Premier long-métrage de Baptiste Debraux, Un homme en fuite est un doux mélange d’intrigue policière, amicale et amoureuse, avec pour toile de fond les arcanes politiques d’un conflit social ayant poussé les employés d’une scierie à la grève. On en ressort conquis, avec une folle envie de prendre part à leur lutte, et de s’élever face aux abus de la société.
Tout commence avec la fuite de Johnny (Pierre Lotin), cet homme blessé par balle, des sacs en bandoulière remplis de billets, au bord du gouffre, prêt à sauter dans l’eau pour échapper à ses poursuivants. D’ores et déjà l’intrigue policière est lancée, la traque commence, menée par la policière Anna Werner (Léa Drucker). L’enquêtrice est chargée de retrouver Johnny, suspecté d’avoir braqué un fourgon et tué un homme. Mais très vite, elle se retrouve plongée dans une histoire bien plus vaste, déterrant un passé tourmenté.
Lutter en fuyant
Contre toute attente, Un homme en fuite ne retrace pas véritablement l’histoire d’une fuite, mais plutôt celle des personnages restés alors que Johnny a disparu. Évaporé dans la nature, c’est son absence qui motive les personnages à agir. En fuyant, il devient alors le symbole d’une lutte, l’homme au visage révolté peint sur une fresque en noir et blanc, qui crie face aux injustices. Johnny est le Robin des bois des temps modernes, celui qui refuse de capituler et qui souhaite que justice soit faite, même s’il doit enfreindre la loi. Sa lutte devient alors celle de tous les autres villageois, il est leur modèle, celui qui n’a jamais abandonné, celui qui s’est toujours battu, pour lui, mais surtout pour les autres. En disparaissant, Johnny donne une raison de plus aux grévistes pour ne pas céder, il leur faut tenir, envers et contre tout.
C’est donc sur fond de grève que se déroule le récit et Baptiste Debraux n’hésite pas à filmer cette ville au bord du chaos. Alors que la scierie menace de fermer ses portes et de licencier l’ensemble de son personnel, les ouvriers mènent le combat à bras-le-corps, car il n’est pas seulement question d’un travail mais aussi de survie. On prend alors part à cette lutte où le bien et le mal ne semblent plus discernables. Baptiste Debraux interroge l’éternelle distinction entre légalité et légitimité en poussant les personnages à transgresser la loi tout en restant légitimes à nos yeux.
Des histoires qui se rejoignent
Un homme en fuite entremêle trois époques, créant ainsi une continuité entre passé et présent. Les personnages se révèlent à nous à travers les années et leurs histoires personnelles, eux qui ont grandi dans ce village ouvrier perdu au milieu de la montagne. Ces flashbacks, marqués par une image plus granuleuse, apparaissent dans un premier temps énigmatiques et posent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses ; jusqu’au moment où l’on parvient à distinguer ce qui a été de ce qui sera. Passé et présent ont beau être séparés, ils n’en sont pas moins liés.
Liés, ce sont surtout les trois personnages principaux qui le sont, ces amis d’enfance qui se retrouvent après de nombreuses années. Tous trois sont interprétés par des acteurs français prometteurs : Pierre Lotin, qui livre un Johnny accablé par sa vie et qui donnerait tout pour pouvoir respirer un peu ; Bastien Bouillon (Paul), que l’on a déjà vu dans le thriller français La Nuit du 12 ; et Marion Barbeau (Charlène), qui campe le rôle principal d’En corps d’Eric Klapisch. Ensemble, ils proposent un trio attachant où chacun est prêt à tout pour aider l’autre.
Étonnamment, dans Un homme en fuite il n’est plus question de fuir mais d’affronter ; se heurter aux erreurs passées tout en défiant un présent mouvementé. Un film où les chemins se rallient dans un cri de liberté.
Un homme en fuite est à découvrir au cinéma à partir du 8 mai 2024.
Avis
Aller voir Un homme en fuite, c'est découvrir à la fois un film policier, une romance, une histoire d'amitié et une intrigue politique. Un récit constitué autour de flashbacks qui donne envie de se révolter contre une société qui laisse toujours de côté les plus démunis. Un combat que certain d'entre eux prennent à bras le corps, quitte à enfreindre la loi.