Avec En Corps, Cédric Klapisch (L’Auberge Espagnole, Les Poupées Russes, Deux Moi) s’attaque à un sujet qu’il affectionne : la danse. En contant l’histoire d’Élise, ballerine de 26 ans dont le destin semble s’effondrer suite à un trauma physique, le réalisateur accouche de nouveau d’un métrage des plus humains. Un beau récit de renaissance, avec une révélation en premier rôle, mais qui demeure un tantinet balisé ceci dit !
Cédric Klapisch a toujours eu une certaine fascination pour la danse. En effet, il a régulièrement eu un pied dans l’Opéra de Paris depuis 2010, et son documentaire consacré à Alice Dupont. Ce n’est donc pas un hasard si il décide d’aborder le sujet avec En Corps, en travaillant notamment avec le chorégraphe Hofesh Sheshter, qui joue d’ailleurs son propre rôle dans le film en plus de composer la musique. Tourné en pleine pandémie sur 4 mois, ce 14e métrage de Klapisch est également la première incursion au cinéma de son actrice principale !
Soigner le corps par l’esprit
En Corps nous présente Elise Gautier, une talentueuse danseuse de ballet de 26 ans. Ayant suivi cette vocation dès le plus jeune âge (au grand dam de son père avocat), Élise voit malheureusement sa carrière contrariée suite à une violente entorse en pleine représentation. Obligée de ne plus danser, et victime d’une rupture amoureuse par dessus le tout, la jeune protagoniste va rejoindre une troupe de danseurs contemporains lors de répétitions en Bretagne. Au gré des rencontres, le choc terrible initial va petit à petit se muer en reconstruction physique et morale !

De L’Auberge Espagnole aux Poupées Russes, Cédric Klapisch a toujours été un réalisateur qui mettait l’humain au premier plan. Son dernier film Deux Moi en était d’ailleurs un très beau représentant, là encore empli d’authenticité et bénéficiant d’un vrai soin visuel. Des qualités que l’on retrouve immédiatement dans En Corps, dont la destination importe finalement moins que le voyage et l’émotion qu’il suscite ! Et à ce titre, Klapisch reprend un canevas largement usé dans le film de sport, de manière plus légère et lumineuse.
White Swan
Au contraire d’un film comme Black Swan, En Corps décide d’éluder tout rapport à la souffrance et au combat comme pré-requis à une renaissance. A contrario d’une réplique citée par Muriel Robin évoquant les bienfaits d’être plus bas que terre pour pouvoir se relever, le métrage semble plutôt avare en embûches. Si bien que qu’elle que soit la récompense de cette reconstruction, ou son issue, la finalité semble acquise de manière un tantinet facile et balisée (d’autant plus lorsqu’Élise se met à danser de nouveau très rapidement). Un constat un brin dommageable, ne diminuant pas les doutes et questionnements de son héroïne, tandis que sa récupération morale est prépondérante vis-à-vis des maux corporels.

Malgré tout, une certaine dichotomie demeure, alors que la protagoniste se reconstruit toujours dans la danse plutôt que de réellement chambouler sa vie comme les prémices du film semblent présager. Heureusement, le regard de Klapisch additionné à une excellente direction d’acteurs permettent d’outrepasser une écriture qui s’arrête au milieu du chemin. On pourrait également aborder une romance plutôt survolée et sans impact émotionnel, heureusement pas si centrale que cela. En Corps parvient cependant à faire exister chacun des personnages, par petites touches (déjà un point notable dans la carrière du cinéaste) en quelques secondes et surtout la caméra de Klapisch.
Au plus près des corps
En Corps s’ouvre sur une séquence de ballet (« La Bayadère »), on nous évoluons entre la scène et les coulisses. Une introduction de 15 minutes sans dialogue (avec une très belle lumière usant des couleurs primaires), où les mouvements sont mis en avant et au centre du langage cinématographique. Nous ne sommes pas sur une symbiose kinétique à la Climax, mais Klapisch parvient à capturer chacun des comédiens (pour la plupart de vrais danseurs de profession), en laissant finalement la danse s’exprimer d’elle-même.

Un regard qui pourrait paraître un brin en retrait (notamment lors de la conclusion), mais qui laisse là encore la place aux interprètes, tout en n’allant pas dans le cliché d’opposition entre danse classique et contemporaine. Outre les danseurs, le casting d’En Corps peut bénéficier de vraies valeurs sûres comme Muriel Robin (parfaite en mentor acariâtre au grand cœur), le couple explosif Pio Marmaï-Souheila Yacoub, Denis Podalydès (en figure paternelle des plus cyniques) et François Civil (absolument hilarant en kiné amoureux un peu gauche).
On en veut en corps
Bien sûr, le centre de l’attention est Marion Barbeau, danseuse de l’Opéra de Paris et passant pour la première fois devant la caméra. Son côté plus brut et moins poli se ressent régulièrement, mais là encore concourt à l’authenticité voulue, tandis qu’elle arrive à tenir la dragée à tout l’entourage plus confirmé. Au final c’est bien elle le moteur et la révélation du film, via sa fragilité, sa candeur et l’empathie immédiate qu’elle suscite !
Bref, En Corps a beau avoir un aspect assez policé dans son déroulé et sa note d’intention (dommage de ne pas avoir plus exploité le contexte familial pour décupler l’émotion), Klapisch livre un nouveau film réussi. Bien emballé (et une belle photographie par le chef opérateur d’Adieu les Cons), très bien interprété, drôle et authentique, on tient là une belle pioche au service d’une actrice principale faisant office de révélation.
En Corps sortira au cinéma le 30 mars 2022
avis
En Corps a beau être un film au parcours plutôt balisé, et à la finalité bicéphale, il demeure un récit profondément humain et authentique. Bénéficiant d'un casting de talent, d'une mise en scène maîtrisée, d'un rythme plaisant, de visuels travaillés et d'un humour franchement réjouissant, ces arguments pourraient suffire : mais la révélation Marion Barbeau dans le rôle principal font de ce nouveau Klapisch un bien beau film à savourer !