Longuement repoussé, The King’s Man débarque enfin en salles pour clôturer l’année 2021 ! Non, il ne s’agit pas d’un Kingsman 3, mais bien d’un préquel nous contant les origines de la fameuse agence d’espionnage, en pleine Première Guerre Mondiale. Un pari excitant au résultat singulier et exaltant, malgré une certaine inconstance de ton !
Après Kick-Ass ou encore X-Men First Class, Matthew Vaughn avait accouché de la pépite subversive et ultra-fun Kingsman en 2015 ! Une relecture pop et cool du film d’espionnage, nous ayant abreuvé d’une suite en 2017 (moins maîtrisée, mais avec de belles idées dedans) ! En attendant le retour d’Eggsy et Harry pour leur ultime aventure, Vaughn a décidé d’étendre l’univers avec The King’s Man, censé nous conter les origines ainsi que la première mission de l’organisation britannique. Un postulat plutôt chouette donc, d’autant que les possibilités de manier film de genre et Histoire ne sont pas légion dans le paysage cinématographique.
The King’s Man – Première Mission donc, se déroule en 1914, à l’aune de la WW1. Nous y découvrons Orlando Oxford, joué par Ralph Fiennes (La Liste de Schindler, Mourir peut attendre, Harry Potter), un Lord vétéran de la guerre des Boers en Afrique du Sud. Suite à un drame survenu douze années plus tôt, ce dernier est désormais un pacifiste notoire, mais entraîne néanmoins son fils Conrad. Lorsqu’une mystérieuse organisation de l’ombre sème le chaos en Europe et sonne le début de la Première Guerre Mondiale, Conrad souhaite également arpenter le champ de bataille. Le début d’une aventure sensiblement différente de celles des autres opus !

On se souvient de Rocketeer, Captain America ou bien Wonder Woman qui intégraient leur concept de film super-héroïque dans l’Histoire, mais The King’s Man joue bien plus avec elle en nous retraçant grossièrement les divers évènements (l’assassinat de François Ferdinand, l’implication du Tsar ou du Roi George…) réels, et ce de manière didactique la première heure. Un petit côté « L’Histoire pour les Nuls » qui prend un peu trop de place, et pas de la manière la plus ludique qui soit, si bien que l’essence même de la franchise semble un brin perdre son identité au profit d’un drama historico-fictionnel simplifié. Une mise en place brinquebalante, heureusement très vite rattrapée alors que les Oxford et le majordome Shola vont tenter de contrecarrer les plans de Grigori Raspoutine, prêtre peu orthodoxe influençant la famille royale.
The King’s Man trouve son rythme de croisière à ce dit-moment, afin de proposer une aventure blockbusteresque singulière, avec moins de grand-guinolesque qu’un Kingsman – Le Cercle d’Or ou la subversion jouissive du premier opus. Mais cette aventure lorgne finalement vers le film d’espionnage, l’épopée historique à la Howard Hawks et le pulp de cape et d’épée a son charme. Une alternative d’autant plus plaisante que peu de studios misent sur un tel cocktail, et que la fabrication est de haute volée pour un film coûtant deux fois moins que la concurrence ! En résulte un film qui ne saisit pas totalement bien son contexte (à contrario d’un Inglorious Basterds par exemple), mais arrive ensuite à créer son origin story via de surprenantes touches bienvenues.
Kingsman First Class
The King’s Man montre de manière régulière comment s’est forgée l’organisation d’espionnage, de l’origine des noms de code en lien avec la mythologie Arthurienne, de la célèbre phrase « Manners maketh Men » ou bien la devise de choisir des Oxford et non des Brocks. Mais tout ceci n’est jamais du clin d’œil appuyé, et le film n’oublie pas de conter son histoire ou de traiter ses personnages (après la mise en place un peu longuette de toute l’intrigue globale il est vrai). Ralph Fiennes excelle en Oxford, duc rongé par la perte de sa femme et désireux de protéger son fils à tout prix. La dynamique avec ce dernier est par ailleurs réussie, trouvant son point d’orgue lors d’une excellente et surprenante séquence pivot, donnant du grain à moudre au propos du film : être pacifiste signifie-t-il ne rien faire ?
Et pour porter les fulgurances dramatiques, rien ne vaut un bon casting, encore une fois porté par un Ralph Fiennes totalement adéquat en gentilhomme charismatique, faillible, mais aussi héroïque. Gemma Arterton (Quantum of Solace, Gemma Bovery, The Last Girl) apporte une touche de charme en campant une sorte de Mary Poppins bien badass, et Djimon Hounsou (Les Gardiens de la Galaxie, Shazam, Sans un Bruit 2) est tout aussi bon dans le rôle d’un « Alfred » n’ayant pas peur de trancher des têtes et de répandre de la viande sur les murs. Mais l’autre membre du casting qui se détache est bien Rhys Ifans (The Amazing Spider-Man, Madame Bovary, House of the Dragon), campant un Raspoutine frappadingue, pervers et délicieusement loufoque. Jamais réduit à l’état de grosse farce, ce bad guy transpire l’identité Kingsman, en plus d’intelligemment se servir des caractéristiques réelles du personnage. Quand réalité et fiction se croisent avec une vraie symbiose donc !

L’occasion d’aborder les séquences d’action, chorégraphiées de manière ultra efficaces par le regretté Bradley James Allan (Shang-Chi, Scott Pilgrim, Hellboy II, Jackie Chan dans le Bronx). D’un combat contre Raspoutine usant de mouvements folkloriques de danse jusqu’à un affrontement nocturne ultra-violent à coups de couteaux-marteaux en plein No Man’s Land, ou bien un climax faisant la part belle à l’escrime, Matthew Vaughn prouve encore une fois qu’il est un des meilleurs cinéastes d’action actuels. Une énergie véloce au montage ultra efficace, pour des scènes d’action électrisantes comme il faut : un ptit régal !
Simili-Alan Moore
Outre une influence Alan Moore (en particulier La Ligue des Gentlemen Extraordinaires) dans sa volonté de tordre l’Histoire et ses personnages quasi mythologiques, The King’s Man convoque tout un roster de figures du début du XXe siècle. Outre le Tsar Nicolas II, le Roi George, Herbert Kitchener ou Chester King, le groupe de bad guys se constitue de bon nombre de personnalités controversées et fascinantes de cette époque. Menés par un mystérieux leader (dont l’identité ne surprendra personne si on fait bien attention, et dont les raisons de ses motivations semblent quand même un peu légères), ce groupuscule à la Spectre se compose de Raspoutine, Mata Hari, Lénine, Gavrilo Princip ou encore Erik Jan Hanussen. Un bon cast (Daniel Brühl, August Dielh, Valerie Pachner…) pour des personnages finalement assez peu exploités, et c’est bien dommage !
Au final, malgré ces faiblesses et son inconstance de ton pendant un gros tiers, The King’s Man s’impose comme un blockbuster avec une âme et des idées. Un préquel qui détonne et trouve son identité, mais parsemé de fulgurances (une excellente séquence de parachutisme à l’amorce du climax) bienvenues, tant en terme de dramaturgie que de mise en scène. Matthew Vaughn n’a certes pas transformé l’essai, mais accouche d’une chouette film de genre. Avec des défauts dans l’exploitation de son contexte historique, mais doté de bons personnages, de scènes d’action très bien orchestrées, et d’un amour pour le fun. C’est cool quoi !