Le mastodonte Spider-Man No Way Home voltige jusqu’à nos salles en fracassant le box office. Avec l’arrivée des ennemis des précédentes versions et la potentielle apparition des Tisseurs par Garfield et Maguire, le nouvel opus de Tom Holland et Marvel Studios tient-il ses promesses ?
ATTENTION SPOILERS !
No Way Home prend place directement à la suite de Far From Home, lorsque la double identité de Peter est dévoilée au monde entier. Pris entre procès publics et controverse médiatique, la vie de l’adolescent et celle de ses amis est gâchée. Pour contrecarrer cela, l’homme araignée demande l’aide du Dr Strange dans le but de faire oublier à tout le monde qu’il est Peter Parker. Cependant le sortilège dérape et ouvre une brèche dans le multiverse, faisant venir le Docteur Octopus, le Bouffon Vert et l’Homme Sable de la saga de Sam Raimi tandis que Electro et Le Lézard de Marc Webb se joignent aussi à la partie. Le tisseur, avec l’aide du sorcier, doit alors les renvoyer dans leur monde pour rétablir l’ordre du multivers.
Après des aventures volontairement plus minimalistes et “street level”, cela fait plaisir de retrouver notre tisseur confronté à de plus grands enjeux ! Là où les deux précédents, sans être mauvais, étaient en finalité plutôt anecdotiques, ce troisième opus instaure enfin le multivers Marvel sur grand écran (sur le petit, Loki s’en était déjà chargé) sans pour autant tomber dans la surenchère en réussissant à bien se focaliser sur Spider-Man et son parcours initiatique. Enfin, à notre grande surprise, Peter vit des drames, résultant de ses actes et de ses responsabilités, qui le poussent à devenir le héros tel qu’on le connaît. En effet, No Way Home a une intention claire et excellente qui conduit le récit : déconstruire le tisseur du MCU pour revenir vers une version plus proche de celle des comics et des anciennes itérations, un héros solitaire qui affronte ses propres ennemis sans être noyé dans l’héritage des Avengers.
En ce sens, l’avalanche de fan service et de vannes méta ne sont pas gratuites et sont savamment utilisées pour proposer une réflexion : qu’est-ce qui construit Spider-Man et fait de lui le héros qu’on connait ? Le confronter alors à des ennemis des précédentes versions du tisseur prend tout son sens. Mais plus encore, le mettre en face des deux autres Spidey en fin de film, ceux de Tobey Maguire et d’Andrew Garfield dépasse la simple volonté mercantile pour user du fanservice à bon escient. Les deux héros servent de guide à ce Peter Parker immature et lui apprennent le véritable sens d’être Spider-Man. Il est fort appréciable que les deux héros ne soient pas là que pour le final mais aient une véritable place dans le métrage, occupant environ le dernier tiers du film. Andrew Garfield est plus que content de retrouver le costume et le fait partager au travers d’une interprétation pleine d’énergie, tout en ayant le droit à une petite conclusion quant à son arc narratif instauré dans TASM2. Tobey Maguire quant à lui déçoit beaucoup en étant amorphe dans le rôle, semblant s’en ficher complètement. On sent que l’acteur ne s’est pas retrouvé devant les caméras depuis un bon moment. Heureusement que la nostalgie fait passer la chose et que l’on apprécie tout de même sa présence.
Pas si spectaculaire Spider-Man
Mais si la déconstruction (et le fanservice méta) du personnage est clairement le point fort du film, la réalisation de Jon Watts en est le point faible. Comme cela fut le cas dans les deux précédents, le réalisateur a du mal à filmer son héros dans tout son spectaculaire, les frères Russo y parvenant beaucoup plus dans leur Avengers. Si l’intention plus minimaliste et teenage movie des deux premiers pouvaient concorder avec cette camera plus terre à terre, ici Watts loupe l’occasion de pleinement se lâcher et gâche le potentiel de son climax habité par trois hommes araignée. La scène est mal éclairée et filmée avec une mauvaise spatialisation rendant le tout peu lisible. Il y a fort à parier que Sam Raimi, ou même Marc Webb, auraient fait quelque chose de bien plus dantesque. Un refus, ou l’incapacité, d’iconiser quoique ce soit à l’image de la première apparition de Garfield et Maguire flirtant plutôt du côté de la sitcom que de la grande réunion épique. Une direction comique qui alterne entre le véritablement hilarant et le gênant lorsqu’il s’agit de dégrader l’image de certains méchants cultes des anciens Spider-Man en les tournant en ridicule. Amoindrissant de fait leur image menaçante.
La direction artistique est à l’image de la réalisation, insipide. La photographie est invisible tandis que les décors sont quasi claustrophobiques, le principal de l’action se passant dans un appartement blanc et dans le sous sol du Dr Strange. Dommage pour un héros censé voltiger entre les immeubles. Tout pue le studio et le fond vert, sûrement pour cacher au maximum la présence des deux guests principaux. Les effets spéciaux alternent entre le potable et le très mauvais, notamment sur les personnages de l’Homme Sable et du Lézard dont on ne comprend pas le choix de les faire en tout CGI alors qu’il aurait été plaisant de revoir les acteurs d’origine (outre leur caméo final). Heureusement la séquence psychédélique Strange vs Spidey remonte le niveau.
Cependant Jon Watts s’en sort beaucoup plus dans les scènes de dialogues ou plus intimes, à l’image de ce plan séquence de début, où l’humour grinçant se mêle à cette caméra continue pour un effet bordélique très inspiré. Mais la scène où il impressionne le plus, c’est lors du retournement du Bouffon Vert à la fin du deuxième acte où au travers d’un travelling compensé il parvenait à imager le sixième sens, tout en faisant un snorricam sur Peter qui cherche le danger. Norman Osborn révèle ses intentions dans un long dialogue qui fait monter en suspens la séquence avant d’exploser dans un combat complètement bourrin où ce dernier fait des prises de catch à Spidey, tout lui faisant traverser plusieurs fois le plancher d’un immeuble. Une scène qui mixe tension, horreur et bourrinage qui montre que le réalisateur peut se montrer inspiré. D’ailleurs Willem Dafoe crève complètement l’écran et surprend à être toujours aussi motivé (et machiavélique à souhait) dans le rôle. Il reste définitivement un des plus grands méchants du cinéma.
Ce Spider-Man No Way Home s’avère alors le meilleur de la trilogie du MCU, de par ses enjeux élevés et les conséquences sur le personnage, vivant une véritable reconstruction pour retourner à son essence. Son fanservice est exaltant tout en ayant un sens dans la narration et dans le parcours du héros. Malheureusement, la mise en scène et la réalisation de Jon Watts, malgré quelques petits moments inspirés, ne sont pas à la hauteur de l’ambition du projet, et viennent en gâcher clairement tout le potentiel. Un opus qui conclut la vie de Spidey au sein des Avengers et ouvre sur des perspectives des plus enthousiasmantes, que ce soit pour l’approche future du héros ou bien le changement de réalisateur. Une affaire à suivre !