Sorti en 2012, Skyfall est la 23e aventure du célèbre espion anglais, et le 3e opus avec Daniel Craig. Véritable carton critique et public à sa sortie, il s’agit encore aujourd’hui du James Bond le plus lucratif qui soit. Sorte de grand retour aux sources réalisé par Sam Mendes, Skyfall n’est ni plus ni moins qu’un épisode culte.
Après l’échec que représentait Quantum of Solace, la MGM se trouve dans une lourde crise financière. Une fois la tête sortie de l’eau en 2010, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson ont engagé l’Oscarisé Sam Mendes (American Beauty, 1917) pour mettre en boîte la 23e aventure de James Bond, Skyfall. Se décrivant lui-même comme un fan de la saga depuis son enfance, le réalisateur représente néanmoins un vrai tournant pour EON Productions. En effet, c’est bien la 1e fois que la production engage un réalisateur réputé, auparavant connu pour ses drames multi-récompensés. Une volonté des plus appréciables qui se ressentira dans le long-métrage final.
En amenant avec lui le scénariste John Logan (Gladiator, Le Dernier Samouraï, Penny Dreadful) et l’immense Roger Deakins (Blade Runner 2049, 1917, Sicario) à la photographie, Sam Mendes décide avant tout de restaurer toute l’aura classieuse de la franchise. 1er film d’action pour le réal donc, néanmoins épaulé de Stuart Baird au montage (déjà présent pour Casino Royale). Un mariage qui porte logiquement ses fruits, dès les premières minutes du film.
Skyfall s’ouvre sur une grande scène de course-poursuite à Istanbul, dans la plus pure tradition de la saga. L’occasion donc de voir un Sam Mendes privilégiant la clarté et la fluidité d’action plutôt que le dynamisme et le sur-découpage. Autre atout d’emblée reconnaissable : Thomas Newman (Le Monde de Nemo, 1917, La Ligne Verte) signe la BO du film. Grand collaborateur de Mendes, Newman livre une partition élevant bon nombre de séquences, au tempo rythmé et utilisant quelques notes très Zimmeriennes (The Dark Knight fut une source d’inspiration). Si nous ne sommes pas forcément du niveau d’un David Arnold ou John Barry, Newman livre un travail de qualité immédiatement reconnaissable, tout en restant « Bondien » à intervalles réguliers. Mention spéciale évidemment pour le superbe générique d’intro, porté par le désormais célèbre Skyfall d’Adèle (ayant sans doute encore plus contribué au succès du film).
Tentant de récupérer un disque dur détenant des informations sur tous les agents infiltrés par delà le globe, Bond sera malheureusement laissé pour mort à l’issue d’un combat musclé sur le toit d’un train. Reprenant du service 3 mois après, au moment où le MI-6 est attaqué. Menaçant de divulguer les identités d’agents sous couverture, les cyberterroristes se verront donc traqués par un 007 accusant le coup. Un pitch de base « pur Bond » donc, nous emmenant de la Turquie à l’Écosse (le fameux domaine Skyfall), en passant par la Chine et Macao. Un doux parfum d’action-espionnage cher à la franchise, avec dépaysement garanti !
Le plus bel opus de la saga
Du premier au dernier plan, Skyfall jouit d’un soin plastique indéniable en étant filmé intégralement en numérique. Roger Deakins livre un travail de toute beauté, épaulé par Dennis Gassner (Blade Runner 2049, Big Fish, Quantum of Solace) à la direction artistique. Une photographie froide à la précision exemplaire, livrant un travail sur les ombres impérial, dans la droite lignée des précédents films tournés de Deakins. Skyfall bénéficie en outre d’une vraie volonté de grand cinéma, à l’image de l’ère Sean Connery. Via une mise en scène élégante de Mendes, le film impressionne constamment. On retiendra par exemple le casino à Macao (magnifiquement éclairé), l’Île d’Hashima (son architecture et son aspect de ville fantôme) ou encore les Highlands brumeux écossais.
Mais la meilleure séquence du film vient sans doute du passage à Shanghai ! Une virée dans les rues renvoyant presque à Blade Runner, jusqu’à une scène de tension et de baston proposant des jeux de lumière saisissants. Skyfall trouve en effet sa force non pas lors de ses très bonnes scènes d’action, mais lors de parenthèses contemplatives ou de moments de suspension. Une force du silence, magnifiée par la partition de Newman (le morceau Jellyfish illustre parfaitement le propos). Oui, c’est dans ces séquences beaucoup plus méditatives et atmosphériques que Skyfall s’élève.
Véritable déconstruction du personnage, l’intrigue intéresse par ses velléités psycho-analytiques. Des guillemets s’imposent néanmoins, on reste avant tout dans du pur James Bond, où ce dernier remonte la chaîne alimentaire ennemie avant d’arrêter le big bad guy. Daniel Craig en impose encore une fois, cette fois en 007 obsolète sur le retour. Son identité et son traitement sont en pleine métamorphose par rapport aux 2 opus précédents. Moins brut de décoffrage et froid, on assiste ni plus ni moins qu’à une mutation vers la figure iconique du Bond raffiné, mais toujours musclé. Une résurrection donc, qui est un des thèmes principaux du film.
Skyfall réintroduit James Bond (gadgets, Aston Martin DB5, flegme et charme) dans un monde qui ne ressemble plus à la Guerre Froide. Une direction déjà très bien orchestrée dans Casino Royale, qui se veut plus contrastée ici. Tenant compte du XXIe siècle, l’ennemi est désormais intérieur, les gadgets ne sont plus des stylos explosifs mais une radio miniature ou un Walter PPK à reconnaissance palmaire. La technologie a beau être au cœur des conflits géopolitiques, Skyfall légitime l’utilité de son héros, parvenant à un beau numéro d’équilibriste entre le moderne et le traditionnel.
James Bond crypto-Freudien
Ce qui intéresse avant tout Mendes et son équipe de scénaristes sont les traumas du passé. L’occasion d’introduire donc Raoul Silva (joué par un excellent Javier Bardem, doté d’un charisme terrifiant), ex-agent du MI-6 désireux de se venger. Sans aucun doute le vilain le plus emblématique de la saga de mémoire récente, Silva en impose dès sa 1e scène (n’arrivant pas avant plus d’1h de film). Que ce soit son look à la Max Zorin ou le jeu d’acteur de Bardem, Silva captive autant que Bond. Ce n’est pas un hasard si les 2 personnages représentent finalement 2 faces opposées d’une même pièce, avec comme point commun leur relation vis à vis de M.
Judi Dench trouve ici son baroud d’honneur après 17 ans au sein de la franchise. C’est elle la véritable Bond Girl du film. Figure pivot des évènements du film, il y a évidemment quelque chose de cocasse de voir le héros et l’antagoniste régler leur problème avec leur maman spirituelle. Si on évite pas une simplification d’enjeux dans sa dernière partie, allié à une application un brin facile du complexe d’Oedipe, Skyfall réussit un numéro d’équilibriste en étant toujours cohérent et prenant. Au final on tient avant tout une belle catharsis pour nos personnages, à la portée personnelle et émotionnelle !
Le casting secondaire est également de très bonne facture. L’occasion de se rapprocher de la grande mythologie 007 ! Naomie Harris amène une jolie dose de charme et de sympathie en Moneypenny, respectant le flirt institutionnel entre elle et Bond. Ben Wishaw incarne un parfait Q juvénile et locace, et Ralph Fiennes apporte l’autorité nécessaire en nouveau supérieur masculin. Enfin, la trop rare Berenice Marlohe (présente 10 min dans le film) est tout simplement magnétique en Severine. Bond Girl au charme et à la présence mystérieuse, elle marque durablement malgré sa faible présence et l’absence de réel arc narratif.
Du grand James Bond
Skyfall est encore aujourd’hui le James Bond ayant engendré le plus de recettes. Plus d’1 milliard au box-office, plus de 7 millions d’entrées en France : un véritable carton en plus d’avoir été un vrai succès critique. Sans aucun doute l’opus le plus visuellement abouti (et peut-être le plus beau blockbuster de la dernière décennie), Skyfall convoque avec brio tout ce qu’un épisode de la franchise doit avoir. Un interprète au top, un superbe cast, de belles séquences d’action percutantes, une envie de réel cinéma, un grand méchant et une fabrication aux petits oignons. Si le film accuse d’un léger coup de mou avant son dernier segment, et verse succinctement dans la psycho-thérapie shakespearienne plutôt facile, on tient là un réel et vibrant hommage à 007. Un grand opus tout simplement !