Old est le tout nouveau film de M.Night Shyamalan, revenu dernièrement sur le devant de la scène avec la fin de sa Trilogie Incassable (Split, Glass). Librement adaptée de la BD suisse « Château de Sable » et arborant un concept horrifique des plus saisissants (le vieillissement accéléré), le métrage avait tout d’un retour en force pour le cinéaste. Malheureusement, Old est une nouvelle preuve que fantasmes et réalités sont deux choses bien distinctes.
Il fut un temps où M. Night Shyamalan était considéré comme le prochain Steven Spielberg. Après des classiques comme Sixième Sens, Incassable ou encore Signes, le prodige du twist ending a dévoilé de premiers signaux de faiblesse avec Le Village ou encore La Jeune Fille de l’Eau. S’ensuivit une véritable traversée du désert, avant une petite résurrection avec le sympathique The Visit et le réussi Split. Un Glass déceptif plus tard (mais qui conservait de belles idées et une bonne fabrication), le revoilà avec Old, un thriller au high-concept taillé sur mesure pour le cinéaste !
Librement adaptée de « Château de Sable » de Pierre-Oscar Levy et Frederick Peeters (BD sous forme de conte social à la portée mordante et poétique), Old nous introduit à une famille partie en vacances dans une île Pacifique. Arrivés à l’hôtel, ces derniers rejoignent un autre groupe pour une excursion vers une plage paradisiaque. Sur place, tout ce beau monde découvre avec effroi qu’ils sont coincés et isolés, au même moment où un effroyable fléau s’abat sur eux : tous vieillissent de manière accélérée ! Avec seulement une journée avant que mort s’ensuive, ils vont devoir trouver un moyen de s’échapper.
Tell me beautiful lies
Un pitch de base aux promesses diablement excitantes donc, d’autant que Shyamalan parvient lors des premières 20 minutes à correctement installer son setting et rapidement présenter sa galerie de personnages. On voit rapidement que le cœur émotionnel voulu de Old est cette famille sur le bord de la rupture, alors que le couple incarné par Gael Garcia Bernal (Jackie) et Vicky Krieps (Phantom Thread) est au bord du divorce.
Le spectateur est ensuite introduit à un trombinoscope d’individus variés, allant d’un chirurgien cardiaque un brin parano (un Rufus Sewell creusant un trou encore plus profond que le vide de sa carrière), sa donzelle bimbo 2 fois plus jeune, un rappeur malade, un infirmier et sa compagne épileptique… Un groupe hétéroclite sur le bord de l’implosion, qui aurait pu proposer des situations pertinentes en terme de rapports de force et d’étude sur la condition humaine vis-à-vis de la mort. Il n’en est rien malheureusement !
La faute à une écriture tirant très souvent vers le gros Z : réactions atones ou inadaptées des personnages, direction d’acteurs plus que douteuse à intervalles réguliers, dialogues programmatiques… parfois on est pas très loin de Phénomènes, le grand nanar de Shyamalan ! In fine, chaque personnage archétypal se transforme en cliché désincarné ayant lu le script. Un constat bien amer devant un cast prometteur, en particulier la famille principale (avec notamment Alex Wolff de Hérédité, Elisa Scanlen de Sharp Objects ou bien Thomasin McKenzie de Jojo Rabbit) qui avait un vrai potentiel dramatique à la portée émotionnelle en ligne de mire. Une dimension intimiste dont quelques échos semblent parvenir, noyés dans un enchaînement faisandé de tentatives horrifiques.
La vieillesse c’est mal, m’voyez
Si encore les personnages étaient lisses et considérés comme de la chair à canon pour série B, cela aurait puêtre pardonné par le potentiel viscéral, anxiogène et abominable de Old. Malheureusement, même concernant son postulat de base, le film se veut cruellement déceptif : la principale menace du récit, à savoir le vieillissement accéléré, est mise en scène via 2-3 maquillages de rides artificiels, ainsi que 2 changements d’acteurs pour la croissance des gosses (et ce sans évolution graduelle, sans cheveux blancs, etc). Un manque d’ambition dans la manière de dépeindre son high-concept qui non seulement relève de la fainéantise crasse, mais rend tout potentiel impact horrifique proche du néant.
Pourtant les idées sont parfois présentes : grossesse accélérée, démence et folie précoces, ostéoporose avancée ou autres corps étrangers dans le bide menaçants vitesse grand V… mais mises en scènes de manière timides et/ou expédiées sans réel travail de tension. Si vous vous attendiez à un film graphique, passez donc votre chemin, Shyamalan met en scène l’horreur de la vieillesse en hors-champ à intervalles réguliers, et ce sans aucun impact. Il faudra attendre 2 mini-séquences usant bien du montage alterné, portées avant tout sur l’humain et les personnages (ados qui découvrent leurs pulsions, mari et femme utilisant leurs déficiences de manière complémentaire…), pour qu’un embryon de ce qu’aurait pu être un film réussi nous parvienne. Dommage donc !
Autre constat qui fait mal : visuellement Old est d’une fadeur assez surprenante ! Pourtant à la photographie on retrouve Mike Gioulakis (excellent chef opérateur de Jordan Peele sur Us ou David Robert Mitchell sur Under the Silver Lake), mais jamais le film ne nous abreuve de plan qui ressort (on parle quand même du réal de Incassable, Signes ou Le Village). Une facture morne heureusement égayée par les décors tropicaux du métrage, et néanmoins le caractère rythmé et (initialement) mystérieux de l’intrigue.
Old ou une nouvelle déchéance pour Shyamalan
Vous l’aurez compris, Old se plante à peu près dans les grandes largeurs, malgré son potentiel divertissant (et cruellement oubliable sitôt arrivé le générique). Heureusement Shyamalan a eu l’idée d’un film ne dépassant pas les 1h40, sans bout de gras donc, mais laissant un vile arrière-goût en bouche après sa conclusion. Un final éludant toute possibilité de mystère ou de poésie, via un épilogue au potentiel ridicule et à la résolution des plus faciles.
Ce ne sont pas les idées qui manquaient, mais l’exécution prouve que le M. Night Shyamalan d’antan a bien disparu, à notre plus grand désarroi. Old est donc un film des plus frustrants, ne parvenant jamais à satisfaire à presque tous les niveaux : intrigue, direction d’acteurs, réalisation… Le tout à l’image de sa fin : une proposition bas du front, vaine et aussitôt oubliable. Comme on dit dans la langue de Molière : c’est claqué au sol !