Le goût du vertige nous plonge dans le récit de deux passions où se mêlent la violence du désir et celle du deuil.
Le goût du vertige raconte l’histoire d’un homme dont la vie a été marquée par deux femmes. L’une d’elle est morte à 22 ans, d’une maladie rare. C’est à cette période qu’il a rencontré la seconde, une violoniste avec laquelle il a vécu une passion aussi brutale que troublante. Alors, quand cette dernière ressurgit par hasard dans sa vie après 18 ans d’absence, c’est toute son existence qui vacille…
Ce roman sombre, organique et charnel nous happe dans un tourbillon où la vie et la mort se partagent l’espace ; où le rythme de l’écriture se fait celui de la passion et des questionnements qu’elle amène. Une lecture puissante, saisissante et un peu déroutante.
« Peut-être que mourir ce n’est pas grand chose, ce qu’il y a d’inadmissible, c’est la mort de ceux qu’on aime. »
Un récit entre passé et présent
Cela fait longtemps que son histoire avec Isolde a fini de le tourmenter, enfouie sous le poids des bouleversements de l’existence et de l’absence définitive d’Isa. Pourtant, quand le narrateur la recroise après 18 ans d’absence, passé et désir ressurgissent dans un même élan. S’agit-il du même désir resté intact ? Ou d’un autre remodelé par les souvenirs et l’écoulement du temps ? Probablement un peu des deux. C’est en tout cas un désir intense, impératif, presque ravageur.
Parce qu’il y a Isolde, donc, cette femme de 45 ans à la beauté sauvage. Mais il y aussi tout ce que sa présence soudaine vient remuer du passé et de l’existence d’Isa, balayant par la même occasion quelques illusions. Très vite, elle redevient une obsession et le désir les embrase à nouveau. La plume de l’auteur nous promène alors entre passé et présent, entre ces retrouvailles brûlantes et le récit de leur passion, une vingtaine d’années plus tôt.
« Je ne savais même pas en la quittant que ce serait définitif, j’avais 22 ans, sans me sentir d’aucun âge, mais avec l’impression absurde d’avoir gâché ma vie. Que se serait-il passé si je n’étais pas parti ? À quel vertige aurions-nous encore cédé, pour quelle chute ou quel gouffre ? «
Alors, forcément, il y a Isa aussi, l’amie disparue. Celle pour qui il regrette de n’avoir pas su être davantage présent tandis que la maladie l’effaçait lentement. Les deux histoires sont séparées et pourtant intimement liées dans l’esprit du narrateur. Si bien qu’à aucun moment elles ne nous paraissent pouvoir exister l’une sans l’autre.
Une lecture troublante
Le goût du vertige est un roman qui remue parce qu’il nous confronte sans pincettes aux deux sentiments les plus intimes, les plus violents : ceux provoqués par le désir et par le deuil. Des sentiments qui semblent pourtant à l’opposé l’un de l’autre, mais que la plume poétique de Stéphane Chaumet entremêle ici d’une manière fort intéressante. Et l’on se dit qu’ils ne sont peut-être pas si éloignés que ça finalement.
« Il y a les insomnies qui émiettent les muscles, tourmentent, et lors des plus tenaces, au profond de l’excitation ou de l’engourdissement je ne sais plus si l’envie est d’enfin pouvoir dormir ou mourir. »
En effet, c’est à une forme d’abandon, de perdition que désir et deuil confrontent le narrateur ; à une forme d’intensité aussi où perdre pieds devient presque inévitable si l’on accepte de les regarder en face. C’est un récit troublant dans sa manière de faire se rejoindre, s’électriser autant que se repousser la vie et la mort. Avec cette femme qui voudrait vivre et que la mort emporte, et cette autre, bien vivante, mais qui semble – à travers l’expression brutale du désir – chercher à disparaître.
Pour les amateurs de littérature érotique
La répétition des passages érotiques et souvent assez crus nous a laissé un goût mitigé. Déjà parce qu’ils surprennent les premières fois, bien que la thématique du roman aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. En effet, en soi, les scènes charnelles y ont tout à fait leur place et viennent amplifier la dimension vertigineuse de la passion dont il est question, jusqu’à rendre l’atmosphère presque étouffante par moments.
Mais sans doute reviennent-elles un peu trop régulièrement ces scènes durant lesquelles plus rien ne semble exister que ces deux corps enchaînés à un désir brut. On sent bien que la plume de l’auteur est parfaitement à l’aise et se complaît dans cet exercice. Mais on finit par avoir l’impression de lire un livre érotique dont l’histoire en filigrane n’est qu’un prétexte. Ce qui est un peu dommage.
Pour autant, il faut reconnaître que c’est particulièrement dans ces moments où les corps s’abandonnent que l’on ressent cet entremêlement de tendresse et de violence qui teinte l’ensemble de l’ouvrage. Car c’est finalement là, dans ces instants de jouissance ultime, dans cette manière qu’ont les corps du narrateur et d’Isolde de consumer une vie qui, ailleurs, est occupée à disparaître, que semblent jaillir toute la peine, la colère et l’incompréhension qui n’ont su se dire.
Le goût du vertige, de Stéphane Chaumet, est paru le 25 août 2022 aux Éditions des lacs.
Avis
Ce roman nous parle de la passion et de la mort en faisant la part belle à l'érotisme. Une plume dont on sent particulièrement qu'elle est masculine dans ces passages charnels, crus et très explicites, qui tendent à prendre trop de place dans le récit.