Raya et le Dernier Dragon est le 59e Classique d’Animation des studios Disney. Après une sortie internationale sur Disney+ le mois dernier, le long-métrage nous parvient enfin dans l’Hexagone. Après La Reine des Neiges II, Disney opère un vrai virage des plus rafraîchissants : une aventure emplie d’action dans un somptueux monde de fantasy !
Raya et le Dernier Dragon est réalisé par Don Hall (Vaiana, Les Nouveaux Héros) et Carlos López Estrada (l’excellent Blindspotting). Un mariage atypique, avec d’un côté un artiste habitué des studios Disney, et de l’autre un jeune réalisateur qui s’aventure pour la première fois dans le milieu de l’animation. Une association pleine de promesses et annonciatrice d’un vent de fraîcheur pour le studio.
Dès les toutes premières minutes du film, le spectateur est introduit au monde de Kumandra. Une région divisée en cinq contrées et autant de clans. La raison ? Il y a plus de 500 ans, ce royaume jadis prospère était peuplé de dragons, apportant la pluie, la vie et la paix. Lorsqu’une entité maléfique du nom de Druun se multiplie pour changer quiconque en pierre, les dragons s’unissent dans un ultime effort. Un sacrifice qui les fera disparaître, laissant derrière eux une pierre magique garantissant sécurité et prospérité aux peuples de Kumandra.
Des siècles plus tard, les cinq clans (Cœur, Dos, Griffe, Queue et Croc de Dragon) vivent suspicieux les uns des autres, en particulier du Cœur, détenteur de la pierre. Lorsque sa jeune gardienne Raya est trahie, le Druun revient, et Kumandra sombre dans le chaos. Désireuse de sauver son père, Raya s’engage dans un voyage de plusieurs années pour retrouver Sisu, le dernier dragon. Pour se faire, elle doit retrouver les divers morceaux de la pierre, afin de se racheter, et ainsi sauver le monde.
Le constat est là ! Contrairement aux récents Raiponce, Vaiana ou la Reine des Neiges, le récit n’est pas structuré à l’aide de numéros musicaux. Raya et le Dernier Dragon apporte son lot de gravitas dès l’ouverture du film : contrées désolées, hordes de mercenaires, héroïne solitaire (ou presque) rongée par le remord, humanité divisée…un parfum de fin du monde rapidement contre-balancée par diverses notes d’humour et de légèreté. Au centre le personnage de Sisu (doublée en VO par l’excellente Awkwafina, et en VF par Géraldine Nakache), véritable moulin à paroles cher à l’écurie Disney. Tel un poisson hors de l’eau, c’est à la fois un des atouts comiques du film, mais aussi un parfait contre-poids au personnage taciturne de Raya.
L’occasion donc d’aborder le personnage principal : une guerrière badass, bien moins naïve que la quasi totalité des princesses Disney du siècle dernier. Au contraire, Raya ne fait confiance à personne (hormis sa fidèle monture Tuk-Tuk), et n’hésite pas à jouer des poings pour arriver à ses fins. Une protagoniste emplie de maturité, qui n’oublie pas son sens de l’héroïsme, une sensibilité à fleur de peau et un vrai code d’honneur. Mais ce qui apporte à Raya une vraie incarnation tient aussi de son formidable doublage par Kelly Marie Tran en VO (Émilie Rault se défend bien en VF également). Tout comme Awkwafina, elle apporte sa personnalité et son timbre de voix caractéristique pour proposer un personnage immédiatement porteur d’empathie.
Le reste des personnages est également intéressant de par son caractère hétéroclite : un colosse rescapé de son clan, un bébé escroc affublé d’acolytes singes, ou encore un jeune orphelin reconverti en cuisinier-capitaine de barque… Malheureusement, ils se révèlent assez peu exploités et développés suivant le minimum syndical. On retiendra bien plus le personnage de Beja (Daniel Dae Kim en VO et Frédéric Chau en VF), apportant son lot d’émotions et vecteur motivationnel pour Raya. Enfin, cette dernière partage une relation amour-haine avec Namaari, guerrière du clan Croc du Dragon. Une rivalité à la fois bien amenée et correctement traitée, bien qu’un peu facile dans sa conclusion.
Un univers beau, mais hétérogène
C’est d’ailleurs à ce niveau que Raya et le Dernier Dragon ne s’affiche pas comme un vrai triomphe totalement fédérateur : on devine facilement le cheminement du récit, et le scénario enchaîne parfois trop rapidement ses péripéties pour tenir en-dessous des 1h45. Une limitation qui empêche à la fois le film de parfaitement trouver une tonalité homogène, et surtout de pleinement développer son univers. Au centre de l’histoire : la thématique un peu facile (et peu inédite) du don de confiance (littéralement la clé de voute de toute l’intrigue) et de « l’union fait la force », mais là encore cela fonctionne, et amène son lot de séquences émotionnelles.
Pas de quoi rester neutre en tout cas devant la splendeur visuelle régulièrement déployée devant nos yeux. Si en chipotant on peut voir quelques plans un peu moins photoréalistes, le résultat global impressionne et se positionne évidemment comme un des plus beaux films d’animation 3D de mémoire récente. Du détail alloué aux vêtements, aux expressions faciales, aux mouvements de cheveux tout comme aux gouttes d’eau ou la végétation, le boulot global est colossal et mérite à lui seul le visionnage.
Influencé par la culture et les paysages d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie, Laos, Vietnam…), le royaume de Kumandra est détaillé et varié. Entre forêts de bambous enneigées, désert aride, marchés nocturnes, fleuves paisibles, palais luxueux et autres décors à la végétation luxuriante, c’est un vrai plaisir pour tout amateur de direction artistique jonglant entre hyperréalisme et fantasy (on notera une légère influence Avatar, le dernier maître de l’air). On parlait aussi de l’apport indéniable d’un réalisateur habitué au live-action : caméra virtuelle à l’épaule, usage de longue focale ou bien intenses scènes de combat virevoltantes (et très bien chorégraphiées avec des techniques de muay thai)… des apports de mise en scène non-négligeables offrant un poids à chaque scène.
La musique c’est de l’eau
Enfin, comment ne pas aborder le grand retour de James Newton Howard (Incassable, Blood Diamond, Signes) sur un long-métrage d’animation Disney. Près de 20 ans se sont écoulés depuis ses partitions pour Dinosaure, Atlantide et La Planète au Trésor, et le compositeur nous revient en grande forme. Que ce soit pour des séquences riches en action, en tension dramatique ou emplies d’émotion, la musique porte le film. Oscillant entre sonorités ethniques avec des chœurs ou partitions orchestrales, on tient là une BO décuplant le charme de bon nombre de scènes. On retiendra par ailleurs deux passages en suspension et impliquant la pluie (« Running on Raindrops » et « Return« ).
En conclusion, si on omet un récit parfois un brin facile et un univers qui méritait plus d’exploitation, Raya et le Dernier Dragon est un beau long-métrage Disney qui a fière allure. Jouissant d’une direction artistique chiadée, d’animations flattant la rétine, d’un doublage des plus réussis et d’une BO enchanteresse, la plus grande réussite du film tient dans sa volonté de s’émanciper du cahier des charges habituels. Un pari qui n’est peut-être pas aussi réussi au point de parler de véritable renaissance, mais qui a le mérite d’apporter un beau vent de fraîcheur au sein du studio d’animation aux grandes oreilles. Parfait pour petits et grands, le long-métrage se positionne certainement comme un visionnage à déployer sur le plus grand écran possible, à défaut de pouvoir en profiter en salles.