inspirations pulp. En témoignent à intervalles réguliers de vraies saillies visuelles : plan-séquence superbe d’un village assiégé, montage alterné entre Nimue combattant une horde de loups et Merlin sous une pluie de sang, bataille graphique sur la plage où têtes et membres sont tranchés à tout va, attaque d’ours à la dimension comic book assumée… Après tout il s’agit d’une série de Frank Miller (300, Sin City) !
Pour les amoureux de mariages des genres, Cursed a en effet de solides atouts et de belles idées parsemant un récit parfois balisé avec ventre mou en milieu de saison, mais opérant une vraie montée en puissance. On regrettera que l’écriture globale du personnage de Nimue reste programmatique dans son déroulé, se révélant surtout lors des moments plus intimistes (l’alchimie amoureuse entre Katherine Langford et Devon Terrell est un vrai plus), de doute ou dans l’exploration des origines complexes du personnage. On pourrait citer une légère influence Game of Thrones dans la manière de montrer plusieurs factions, mais Cursed lorgne plutôt du côté de The Witcher. Une filiation non dénuée de sens, Netflix voulant désormais capitaliser sur la fantasy télévisuelle.
Une épée pour les gouverner tous
Sion est pas sur du budget HBO, il faut néanmoins louer l’ambition de Cursed. Utilisation de décors en dur (grottes, forêts, châteaux..), effets visuels variés, diverses peuplades plus ou moins réussies, scènes d’action à diverses échelles… Malheureusement la série ne bénéficie pas toujours des moyens de ses ambitions (à l’image de quelques plans dans l’antre des Faë). L’impression d’une série cheap n’est heureusement pas dominant, malgré l’inconstance de tenue. Souhaitant parfois être une sorte de « Seigneur des Anneaux light », on peut faire l’analogie entre l’épée corrompant notre héroïne tel l’anneau unique, ou un Merlin sarcastique proche d’un Gandalf !
En parlant de ce dernier, Gustaf livre une interprétation singulière et plaisante du célèbre mage. Dôté d’un lourd passé, ivrogne et privé de sa magie une bonne partie de la saison, Merlin voit son rôle grandir petit à petit et devenir plus intense, à l’image du reste de la saison. Des enjeux au passé des personnages, en passant par le potentiel de son univers, Cursed opère la pédale (un peu trop) douce, lentement mais sûrement. Une saison 1 introductive en somme.
Il faudra passer outre des facilités ou raccourcis scénaristiques, ainsi que certains arcs secondaires globalement anecdotiques. En effet, le roi Uther Pendragon peine à captiver, au profit d’un Peter Mullan (Westworld) charismatique en véritable antagoniste de cette première saison. D’autres personnages clés prometteurs (le Moine Larmoyant ou sœur Iris en tête) augurent du bon pour une inévitable saison 2. On se plaira à déceler des protagonistes importants en devenir, comme Lancelot, Perceval, Morgane ou Gauvain, dont les simples évocations laissent augurer d’une suite démultipliant les enjeux pour entrer dans la légende.
4 ou 5 épisodes auraient néanmoins pu faire l’affaire au lieu des 10 alloués, mais malgré ce coté frustrant, Cursed réussit quand même la dynamique principale entre Nimue, Arthur et Merlin. Dépoussiérant ces figures, où les personnages féminins sont l’égal des hommes sans les supplanter, avec un Arthur dépeint comme une figure moins binaire et lisse qu’à l’accoutumée (ici un fier voleur fuyant son destin joué avec sincérité par Devon Terrell), le cœur de Cursed fait passer la pilule.
On attend quand même la saison 2
Si la série souffle le chaud et le froid dans la mise en scène, l’écriture, la fabrication et le rythme, on attend quand même la suite. Car réussissant avec plus ou moins de brio à introduire ses personnages dans un échiquier qui sera plus grand, dans un univers prometteur et saupoudré par une belle BO de Jeff Russo (Fargo, Legion, Star Trek Picard, Altered Carbon, Umbrella Academy), Cursed a un certain charme gras.
Sorte de gros prologue d’une plus grande aventure, cette saison 1 imparfaite se finit néanmoins sur un épisode efficace, épousant la légende dont elle s’inspire. Sans spoilers, et à l’image de The Witcher, nous avons là un terreau de base sympathique capable de créer une vraie fanbase pour les années à venir, à condition d’apprendre de ses erreurs. Pas forcément de quoi bouder son plaisir ou la découverte : Cursed est une relecture plutôt pertinente, peinant parfois à trouver sa propre voix, mais se bonifiant jusqu’à son cliffhanger évocateur. En attendant la suite donc.