Plus gros budget de l’Histoire de Netflix, The Electric State s’affirmait comme le gros blockbuster streaming de cette première moitié de l’année. Mis en scène par les frères Russo (Avengers Endgame) avec en vedette Millie Bobby Brown (Stranger Things) et Chris Pratt (Les Gardiens de la Galaxie), le résultat est-il à la hauteur de ses 300 millions de dollars de budget ?
The Electric State est un projet qui date depuis une bonne décennie ! En effet, alors que les Russo prévoyaient déjà de s’atteler à ce film de science-fiction avant la sortie du diptyque Avengers Infinity War/Endgame, ce récit trouvait ses fondations dans un roman graphique de Simon Stålenhag. Cet artiste suédois est également connu pour son travail sur Tales from the Loop, adapté avec succès dans une série Amazon Prime ayant su conserver l’aura atmosphérique de ses dessins rétro-futuristes.
Adaptation pour mieux trahir
The Electric State avait pourtant une trame déjà tracée, et bénéficie en plus d’un budget pharaonique de 300 millions de dollars (autant qu’un Avatar donc) : que pouvait-il bien se passer de mal ? Car qui dit adaptation dit forcément trahison à divers degrés du matériau source, sachant que les Russo troquent l’iconographie poétique pour quelque chose de plus grand public.

Nous sommes en 1990, dans une uchronie (tendance Fallout) où l’après-guerre fut marqué par un essor considérable des technologies robotiques. L’IA a donc été développée pour assister l’humain dans les tâches ingrates, avant qu’une rébellion n’éclate. La guerre s’est conclue 4 ans plus tard avec l’aide d’Ethan Skate (Stanley Tucci), mogul de la technologie ayant créé le Neurodiffuseur (un set VR permettant de transférer sa conscience dans des avatars robotiques).
Tandis que les IA sur pattes ont été enfermées dans une Zone de No man’s land au sein du désert américain, la jeune Michelle Greene (Millie Bobby Brown) tombe sur un robot nommé Cosmo, affirmant être piloté par son frère disparu. Poursuivie par un chasseur de primes de renom, elle va faire équipe avec John Keats (Chris Pratt), un ex-soldat reconverti en receleur de marchandises.
Propre mais sans âme
The Electric State a beau bazarder son univers via un prologue sur-écrit, ces divers ingrédients forment initialement un tout plutôt cohérent et accrocheur, réhaussé par une tenue technique plus qu’honorable. Car oui, après des Red Notice, Gray Man ou autres mastodontes de plate-formes fabriqués n’importe comment, ce nouveau film des Russo bénéficie au moins d’effets visuels propres rendant curieusement palpables son univers rétro-futuriste.

Ce sera particulièrement probant lors des nombreux inserts de plan-larges, plaçant diverses structures métalliques fonctionnelles ou déchues (synonyme d’une époque révolue et directement héritées du matériau de base) dans un Americana hérité des 90’s. Bref une dimension légèrement rafraîchissante éloignée du 80’s-porn fétichisé à outrance ces dernières années.
Mieux, le rythme global s’avère engageant jusqu’à la rencontre de Michelle avec un Chris Pratt moustachu semblant sorti d’un clip des Village people, affublé de leurs deux acolytes. Même la musique signée Alan Silvestri (Retour vers le Futur, Here) offre ce soupçon fantôme de madeleine de Proust d’un divertissement haut de gamme malgré l’absence de thème identifié.
Gentils robots contre vilains humains
Bref, l’illusion fonctionne jusqu’à ce que la réalité nous rattrape : celle d’un aplanissement de toute ambition, d’une linéarité totale narrative, et d’un affadissement global de tout vélléité artistique ! Une fois au cœur de cette zone où robots bibendums au design hérité d’un cartoon et méchants corporates se mettent l’un sur l’autre, The Electric State accuse d’un pilotage automatique total à absolument tous les niveaux.

Personnages secondaires token (on remercie pas Ke Huy Quan d’être allé là-dedans pour du sub-plot FedEx inutile), enjeux bas du front, robots belliqueux réduits à des marionnettes indignes d’un Small Soldiers, conflit humain-machine vue milles fois mieux ailleurs (et même récemment chez Blomkamp ou Edwards), faux twist final pour amener du pathos, deus ex machina tendance « j’ai lu le scénario » pour résoudre toutes la problématique principale d’une dystopie pas si éloignée du monde réel (revoyez Ready Player One s’il vous-plaît, c’est tout ce que cette production des Russo ne réussit pas!)…
The Electric State, où l’argent blanchi pour le déjà-vu
Pourtant, rien de profondément désagréable là encore : techniquement c’est propre, rien ne dépasse, Chris Pratt fait son loseur magnifique habituel (sans rien derrière la surface), Millie Bobby Brown s’avère une actrice toujours aussi engageante (malgré qu’elle choisisse mal ses projets), on apprécie toujours Stanley Tucci dans chaque métrage, et Giancarlo Esposito s’avère encore convaincant dans son sempiternel personnage taciturne.
Mais The Electric State représente l’omega de ce qu’est devenu l’entertainment XXL à Hollywood. De la non-prise de risque, de l’évocation rassurante de toute problématique contemporaine (« les écrans tout le temps ce n’est pas bien vous comprenez, il faut de nouveau parler à son voisin sinon…sinon…bah le film ne sait pas pourquoi »), une taylorisation des séquences d’action et autres set-pieces, et enfin une uniformisation totale de tout ce qu’un blockbuster pété de thune est désormais incapable de faire, à savoir nous émerveiller !
The Electric State est sorti sur Netflix le 14 mars 2025
avis
The Electric State n'est pas un mauvais film en l'état, pourtant difficile de ne pas afficher une mine déconfite face à une taylorisation de plus en plus prononcée de productions streaming au budget XXL et incapables de digérer des concepts pourtant maintes fois éculés. Techniquement c'est propre et jamais ennuyeux en terme de rythme, pourtant on se demande bien où est donc passée la fibre atmosphérique unique du matériau de base. Pas terrible du tout donc !