Présenté au Festival de Sundance, Presence est le nouveau film expérimental de Steven Soderbergh (Ocean’s Eleven, Traffic, Logan Lucky) : un film de fantôme entièrement mis en scène à travers le point de vue de ce dernier !
Presence a tout du film-concept cher à son réalisateur. En effet, Steven Soderbergh n’aura eu de cesse d’expérimenter avec le médium depuis déjà 10 ans : l’auteur de Sexe, mensonges et vidéo, Ocean’s Eleven et Out of Sight avait annoncé sa retraite, avant de se raviser. Le cinéaste en ainsi profité pour jouer avec les codes (à l’image de son remontage des Aventuriers de l’Arche perdue en noir & blanc sur du Nine Inch Nails) dans des projets hétéroclites.
Un film d’action bourrin avec une ex-star de la MMA (Haywire), une série médicale réinventant les codes de mise en scène des récits historiques (The Knick), un thriller psychologique entièrement tourné à l’iPhone (Unsane).. Soderbergh oscille entre la TV et le cinéma tut en brouillant les poncifs stylistiques alloués à chacun. Et ce Presence n’est pas en reste, car également shooté à l’iPhone et mis en scène avec une courte focale représentant le champ de vision d’un fantôme !

Un fantôme anonyme qui ne s’exprime jamais, mais devient spectateur (voire même voyeur comme dans le film de Michael Powell) au sein d’une maison où emménage la famille Payne. La jeune Chloe est encore en stress post-traumatique suite au décès de sa meilleure amie (en lien avec une supposée overdose), son arrogant grand-frère Tyler semble être le chouchou de leur mère Rebecca (une avocate ayant toujours un verre d’alcool à la main), et le paternel Chris tente d’amener la cohésion nécessaire à ce quatuor !
L’absence de Presence
Presence affiche ainsi une réelle emphase sur cette dynamique familiale fragile, car malgré une promo mensongère, ce nouveau Soderbergh est bien un drame familial ! Certes, le script de David Keopp (Jurassic Park, Spider-Man) a beau mettre en avant ce personnage quasi omniscient, ce dernier est avant tout traité comme un gimmick justifiant une caméra globalement libre afin de suivre chaque personnage dans la maison.

Le film s’articule donc comme un vrai huis-clos entre le salon/la salle à manger/le vestibule, et les 3 chambres de l’étage tout en respectant certaines règles : le fantôme (donc la caméra) ne peut traverser les murs, n’émet aucun son direct et ne semble pas avoir de but précis (du moins de manière initiale). Un constat légèrement déceptif alors une le sublime A Ghost Story affichait un parti-pris similaire, drivé par une douce mélancolie à la portée émotionnelle certaine.
Concept quasi creusé
Presence tentera ce terrain-ci dans son ultime mouvement, apportant des réponses sur ce faux-narrateur se révélant en pleine catharsis, mais manque un tantinet de congruence entre son concept de genre et ses velléités narratives. Pourtant, le point de vue de Soderbergh sur son récit (on peut presque le rapprocher d’un Enter the Void plus évanescent et contenu) n’est jamais dénué de singularité, nous faisant témoins des divers questionnements des personnages.
Très vite un puzzle à reconstituer intervient, alors que Chloe (une Callina Lang étonnante d’intensité) entreprend une relation amoureuse avec un ami de son frère. De quoi amener un personnage à fleur de peau qui semble par instants déceler la présence du fantôme (et donc la nôtre), dans de rares interactions caractérisées par des objets qui bougent ou des murs tremblants.

Bref des phénomènes qui rentrent dans les carcans du genre sans trop d’inédit, alors que Presence amène petit à petit sa dimension douce-amère lorsqu’on comprend la nature des évènements auxquels on assiste. Du fusil de Tchekhov bien employé dans un sens, réhaussé par un bon casting : dommage que le scénario s’attarde moins sur le frère et la mère, au profit d’un Chris Sullivan parfait en père impuissant, et de son personnage féminin principal.
Des petits heurts qui empêchent Presence d’aller plus haut et plus fort, ou même d’offrir une chronique aussi accomplie que ce qu’a pu faire Zemeckis sur Here. Néanmoins, on tient encore une fois la preuve que Steven Soderbergh est d’un des artisans américains les plus audacieux actuellement, capable de créer des objets filmiques détonants n’ayant pas peur de déjouer nos attentes.
Presence sortira au cinéma le 5 février 2025
avis
Dommage que Presence manque de cohésion entre ses velléités narratives et les possibilités de son high-concept fantomatique, car ce projet appuie encore une fois la propension de Steven Soderbergh a s'affranchir des codes pour des propositions de cinéma singulières. En résulte in fine un objet filmique sous forme de drame familial touchant, à défaut d'être bouleversant !