Gris sublime les thèmes de la mort et du deuil par la délicatesse de sa direction artistique, malgré des mécaniques de jeu classiques.
Encore un jeu de plateforme 2D indépendant sur la mort (Limbo, Out of Line, etc.) ?! Oui, mais Gris parvient à tirer son épingle du jeu dans ce secteur assez bouché du genre. Ce titre indépendant développé par le studio espagnol Nomada Studio et édité par Devolver Digital sort en 2018 et fait souffler un vent de fraîcheur sur le genre. Sa force ne tient pas tant de ses mécaniques de platformer à énigmes, très classiques, mais plutôt de sa direction artistique douce et envoutante. Offrir une expérience exigente ne l’intéresse pas, car il entend définitivement déployer un voyage onirique et rédempteur. Pas facile de se remettre de la mort, mais Gris croit en la guérison après le deuil.
Pas bien grifficile
Dans cette aventure sans dialogue ni narration, la jeune fille que nous contrôlons doit réunir des petites étoiles pour qu’elles créent un pont vers la zone suivante. Ces dernières constituent métaphoriquement l’étape suivante vers l’apaisement. Nous devrons ainsi résoudre de nombreuses énigmes pour mettre la main sur les précieuses. Toutefois, dans le genre énigme, Gris ne fait pas dans la difficulté. Les puzzles se montrent plutôt conventionnels et se résolvent en deux ou trois coups de manette. Cette relative simplicité découle du fait qu’il joue assez simplement sur les paramètres traditionnels du genre, comme la gravité. Seules quelques énigmes, comme celle contre le gros oiseau noir, nécessiteront de trouver une réaction en chaîne complexe pour en venir à bout.

Ainsi plutôt linéaire et sans grande surprise technique, Gris peut s’avaler en une seule session (généreuse) de 6 heures. Les pouvoirs de la jeune fille qui se débloquent au fil de l’aventure se veulent faciles et intuitifs à utiliser. Chaque énigme ne nécessitera ainsi que peu d’essais pour en venir à bout. Et ce, d’autant plus qu’il n’est pas possible de mourir (assez logique, lorsqu’on y pense, puisque notre héroïne semble déjà morte). Pas de sauts millimétrés donc, ou de pièges traitres requérant un nombre conséquent d’essais pour être surmontés. Cette absence de frustration permet, in fine, de profiter pleinement de l’atmosphère enchanteresse du titre.
Ambiance grisante à double tranchant
Gris rogne sur les exigences côté gameplay pour allouer pleinement ses ressources à sa direction artistique. Le cheminement psychique de l’héroïne ne se manifeste pas par la parole ou du texte explicatif, mais par l’apparition progressive des couleurs. Catapultés dans un monde de grisaille, l’apaisement arrive par la colorisation des décors peints à l’aquarelle. La douceur de ce monde fragile et délicat se parachève dans une bande-son envoutante. Les bruitages des petites étoiles procurent une sensation de bien-être rarement égalée.

Cet univers poétique et onirique en fait un de ces jeux qu’on se surprend à boucler d’une traite. Rien ne prendrait le risque d’entraver l’immersion dans ce monde qui s’irise au fil de nos pérégrinations, pas même une ligne de dialogue. Si le pari zéro dialogue fait partie des poncifs du genre platformer traitant du deuil pour s’élever directement au rang d’œuvre mystique et symbolique, il n’est pas non plus exempt de reproches. En faisant ce choix, Gris pourra se montrer parfois énigmatique, voire totalement impénétrable. S’il charme presque à coup sûr, il faut néanmoins s’attendre à une probabilité non nulle de se sentir sur le banc de touche.
Griussite
Par son regard à contrepied des poncifs du plateformer sur la mort, sombre et cauchemardesque, Gris crée la surprise et enchante. L’expérience se veut contemplative par des énigmes assez simples pour ne jamais entraver notre progression dans la rémission. C’est donc par sa direction artistique élégante et gracieuse que Gris conquit pour quelques heures de douceur.
Initialement paru en 2018, Gris est réédité en version physique standard et Devolver Deluxe sur Playstation 5 et Switch le 18 avril 2025 à l’occasion de la sortie de Neva, le nouveau titre du studio Nomada.
Avis
À rebours des clichés habituels du jeu de plateforme sur le thème de la mort, Gris surprend et séduit. L’expérience contemplative charme par sa direction artistique, à la fois élégante et délicate. Gris captive, pour quelques heures de douce parenthèse, sans casse-tête, ni frustration, au vu de la facilité de résolution des énigmes.
- Scénario
- Gameplay
- Durée
- Graphismes
- Bande-son