Après plus d’une décennie d’enfer de développement et sept réalisateurs différents à la barre, l’adaptation par Sony du jeu vidéo Uncharted arrive enfin tant bien que mal en salle. L’attente valait-elle le coup ? Meh.
On aurait pu avoir LA nouvelle saga d’aventure des années 2010 et qui se serait classée au côté d’Indiana Jones, des Goonies ou de Pirates des Caraïbes. Adapté d’une franchise vidéoludique culte des plus qualitatives; Uncharted a tout de même vu bon nombre de réalisateurs intéressants se passer la patate chaude. On compte notamment David O. Russel, Shawn Levy, Dan Trachtenberg ou encore Travis Knight. Un enfer de développement peu rassurant malgré l’évidente facilité de cette adaptation de jeu qui était lui-même totalement imprégné par un style cinématographique. Résultat des courses ? On se retrouve avec un blockbuster lambda réalisé par le yes man attitré de Sony, Ruben Fleischer, et porté par la nouvelle et jeune coqueluche du studio, Tom Holland. Quand le jeu est plus cinématographique que le film…
Dans Uncharted, tout transpire le film de commande. On engage un réalisateur sans véritable talent, mais qui est un technicien correct pour mettre en boîte de manière fonctionnelle, ainsi qu’un acteur principal, qui n’est là uniquement car des études de marché ont montré qu’il est bankable. Petit rappel pour les trois du fond qui sont encore plus néophytes que l’auteur de cette critique, le héros dans ses débuts, Nathan Drake, est censé être un homme à la trentaine passée qui a derrière lui une histoire bien remplie lorsqu’on l’incarne dans le jeu. Une description pas très ressemblante au juvénile Tom Holland, dont le choix est soi-disant justifié par le fait de faire une origin story de l’aventurier et inspiré par une séquence de quelques minutes du jeu… Comment se mettre à dos les fans dès le début.
Mais étant donné que nous ne faisons pas partie de cette catégorie, nous restons ouverts à la proposition. Force est de constater que le choix d’Holland dans le rôle n’apporte narrativement rien au personnage puisque son jeune âge n’est jamais exploité dans l’histoire et qu’il se retrouve totalement vidé d’un quelconque parcours initiatique. Il ne grandit pas en fin de film ou n’apprend rien de ses aventures. Il reste une coquille vide qui n’a d’autre but que de trouver un trésor pour gagner de l’argent. Et ceci même si une tentative est faite pour relier artificiellement ce trésor à sa généalogie et à son frère. Mais le tout reste grossier et donc pas émotionnellement impactant.
Nathan Drake et le Film Maudit
Et il est percutant de constater que tous les personnages sont aussi désincarnés. Aucun n’a de véritable motivation qui les pousse à agir, autre que l’appât du gain. Un prétexte qui, certes, pousse constamment le récit vers l’avant, mais qui n’a réellement aucun enjeu. Nous voyons des antagonistes être vraiment cruels et meurtriers, sans que nous ne comprenions pourquoi, outre le fait que le scénario ait besoin de méchants très méchants. Il en va de même pour les co-protagonistes (Sully & Chloé) pour lesquels le script met l’accent sur une sorte d’ambiguïté où chacun trahit l’autre. Mais étant donné qu’aucun background et motivation ne sont développés pour ces personnages, le tout respire l’outil scénaristique pour créer des retournements de situation forcés. En somme, des articulations narratives artificielles qui permettent de maintenir la concentration du spectateur sans l’impacter à un quelconque moment.
Mais malgré une psychologie de personnage totalement désincarnée, Tom Holland a tout de même le mérite d’interpréter le peu qu’il a joué de manière correcte et de mettre à profit ses talents de gymnaste pour les cascades qu’il assure lui-même. Un avantage qui permet par moment à la réalisation d’être moins charcutée qu’à l’accoutumé (surtout venant du tâcheron à l’œuvre sur Venom 1…) pour cacher les doublures et de bien mettre en avant la physicalité de son interprète. Dommage que Ruben Fleischer ne tire pas profit de cela.
En effet, sa mise en scène, tout juste fonctionnelle, n’arrive à aucun moment à rendre ludique les fameuses énigmes propres au genre. Même les Tomb Raider avec Angelina Jolie et les Benjamin Gates (deux gros nanars et deux métrages à la réalisation digne d’un Disney Channel) étaient bien plus amusants et impactants dans ces moments. Plutôt que de nous investir dans ces énigmes et essayer de faire cogiter le spectateur pour qu’ils puissent les résoudre avec les personnages, Ruben Fleischer filme tout simplement des montagnes de dialogue d’exposition qui expliquent et résolvent les devinettes de manière tarabiscotée.
Le divertissement est rattrapé par les séquences d’action qui ont le mérite de tenir éveillé le spectateur. Mais même pour celle-ci, le tout CGI voyant empêche de totalement s’y investir, n’ayant donc pas la force de la tangibilité d’un Indiana Jones. La séquence de l’avion est l’incarnation parfaite de tout ce qui ne va pas dans ce film. Prise telle qu’elle, elle reste amusante. Mais son irréalisme total, avec un Tom Holland qui défie sans mal les lois de la gravité et de la cinétique, en font encore une fois une péripétie artificielle. La séquence du jeu vidéo était elle-même bien plus réaliste (et cinématographique…), avec un Nathan Drake qui lutte pour remonter jusqu’à l’avion, dont la vitesse le projette vers l’arrière. Ici, Holland se le joue Spider-Man et marche carrément dans les airs comme si de rien n’était, saute à plusieurs reprises d’une caisse à une autre, fait un combat à mains nues alors qu’il est tiré par un Airbus et se téléporte par la magie du hors champ d’un endroit à un autre.
Uncharted et la Dernière Foirade
L’action est rattrapé par le climax final à base de deux navires héliportés qui s’entrechoquent. Un petit moment inspiré qui convoque l’imagerie pirate dont le film s’inspire (mais qui n’est pas sans rappeler certaines séquence de Pan de Joe Wright ou Les Trois Mousquetaires de Paul WS Anderson) mais qui encore une fois n’arrive jamais à vraiment être magnifié par la réalisation de Fleischer qui s’avère purement fonctionnel, sans mouvement de caméra de grande ampleur ou de plan qui dure. Il en est de même pour la musique de Ramin Djawadi dont les notes de guitare électrique ne sont pas déplaisantes mais qui peinent à trouver un thème marquant, se contentant d’accompagner correctement les images.
En résulte donc un film d’une insipidité rare, dont la petite maîtrise formelle permet de ne pas s’arracher les cheveux mais dont l’absence d’une quelconque ambition, inspiration ou originalité l’empêche d’être savoureux. Un pur produit fonctionnel, qui a la politesse de ne pas trop durer, de ne pas perdre de temps et qui permet de passer un moment. Ni nul, ni bon. Juste un moment qui pourra occuper, sans véritable ennui mais sans grand amusement non plus, le mangeur de popcorn. Et c’est peut-être cela le pire car le film sera oublié une fois sorti de la salle. Sans être le plus mauvais, Uncharted est définitivement le plus oubliable de tous les blockbusters d’aventure sorti à ce jour.