Sous couvert d’un énième délire potache et méta, Deadpool & Wolverine enfonce le dernier clou du cercueil des productions estampillées Marvel, en un crachat au visage du public maquillé sous un écœurant amas de blagues, de fan-service et finalement de vide.
Deadpool & Wolverine cartonne (et notre critique lui donne raison), donnant ainsi l’illusion passagère du sauvetage d’un univers cinématographique rincé jusqu’à la moelle, ici déterminé à tutoyer l’erreur jusqu’à en faire sa plus proche conseillère. Profitant du lancement en grande pompe de sa dernière escroquerie, le studio toujours dirigé par Kevin Feige semble ainsi s’être figé dans une réalité pas si alternative où le monde serait prêt à revivre en boucle les mêmes années cinématographiques jusqu’à la fin des temps. Le retour des frères Russo ? Horribles metteurs en scène (entre autres) de The Gray Man, reprendront les rênes des prochains Avengers : Doomsday, et Secret Wars, confirmant ainsi qu’au-delà de cinéastes, c’est bel et bien une époque que le studio cherche avant tout à vendre.
Tout comme le retour de Robert Downey Jr., aveu d’échec confirmé et appuyé que le moteur à nostalgie n’a désormais plus aucune scrupule et n’a finalement jamais eu la moindre inventivité. Mais avant toute chose, et d’analyser la stratégie du futur de tout un studio qui n’en finit plus se démener pour ne pas sombrer dans les limbes de l’oubli, c’est de ce Deadpool & Wolverine que nous voulions vous causer. Pas pour une simple critique, mais un coup de griffe résumé en une analyse, point par point, de tout ce qui en fait un vulgaire crachat au visage du public grossièrement maquillé en délire méta mâtiné de blagues lourdingues et d’un inépuisable et terrifiant fan-service. De vous décrire notre terreur et notre énervement face à cette plongée abyssale dans les méandres de l’opportunisme et du vide.
Fallacieux prétexte
Deadpool & Wolverine, plus que tout autre Marvel, ne raconte absolument rien. On pourrait ainsi résumer ce produit, bien au-dessous d’un film, en un enchaînement de bagarres sur des tubes kitsch, comme des annonces de plaisir d’action finalement fades et très mal filmées, entrecoupés d’un écœurant fan-service qui suscite la même indigestion que celui observé chez la concurrence dans le monstrueux final de The Flash. Si ce dernier aurait pu incarner la phase attendue, et heureusement terminale, des productions super-héroïques en mode formule, cette troisième aventure de Deadpool, accueillie avec les honneurs (certifié « fresh » sur Rotten Tomatoes à 78% et encaissant l’un des meilleurs démarrages de l’année au box-office mondial) semble pourtant continuer sur la même route, et avec un modèle similaire.
Pour la (toute petite) histoire, le héros rigolo, après une très courte crise de la quarantaine, se trouve ainsi face au TVA de Loki à devoir sauver son univers, après s’être très malignement baladé dans des fonds-verts absolument déserts, singeant sans aucun respect l’extraordinaire Furiosa, avec pour seul animation des affrontements ratés avec un Wolverine rincé et des apparitions honteuses du passé. Avec des scènes musicales surfant sur la vague TikTok, des réunions monstrueuses et inutiles surfant sur la vague Spider-Man : No Way Home (qui avait suscité chez l’auteur de ces lignes le même dégoût) et un goût pour l’irrévérence de bac à sables se limitant surtout à l’homoérotisme et à se moquer du wokisme, de l’identité de genre, du véganisme et de l’écriture inclusive, Deadpool & Wolverine tient ainsi plus du produit prétexte plutôt qu’à un quelconque projet cinématographique réfléchi et abouti.
Manuel de survie à Hollywood
Un simple prétexte, apparemment amical et célébrant l’amitié de Hugh Jackman et Ryan Reynolds, mais sauvant surtout le premier d’un passage à vide depuis le génial Logan (une carrière compliquée en dehors du personnage Marvel avec les récents flops consécutifs de Reminiscence et The Son s’ajoutant à ceux de Pan et de Chappie) et célébrant le second comme le businessman multimillionnaire mais sympathique et rigolo qu’il est, telle une gigantesque carte de visite normalement propre aux projets d’un certain Dwayne Johnson. Et Hugh Jackman n’est ainsi pas le seul à être ici, à moitié, condamné à revenir d’entre les morts après un surprenant et prenant épilogue, comme pour être obligé de survivre dans un système hollywoodien ici aussi impitoyable, que fainéant et surtout vampirique envers un passé que l’on n’en finit plus de vider jusqu’à la dernière goutte.
Jennifer Garner, Wesley Snipes et Channing Tatum en portent ici les plus lourds fardeaux, réveillés tels des monstres fatigués, vieillis et tristes dans un costume qui leur redonne ici une petite chance d’exister, malgré leur peu de dialogue et d’intérêt. Parce que ce passé de la 20th Century Fox, ici malmené pour toutes les mauvaises raisons, fait ici réellement peine à voir. Penser aux grands films qu’ont étés Blade, Blade 2 et Logan, et de les voir traités avec équivalence à Elektra et un projet avorté fait ainsi instantanément monter une colère qui ne désemplira ensuite plus.
Vide intersidéral
L’utilisation des particularités du personnage de Deadpool a ainsi toujours été une excuse pratique pour tenter d’énumérer les problèmes des films de super-héros tout en ne s’empêchant jamais de se vautrer dedans tête la première, et Deadpool & Wolverine enfonce le clou, une fois de plus. Critiquer le multivers alors qu’il est l’artère principal et le remplaçant d’un récit inexistant est en effet assez gonflé, surtout lorsqu’il permet de vendre en masse des tonnes de produits dérivés inspiré d’une scène (De Ladypool, Headpool à Dogpool, vous pourrez tout acheter chez le partenaire officiel du film), une fois de plus inutile, où des centaines de Deadpool différents se font massacrer à l’écran, avec la même absence de mise en scène et d’inventivité que l’ensemble sur projet, porté non pas par un cinéaste, mais par le nouveau partenaire financier de Ryan Reynolds, Shawn Levy, signant ici leur troisième collaboration consécutive.
Le duo, déjà à l’œuvre sur l’inutile Free Guy, continue ainsi de maltraiter la richesse de toute une pop-culture à la machine à billets, à des fins purement pécunières et en lui retirant toute sa richesse et sa préciosité, sous des allures de petits malins décidemment bien sympathiques. Le héros masqué, faussement vulgaire mais 100% insupportable et conformiste, illustre ainsi parfaitement, de par son visage malade et défiguré, toutes les ambitions de producteurs n’ayant jamais fini d’étonner par leur mépris pour le public et leur perpétuel manque de remise en question sur le système de divertissement qu’ils alimentent.
Après les échecs consécutifs de The Flash et de toutes les horribles dernières productions du studio, de Secret Invasion à The Marvels en passant par Ant-Man et La Guêpe : Quantumania, ce Deadpool & Wolverine confirme ici définitivement que personne ne semble avoir appris de ses erreurs, et surtout, que la mauvaise direction risque d’être celle suivie pour l’avenir.