Cette année, la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker collabore à nouveau avec le Festival d’Automne en proposant l’une de ses dernières créations : EXIT ABOVE, d’après la tempête. Une chorégraphie intense interprétée par une troupe de 11 jeunes danseurs qui s’appuie sur le motif récurrent de la chorégraphe, “ma marche est ma danse”, en lien étroit avec la musique blues.
Tout commence dans le silence que vient rompre le musicien Carlos Garbin avec un son électro étouffé. S’ajoute à la musique la voix de la chanteuse Meskerem Mees et le corps de Solal Mariotte qui tourbillonne sur scène. Sa danse entremêle aux mouvements aériens d’autres empreints du hip-hop. Il tourne, forme des arabesques, la géométrie est constitutive de ses pas.
Et puis, petit à petit, le vent se lève sur un plateau plongé dans un noir que seule vient troubler une légère lumière blanche. Un voile argenté s’élève, il ondule sous la lumière, créant un tableau hypnotique. Solal Mariotte dialogue avec ce drap qui se déverse telle une houle, ce mouvement d’ondulation que la mer conserve après une tempête. Il suit ses mouvements, se précipitant au sol pour se relever léger. La musique s’intensifie, le vent se fait de plus en plus fort. Puis, d’un même mouvement, le reste du groupe rejoint le danseur centre scène, ils ne bougent plus. Le silence retombe : le calme d’après la tempête.
Tout tourne autour du blues
EXIT ABOVE fait de la musique, et plus spécifiquement du blues, le point central du spectacle. On y retrouve la volonté de la chorégraphe de lier musique et danse, comme si l’une découlait de l’autre, et inversement. Son travail prend racine dans la chanson Walking Blues du musicien Robert Johnson, avant de s’ouvrir plus globalement à ce style musical et à des variations techno. Chaque musique influe sur le groupe et les mouvements. Les danseurs se déplacent en suivant les riffs de guitare de Carlos Garbin, une marche rythmée qui chemine autour de cercles et lignes colorées inscrits sur le sol.
Et puis, il y a la chanteuse Meskerem Mees à la voix douce et légère. Elle ne semble faire aucun effort, les paroles s’échappent de son corps et s’élèvent, emportées par la guitare ou les hard beats électros. On reste suspendu à son timbre apaisant, en pleine lévitation. Dès le début, elle entraîne les danseurs à sa suite, en prononçant ces quelques mots : “Let’s go to the walk !”.
“Let’s go to the walk !”
EXIT ABOVE est une danse du groupe, créée et interprétée par onze jeunes danseurs : Abigail Aleksander, Jean Pierre Buré, Lav Crnčević, José Paulo dos Santos, Rafa Galdino, Nina Godderis, Solal Mariotte, Mariana Miranda, Ariadna Navarrete Valverde, Cintia Sebők et Jacob Storer. Cet effet du collectif est central dans la création et leur énergie communicative. Ils sont soudés et ce lien invisible se poursuit au-delà d’eux.
Cette structure de base génère des mouvements multiples qui finissent toujours par se rejoindre. Ils suivent leur propre chemin sans jamais se perdre de vue. A l’instar de ces solos, duos ou encore trios qui se détachent ponctuellement pour ensuite retrouver leur place dans l’ensemble. Tou.te.s sont à la fois indépendant.e.s, dépendant.e.s et interdépendant.e.s. Ils créent une spirale infinie qui ne se termine pas par un point de fermeture mais “qui absorbe vers le haut – comme un point de sortie”.
La tempête se déchaîne
Anne Teresa de Keersmaeker s’inspire de la pièce La Tempête de William Shakespeare pour construire son spectacle. Bien que la danse se développe à partir de plusieurs motifs – dont le “travail des pieds, des pas” -, elle reste fortement liée à ce déchainement des éléments naturels. On retrouve ainsi une danse tournoyante qui s’échappe dans divers directions, ponctuée par une variation de rythmes. Les danseurs sont projetés en avant scène et glissent sur le sol à la manière des vagues. Les jupes accentuent le mouvement circulaire, les ondulations, les remous. Tout dans les corps suggère ce déferlement.
Et puis, il y a ce travail sur le son et la musique. Aux moments de silence et de suspension intense se joignent des instants où la tempête fait rage. Les beats accélèrent, le vent souffle à travers le micro, plus rien ne s’arrête et les corps sont emportés dans cet élan. La jeunesse se déchaîne et lâche prise : criant, courant, enlevant ses vêtements. Plus rien ne l’arrêtera.
EXIT ABOVE est une œuvre à laquelle on accroche et qui nous soulève du sol. Une création collective qui trouve sa puissance dans le groupe et la musique, portée par de jeunes danseurs, chanteurs et musiciens au talent indéniable. Un souffle de vent et de vie qui tourbillonne.
EXIT ABOVE, d’après la tempête est à découvrir au Théâtre de la Ville du 25 au 31 octobre pendant le Festival d’Automne. Pour plus d’informations
Avis
EXIT ABOVE, d'après la tempête est une création collective empreinte de musique blues et électro. Une chorégraphie intense qui fait de la marche et de la tempête ses éléments constitutifs. Ici, les danseurs tourbillonnent, portés par les sons des guitares et la voix envoutante de Meskerem Mees. Une création signée Anne Teresa de Keersmaeker qu'il faut absolument découvrir.