Les Gardiens de la Galaxie s’apprêtent à tirer leur révérence au cinéma, on revient donc logiquement sur le deuxième et génial opus, à la fois l’un des meilleurs du MCU et de son auteur.
Les Gardiens de la Galaxie s’apprêtent donc, à l’occasion de la sortie d’un troisième et dernier opus, à quitter le navire du MCU, après (presque, le premier opus datant de 2014) dix années de bons et loyaux service au sein de la maison des idées. Et si personne n’attendait vraiment cette bande de héros à la fois méconnue et réputée très compliquée à adapter, le talent de James Gunn en a fait l’un des projets les plus appréciés du public et de la critique, dépassant haut la main en popularité les aventures solos d’héros adorés et beaucoup plus identifiés, de Captain America à Thor, qui se paiera même les services de la bande le temps de l’introduction du what the fuck perpétuel de Thor : Love and Thunder. Après un premier volet solide, précédé d’un succès public et critique (170 millions de dollars de budget, 775 millions au box-office) à la fois facile (surtout avant la sortie du deuxième opus d’Avengers) et surprenant au vu des héros, on décide ici de vous parler du second opus.
Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 sort donc en 2017, juste après la tornade Avengers : L’Ère D’Ultron, Captain America : Civil War et les premières aventures solos d’Ant-Man et de Doctor Strange, de Spider-Man (dans le MCU) et la troisième aventure de Thor. Marvel est alors au top de sa forme, signant à la fois quelques-uns de ses plus gros succès d’une franchise qui ne se contente plus de s’établir mais de purement et simplement écraser la concurrence, face au four public et critique de Justice League et de l’aveu d’échec de DC d’établir son DCU, et de La Momie et sa tentative toute aussi avortée de reconstruire son Universal Monsters. Si le deuxième opus avait été annoncé avant même la sortie du premier (un mois avant, exactement), James Gunn rempile donc, et à l’image d’un Sam Raimi, venu du cinéma d’horreur, signant avec Spider-Man 2 son meilleur projet, le cinéaste américain gagne en puissance, devenant producteur exécutif d’Avengers : Infinity War et redoublant d’ambition pour ce Gardiens de la Galaxie Vol.2.
Surenchère d’émotion
Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 a coûté plus cher que le premier opus (200 millions de dollars), mais a également rapporté beaucoup plus (863 756 051 $). Preuve d’une recette qui a su séduire, ici bien au-delà de ses personnages, mais d’un univers désormais identifié et capable à lui seul de générer des succès sur des héros bien plus confidentiels. S’il aurait ainsi pu se contenter de surfer sur cette avalanche de succès, James Gunn redouble ici d’ambitions, quand bien même son histoire n’aura que très peu d’incidence sur le reste de l’univers connecté. Des décors plus nombreux alors que l’histoire s’avère resserrée sur moins de planètes que le premier film, et plus de 200 costumes, tous confectionnés à la main par Judianna Makovsky (on lui doit notamment les costumes d’Harry Potter à l’école des sorciers), en plus de l’arrivée au casting de tout un pan du cinéma des 80’s, de Sylvester Stallone, Kurt Russell, en passant même par David Hasselhoff, et même David Bowie qui sera initialement et logiquement prévu au casting (l’influence de Starman, de John Carpenter et du titre du chanteur est assez évidente) avant son décès brutal.
Mais bien au-delà de ses chiffres et autres grands noms, James Gunn souhaite ici et avant tout s’emparer pleinement de ses personnages. Si Chris Pratt a déclaré avoir pleuré à la lecture du scénario (manœuvre marketing où véritable aveu de sincérité, on n’en saura rien), ce qui intéresse effectivement le réalisateur c’est ici de creuser un peu plus ses héros, tout en rendant un hommage très réussi à son acolyte de toujours, Michael Rooker, présent depuis Horribilis dans tous les métrages de Gunn. Derrière les multiples batailles, explosions et autres décors et effets visuels somptueux, le cinéaste semble ainsi vouloir capter quelque chose d’infiniment plus fragile, comme l’annonce la brillante introduction d’une bataille contre l’Abilisk, astucieusement détournée sur le petit être qu’est devenu Groot, personnifiant à lui seul toute la volonté du projet. Du lien sensible qui unit les êtres, à l’absence et la perpétuelle quête du père, en passant par l’amour immodéré pour la science-fiction et la pop culture comme refuges, Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 veut à tout prix toucher la corde sensible.
Famille dysfonctionnelle
Alternant deux récits, l’un centré sur Rocket et son enlèvement par les Ravageurs porté par un Yondu soudainement absent et surtout complètement mélancolique, et l’autre sur la découverte de Star-Lord, accompagné par Gamorra et Drax de son père Égo et de sa planète, ces deux axes semblent un temps se contredire avant de ne former qu’un seul et même tout. Parce que si l’un s’avère riche en affrontements, rebondissements, humour et explosions, dépassant à lui seul (et haut la main) le cahier des charges du spectacle estampillé Marvel, la mélancolie de Yondu rejoint le climat suspendu du second récit, où un temps la remise en question de Peter Quill entouré d’un climat faussement apaisé vient se heurter au dialogue perdu entre les deux personnages, d’un amour qui ne s’est jamais dit, accentuant les non-dits et la défiance incarnés par le personnage faussement sympathique et vraiment charismatique d’Égo.
Ce schéma, on le retrouve ainsi présent entre tous les personnages, de la relation amour/haine entre Gamorra (Zoé Saldana) et Nebula (Karen Gillian), en passant par celle, identique entre Rocket (Bradley Cooper) et Peter Quill, et des dialogues entre Drax (Dave Bautista) et Mantis (Pom Klementieff) qui derrière l’humour, peinent à évoquer le véritable attachement qui les unit pourtant instantanément. Et la métaphore est ainsi claire, lorsque la rude Gamorra déclare apprécier entendre inlassablement l’une des histoires d’enfance de Peter Quill, qui s’amusait à raconter enfant à ses camarades d’école que David Hasselhoff était son père, se refusant ici une fois de plus à accepter pleinement, par le passé le deuil, et aujourd’hui le lien qui l’a toujours unit à Yondu, et lui préférant les monts et merveilles d’un énième avatar de cinéma, aussi irréel que finalement cruel et manipulateur. L’énième bataille finale relative à chaque projet du MCU prend ainsi une tournure presque inédite quand le grand climax n’est finalement véritablement atteint que par une scène de feu d’artifice, tout en émotion.
Freaks, l’émouvante parade
Loin des pétaradantes explosions et du second degré permanent inhérent à la franchise (et à l’écriture de James Gunn), cette scène, rythmée au son du Father and Son de Cat Stevens, sonne ainsi comme une sorte d’hommage du cinéaste à son véritable frère de cinéma. Celui qui campait déjà un affreux monstre dans Horribilis, son premier long-métrage, dont l’horreur traduisait surtout le manque d’amour de sa compagne et de tout un village qui se plaisait à se moquer de son apparence et de sa relation. Une déclaration d’amour à Michael Rooker (dont 11 années seulement le séparent de James Gunn), et à tous ses freaks, que le monde a décidé de rejeter, et dont la seule raison d’exister s’incarne dans le rôle qu’on a bien voulu leur assigner. Une thématique que le cinéaste étendra dans son The Suicide Squad, de manière beaucoup moins familiale et volontiers plus trash, où même doté d’une mélancolie nouvelle irriguant pourtant l’épisode spécial de noël, Gardiens de la Galaxie : Joyeuses Fêtes.
Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 laisse ainsi le sentiment d’un spectacle infiniment généreux qui derrière sa surenchère tente cependant de faire naître une véritable émotion. Celle d’apporter un tant soi peu d’humanité à la fois à ses héros, et à une franchise qui en manquera cruellement par la suite, en plus d’audace. James Gunn, aujourd’hui en charge de la co-direction de DC films, semble ainsi être l’un des rares réalisateurs à avoir compris ce qu’étaient les héros, à savoir saisir, en plus de leur essence, un supplément d’âme qui fera ensuite cruellement défaut à toute la production actuelle, s’épuisant en de projets à la fois formatés et impersonnels.
Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 reste ainsi à ce jour son travail le plus accompli, le plus fidèle, généreux et touchant, et aussi (si ce n’est lui) l’un des films les plus aboutis du MCU. À moins que l’émotion de les laisser pour un dernier tour de piste ainsi qu’une certaine mélancolie ne vienne illuminer son troisième et dernier opus….