Après quelques années de hiatus, Rebel Ridge marque le grand retour de Jeremy Saulnier (Blue Ruin, Green Room) derrière la caméra. Thriller à destination de Netflix, ce petit condensé de tension est une nouvelle réussite, portée par Aaron Pierre et Don Johnson !
Cela faisait un moment que nous attendions Rebel Ridge ! Et la raison est simple : Jeremy Saulnier aura connu un début de carrière plutôt tonitruant avec le sympathique Murder Party, mais surtout la pépite (encore trop méconnue) qu’était Blue Ruin. Par la suite, Green Room aura pu assoir le talent d’un cinéaste habitué des personnages pris à la gorge.
Pourtant, on semblait un peu avoir perdu le jeune réalisateur après son Aucun homme ni Dieu bancal narrativement, et son éviction regrettable de la saison 3 de True Detective pour conflit avec Pizzolatto après 2 excellents épisodes. Rebel Ridge a beau être son plus gros budget, les 40 millions de dollars ont malencontreusement été gonflés par une production houleuse (départ de John Boyega, Covid-19..).
Pourtant dès sa toute première séquence (et jusqu’à la fin !), Saulnier nous ramène à la maison avec des chaussons : dans la petite bourgade de Shelby Springs, Terry Richmond (Aaron Pierre) se fait arrêter par la police locale, en plus de se faire détrousser de 30 000 dollars ! En effet, cet ex-Marine voulait payer la caution pour libérer son cousin avant qu’il ne soit transféré dans une prison fédérale.
Confronté à la corruption de toute l’organisation de la ville, Terry va se confronter frontalement au chef de la police Sandy Burrne (Don Johnson) et engendrer une vraie escalade de tension. Aidé d’une avocate (AnnaSophia Robb), Terry va non seulement tout faire pour récupérer l’argent précédemment volé, mais aussi mettre en lumière une conspiration plus globale.
Concentré de tension sans matière grasse
Rebel Ridge pourrait presque passer pour un cas d’école en terme de gestion rythmique, va un premier tiers incroyablement bien tenu en terme de narration, et bien sûr de tension ! D’une simple arrestation gratuite, Saunier parvient via le dialogue et le positionnement de sa caméra à immédiatement encapsuler les enjeux d’un récit à la structure simple.
Véritable lutte d’un David contre plusieurs Goliaths, Rebel Ridge fait parfois penser à une trajectoire en lien avec le thriller parano tendance Parallax View (toute proportion gardée) de par ses promesses, mais où l’aspect terre-à-terre du quotidien remplace le caractère vertigineux, et où l’impuissance face aux forces en jeu se mue en coups dans la nuque !
D’abord protagoniste courbant l’échine devant le badge, Terry va peu à peu justifier l’impressionnante carrure de Aaron Pierre (acteur excellent dans Underground Railroad ou Foe, qui trouve enfin un rôle à sa mesure dans un long-métrage) pour mieux inverser le rapport de force. Une bascule qui pourrait presque faire penser à du Jack Reacher, mais qui fait montre d’un équilibre situationnel et de ton parfaitement géré.
Thriller d’action politique
La course contre-la-montre initiale laissera par la suite infuser un propos socio-politique qui n’aura rien de particulièrement original dans sa manière de taper contre des institutions corrompues, mais qui se révèle étonnamment congruente derrière ce mélange entre First Blood et Copland.
Vendu comme un thriller d’action, Rebel Ridge peut avant tout être vu comme un western semi-urbain avant tout drivé par ses personnages, alors que Jeremy Saulnier parvient à renouveler des séquences musclées attendues (notamment dans le tout dernier tiers) de par le côté pacifiste de son héros. Un caractère frustrant au premier abord, mais en adéquation avec le propos de Rebel Ridge.
Une manière de contourner les tropes du genre, et ce qui s’apparente à un ventre mou central permet de donner une incarnation surprenante. On pourra ajouter cela la relation entre Terry et l’avocate Summer McBride (bon rôle pour AnnaSophia Robb qui n’a rien d’un faire-valoir), loin des clichés de love interests d’action movies. La petite déception tiendra peut-être dans l’écriture des antagonistes, qui à un ou 2 exceptions près restent dans les carcans de ce que le cinéma d’action pouvait nous offrir dans les 80’s.
La justice à tout prix
Un mal pour un bien (d’autant que tout le monde remplit son rôle à merveille, en passant par un Don Johnson qu’on appréciera détester), surtout quand Rebel Ridge assume sa dimension plus transgressive. Là encore, voir Aaron Pierre délivrer de la punchline de sang-froid et multiplier les clés de bras (Steven serait fier) justifie à lui seul le plaisir de visionnage, via une physicalité renforcée par la mise en scène précise de Saulnier.
Capable de proposer une utilisation de la grenade paralysante aussi jubilatoire que dans T2 autant que laisser respirer son atmosphère, le réalisateur parvient même à impressionner lors de quelques mini plans-séquences coup-de-poings. Un bel enrobage à tous les niveaux donc, tandis que Rebel Ridge n’oublie pas dans son ultime mouvement de relâcher le spectateur sur une note d’intention plus que nécessaire. Bref, un vrai bon film que voilà !
Rebel Ridge sortira sur Netflix le 6 septembre 2024
avis
Avec Rebel Ridge, Jeremy Saulnier revient par la grande porte malgré une sortie sur Netflix : en résulte un thriller sous tension savamment orchestré, à la mise en scène musclée et dopé par un très bon casting (Aaron Pierre en tête). Un vrai bon retour donc, à la dimension socio-politique bienvenue !