Saint-Clair débarque seulement deux années après le succès public et critique du très beau Grand Prix et atteste d’un Benjamin Biolay en état de grâce.
Saint-Clair succède brillamment à Grand Prix comme une sorte de dyptique. Après l’imagerie de la course automobile, le photographe Mathieu César incruste Benjamin Biolay dans l’imagerie religieuse et l’hommage à la ville de Sète. Après l’ère de la réconciliation et un point sur sa carrière, Saint-Clair semble embraser la nostalgie des amours passées et des souvenirs d’été sur l’autel d’une proposition de 17 titres aussi éclectique que fédératrice. Dévoilé par le tube Rends l’amour !, ce dernier semble ainsi répondre au précédent Comment est ta peine ? d’une manière aussi crue que revancharde. Parce que si Benjamin Biolay semble brillamment tourner la page pour se réinventer vers des tournants plus rock au détour d’hymnes plus fédérateurs et moins torturés, l’artiste poursuit ici une mue réellement passionnante.
Benjamin s’éclaire
On ne vous rejouera pas ici la trajectoire artistique et musicale de Benjamin Biolay. De la révélation Rose Kennedy aux sombres et tortueux À l’origine et Trash Yéyé en passant par la première renaissance critique et publique de La Superbe, le chemin fut long et semé d’embûches. Une image de chanteur intello et parisien abonné à la mélancolie, et bien des manies et clichés qu’il a fallu brûler pour se réinventer vers la lumière et le sommet des charts. Ainsi, si l’on retrouvait dans son précédent opus quelques cordes propres à l’univers de l’artiste, la mue est ici totale, et Benjamin Biolay semble pleinement s’emparer de l’influence de Julian Casablancas sur le dernier opus des Strokes, dont l’on reconnaîtra quelques notes sur certains titres. Saint-Clair est ainsi l’opus le plus rock de l’artiste, qui ne nous prive cependant pas de quelques hymnes pop complètement addictifs.
Tout ce qu’avait entrepris l’artiste dans son opus précédent sonne ainsi ici comme une brillante synthèse, plus libérée et plus ambitieuse. Les lumières de la ville, De la beauté où il n’y en a plus et Pieds nus sur le sable, sonnent ainsi comme des tubes pop diablement efficaces où la mélancolie de Benjamin Biolay est ici transfigurée sur des airs entraînants et fédérateurs. D’une chanson de rupture, Santa-Clara (l’un des plus beaux titres de l’album) sujet très largement étudié sous toutes les coutures par l’artiste, sonne ainsi aujourd’hui comme un pot de départ inquiet mais libérateur et flamboyant. La tentative rock observée sur Grand Prix avec Idéogrammes est ici aussi brillamment transformée au détour de titres plus clinquants, avec le languissant Numéros magiques et l’énergique Forever.
Sète et match
Il y avait aussi nombre de titres introspectifs et suspendus qui faisaient de Grand Prix sa grande qualité. Ma route, La route tourne, Interlagos (Saudade) trouvent ainsi de brillants héritiers en Sainte-Rita, La traversée et surtout Pourtant, qui sonne comme le véritable morceau autobiographique de l’album. Si Benjamin Biolay a toujours excellé dans les ballades, Pourtant la porte vers des sommets dans un refrain aussi lacrymal que véritablement sublime :
Pourtant j’ai fait le maximum pour mourir jeune
Pour ne pas mourir en scène dans la lumière jaune
Oui j’ai fait le maximum pour qu’on me quitte
Je ne suis pas allé loin mais assez vite
Saint-Clair l’atteste, l’affirme, et surtout le clame haut et fort. Grand Prix n’était finalement qu’une mise en bouche pour nous préparer aux sommets de ce dixième album. Benjamin Biolay l’avait déjà tenté au détour de plusieurs dyptiques, de Palermo-Hollywood et Volver à surtout ce qui demeure toujours aujourd’hui comme son chef d’œuvre À l’origine et Trash Yéyé. Ce dernier acte affirme d’une des renaissances et réinventions les plus abouties et les plus passionnantes observées chez un artiste francophone récemment. Celui qui se propose ici comme un Saint en perpétuelle quête de renaissance réussit ici assurément l’une de ses plus belles mues.
Saint-Clair est sorti le 8 septembre 2022.
Avis
Deux années seulement après le très beau Grand Prix qui annonçait déjà une renaissance sur fond de course automobile, Saint-Clair atteste que ce précédent opus n'était finalement qu'une sympathique mise en bouche. Parce que Benjamin Biolay marque ici véritablement le coup dans un dixième album aussi ambitieux qu'abouti qui sacre l'album comme l'une des mues les plus passionnantes observées au cours de sa foisonnante carrière.