Shazam! La Rage des Dieux est sûrement l’une des suites les moins attendues du long catalogue de super-héros actuels, recevant de plein fouet les errances d’un genre en décrépitude.
Shazam! La Rage des Dieux sort un peu de nulle part. On se demande en effet, au vu du succès plus que limité du premier opus (près de 400 millions de recettes pour un budget estimé à 100 millions de dollars et plus d’1 millions de spectateurs en France, tout de même), qui a bien pu se hâter de produire une suite, vu le peu de souvenirs qu’avait laissé aux spectateurs l’introduction du super-héros campé par Zachary Levi. Pourtant, personne ne semblait avoir prévu le revers critique et public de Black Adam, qui n’a fait qu’un tout petit mieux que Shazam! pour un budget beaucoup plus élevé (195 millions de dollars annoncés, près de 260 en incluant le budget promotionnel, pour un résultat final de 390 millions de dollars). Personne non plus n’a donc pensé à opérer quelques changements pour cette suite, et surtout à une formule qui s’apprêtait donc sûrement à subir le même revers critique et public.
On reprend donc le même réalisateur, on y adjoint les géniales Helen Mirren et Lucy Liu (inutiles ressorts scénaristiques sans charisme, malheureusement), en pensant donc faire reposer ce Shazam! La Rage des Dieux non pas sur sa seule et unique histoire (racontée de long en large dans une bande-annonce désastreuse), mais en y adjoignant une scène post-générique, voire plusieurs, susceptibles d’offrir un tant soi-peu d’intérêt à un produit super-héroïque complètement désincarné. Annoncé par une promo catastrophique, outre la bande-annonce, les supplications de Zachary Levi au public américain pour préférer son film à John Wick 4, et d’un box-office américain qui sent le flop, secouez donc le tout et vous obtiendrez ce Shazam! La Rage des Dieux dont on essaiera de ne pas trop tirer sur ce qui ressemble désormais plus à une ambulance qu’à un film.
La Rage des Yeux
Shazam! La Rage des Dieux sera donc une nouvelle épreuve pour quiconque souhaiterait trouver une quelconque identité dans un produit super-héroïque qui s’en avère, une fois de plus, complètement dénué. Néanmoins, ce ne fut jamais la quête de Shazam!, ni de son réalisateur, David F. Sandberg, surtout connu pour avoir été à l’initiative du flippant Dans le noir, qui perdait malheureusement de sa superbe étiré en long-métrage, et pour avoir « correctement » emballé la suite d’Annabelle, qui avait au moins le mérite de ne jamais atteindre la médiocrité constante de son houleux prédécesseur. Ainsi, si le premier opus s’avérait terne et, il faut l’avouer, quelque peu insupportable, ce second opus remonte laborieusement la barre en assumant pleinement le divertissement sans aucune prétention qui demeure sa certes maigre, mais principale identité.
Shazam! La Rage des Dieux ne joue ainsi pas dans la même cour que l’exercice débilo-mégalo qu’était Black Adam et n’atteindra jamais le kitsch jouissif d’un Aquaman, où même le ton biblique et sentencieux de l’auto-proclamé prophète du cinéma : Zack Snyder. Ce second opus n’est ainsi rien d’autre qu’un divertissement dénué de la moindre inventivité, emballé sans aucune fougue, mais remplissant au moins correctement sa mission de divertissement efficace au rythme tenu. On pourra même y trouver une minuscule satisfaction dans quelques décors et effets spéciaux plus travaillés, convoquant volontiers Harry Potter (une bibliothèque aux livres volants), et au milieu de quelques créatures hideuses, une sorte de réveil de David F. Sandberg qui semble s’être souvenu de son goût d’antan pour le cinéma de genre.
Au mauvais endroit, au mauvais moment
On pourrait ainsi dire que Shazam! La Rage des Dieux ne mérite pas tout cet acharnement, surtout au milieu de blockbusters ayant tendance à prendre gentiment leur public pour de vulgaires tranches de jambon. Semblant presque jouer franc-jeu (et étirant les thématiques abordées dans le premier opus avec un peu plus de sérieux), le film porté par Zachary Lévi est ainsi au moins au niveau du dernier Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, raison principale pour laquelle son sort s’avère joué d’avance, appuyé par le four total de Black Adam. Parce qu’au milieu du grand capharnaüm qu’est la production super-héroïque actuelle, entre le reboot total opéré chez DC, faisant de ce projet un vestige du passé avant même sa sortie, et l’absence totale de cohérence et d’enjeux, en plus de la masse de séries produites à la pelle chez la concurrence, une certaine fatigue semble poindre, très justement, de la part du public
Si l’on ne défendra tout de même pas ce produit sans âme, étirant une formule rincée et doté d’un humour lourdingue qu’est cet atone Shazam! La Rage des Dieux, le film semble ainsi être l’incarnation d’une recette trop abondamment servie, qui semblait auparavant satisfaire, mais dont la répétition exaspère aujourd’hui. Doté de la même absence d’enjeu que ses confrères, suivant ad-nauseam le même schéma narratif amenant vers un caméo et des scènes post-génériques qui n’excitent plus personne, Shazam! La Rage des Dieux se trouve ainsi lancé au mauvais endroit, au mauvais moment. Une victime salutaire pour un système, qui on l’espère, saura en tirer quelques leçons, en amenant sur la sépulture de ce projet des fleurs en papier à la place de billets qui ne tombent aujourd’hui plus aussi abondamment et facilement qu’avant.
Shazam ! La Rage des Dieux est actuellement en salles.
Avis
Shazam! La Rage des Dieux, même en dépassant (de peu) la moindre qualité de son prédécesseur et en tenant sa maigre promesse de divertissement sans prétention, ne peut s'empêcher d'incarner à lui seul, près les échecs consécutifs de Black Adam et Ant-Man Quantumania, la répétition ad-nauseam d'une formule qui ne séduit plus grand monde.