On n’a pas eu le temps de digérer la Phase IV de Marvel que la cinquième débarque avec Ant-Man et La Guêpe : Quantumania. Un film à l’image de la nouvelle stratégie du studio : vite fait pas bien fait.
La langue française comporte bien des mots. Trop diraient ceux qui tentent de l’apprendre. Alors lorsque la personne en charge de la projection presse du dernier Marvel se lance dans quelques recommandations d’avant-séance, il convient de souligner l’usage d’un mot en particulier : consommateurs. Pas fans, pas public, pas spectateurs, consommateurs. Écart de langage ? Non, vérité criante concernant cet Ant-Man et La Guêpe : Quantumania dont la nature de produit de consommation s’affiche au grand jour.
Quoi ?! Les films Marvel seraient, depuis 2008, des produits formatés répondant à un cahier des charges immuable chargé de nous offrir notre dose de divertissement, tels des drogués que nous sommes ?! On tombe des nues ! Plus sérieusement, le fonctionnement de la machine bien huilée de Kevin Feige n’est plus un secret pour personne depuis longtemps. Et on a accepté de se prêter au jeu pour deux raisons : parce que, malgré cette introduction, on reste passionnés de cet univers et parce que malgré les contraintes, la majorité des films parvenait à nous raconter quelque chose ou du moins nous divertir suffisamment. Jusqu’à Avengers : Endgame.
Le point culminant de la phase III a été également un tournant dans l’esprit de Marvel Studios. Comme s’ils étaient conscients que parvenir à se placer dans le top 3 des films les plus rentables du box-office tenait de l’exploit unique ; il semblerait que l’entreprise ait abandonné sa volonté de plaire au plus grand nombre, préférant se concentrer sur leurs fidèles. Une stratégie qui va de pair avec l’essor de leurs séries sur Disney+. Puisqu’il semble impossible que le public lambda suive l’ensemble de leurs programmes, autant jouer la stabilité. Un plan logique et défendable s’il ne s’était pas accompagné d’une baisse qualitative. « Si on vise désormais uniquement une clientèle qui nous suivra quoi qu’il arrive, pourquoi s’embêter à améliorer nos produits ? ». Bah oui, pourquoi ?
On en veut pour preuve la Phase IV de cet univers cinématographique exponentiel. Débutée au cinéma par Black Widow à l’été 2021, elle s’est achevée par Black Panther : Wakanda Forever en novembre dernier. En prenant en compte les séries, elle aura ainsi duré moins de deux ans et aura comporté sept films et neuf shows sur Disney+. Et qu’est-ce qu’on en retient ? Quels sont les événements vraiment marquants de ce « Multiverse saga » ? Le fan-service d’un Spider-Man : No Way Home ? Le côté horrifique de Doctor Strange : Multiverse of Madness ? Et ? Alors évidemment, chacun peut avoir apprécié ou se souvenir des films / séries de cette Phase pour des raisons différentes, mais on peut néanmoins en faire un constat général : l’ensemble a manqué d’impact et on passait rapidement de l’un à l’autre comme on consomme des shows Netflix.
Ant-Man et La Guêpe : Quantumania n’est pas moche, il n’a juste pas un physique facile
Sauf que les films de cette Phase avaient une particularité : celle de faire semblant d’être autre chose que du jetable, se moquant ainsi de ses héros, de ses histoires ou de son public. Il n’y a qu’à voir avec quelle nonchalance Kevin Feige, Taika Waititi et leurs équipes ont traité le cancer de Jane Foster, le personnage de Gorr ou la figure du Dieu du Tonnerre elle-même dans Thor : Love and Thunder. Le film ne s’intéresse jamais à ses enjeux dramatiques, préférant s’en servir pour attirer le fan avant de tout exploser sur l’autel de la comédie potache avec le majuscule bien levé. Et Ant-Man et La Guêpe : Quantumania dans tout ça ?
Parce que oui, il serait bien temps de se pencher sur le long-métrage de Peyton Reed ; mais comme le film le fait lui-même pendant un prologue inter-minable : c’est toujours bien de rappeler d’où on vient avant de se demander où on va.
C’est donc l’histoire de Scott Lang (toujours sympathique Paul Rudd au demeurant), sa femme, sa fille et ses beaux-parents (dont la magnifique Michelle Pfeiffer) tombant dans l’univers subatomique où vivent différentes espèces et surtout un despote ambitieux capable de maîtriser le temps. Ils auront dès lors le même objectif que le spectateur : tenter de s’échapper de cette mauvaise copie de Star Wars.
Parce que oui, le métrage ne cache pas ses inspirations et va jusqu’à les ressortir robotiquement telle une version ciné de ChatGPT. On aura donc des stormtroopers ne sachant pas tirer et une scène de Cantina où un figurant ressemblant à Bill Murray imitera à la perfection Bill Murray obligé de payer ses impôts. Au passage, il faut saluer le talent de l’autre figurant du casting, celui qui ressemble à Michael Douglas avec la même fiche d’imposition que le faux Bill.
Le sel aurait peut-être pu prendre si cet univers numérique n’était pas autre chose qu’un fond d’écran gris et moche dans lequel navigue des acteurs incrustés à la truelle. Ant-Man et La Guêpe : Quantumania est un tract de deux heures pour exiger plus de budget et de temps pour les équipes des effets-spéciaux. Courage les gars, on est avec vous ! Surtout depuis qu’on a vu Avatar 2.
Évidemment, puisque l’emballage n’est pas des plus plaisants, il fallait en plus que l’emballeur soit Peyton Reed. Le « réalisateur » parvient à conjuguer plans sans saveur et faux raccord avec le non talent qu’on lui connaît.
Quand on n’a pas d’idées, on a du culot
Avec de tels handicaps, il ne manquerait plus que le film se paie en plus le luxe de n’avoir rien à dire… Eh bah c’est beau d’être riche ! On pourrait résumer le cheminement de nos héros dans l’acte de faire plusieurs tours sur soi-même. On revient au point initial avec la tête qui tourne et l’envie de vomir.
Ant-Man et La Guêpe : Quantumania brille par son absence d’enjeux, de consistance, se résumant simplement à l’installation du futur grand adversaire de nos Avengers, incarné ici par un Jonathan Majors qui fait de son mieux avec ce qu’on lui donne, c’est-à-dire pas grand chose. Petite remarque au passage : Thanos se découvrait à nous en calmant Thor et Hulk sans transpirer. Sans manquer de respect à Kang le Conquérant (dont on reconnaît le potentiel), difficile d’être crédible quand on veut jouer dans la cour des grands face à un Homme-Fourmi. C’est comme si, pour prouver la menace incarnée par Freezer, tu le faisais combattre Yamcha. Les vrais savent.
Et pourtant, alors qu’il ne paraît avoir pour lui que son appareil génital et son couteau (et qu’il a oublié son couteau à la maison), Ant-Man et La Guêpe : Quantumania parvient à être plaisant d’une certaine manière. Tout simplement parce que contrairement à ses camarades qui ont tenté de nous persuader que la moquette de mamie Thérèse était un authentique tapis persan, ce long-métrage a mis sa vacuité sur une estrade et lui a tendu le micro.
Comme nous vous le disions en introduction, ce troisième opus est un pur produit de consommation affirmé, se contentant de remplir sa mission sans tenter de camoufler ses nombreuses failles. On peut même déceler une sorte de fierté impertinente derrière le désastre visuel et scénaristique ; une manière de lever la tête et de dire « eh, c’est moche et c’est bête, mais notre héros est un Homme-Fourmi alors amusons-nous ! ». Ant-Man et La Guêpe : Quantumania se promène comme Scott ; le pas dansant, le menton levé et le sourire aux lèvres, avec la confiance en soi d’un film qui sait qu’il n’est pas le plus important, ni le plus impressionnant, mais qui s’en fiche royalement. Un tel aplomb, ça force le respect.
Ant-Man et La Guêpe : Quantumania sort au cinéma le 15 février 2023.
Avis
Ant-Man et La Guêpe : Quantumania est un plat fast-food fier de l'être. Gras et sans saveur, il sait contenter nos estomacs tout en nous promettant une digestion difficile. Mais au royaume de la tromperie sur la marchandise, le produit honnête est roi.