A une semaine de la sortie de Spider-Man : No Way Home qui réunira très certainement les trois itérations cinématographiques de l’homme-araignée, il est plus que temps de revenir sur toutes les péripéties du plus grand héros Marvel sur grand écran !
Retour dans le début des années 2000, le genre super-héroïque est encore peu répandu. Marvel est passé à deux doigts de la banqueroute dans les années 90 pendant que l’adaptation sur écran de ses héros sont réservés aux séries B. Mais le succès de Blade en 1998 sauve la maison des idées de la faillite tandis que le X-men de Bryan Singer prouve que les super-héros ne sont pas seulement des gugusses en collants et ont de vraies histoires sérieuses à raconter. Puis arrive le projet Spider-Man, débuté dans les années 1990 par James Cameron avant d’être mis en stand by puis repris en 2000 par le grand Sam Raimi. En résulte, un carton atomique et une œuvre culte, matricielle qui donnera le La au genre.
Fan de comics, comme il a pu le prouver 12 ans avant avec Darkman (qui partage beaucoup de similarités avec son Spider-Man), Sam Raimi et son scénariste David Koepp ont su rendre honneur au héros culte de Marvel. L’histoire capte parfaitement l’essence et la singularité de Peter Parker : il n’est pas un millionnaire orphelin en quête de vengeance, ni un mutant discriminé résidant dans un refuge de surhumain ou bien même un extra terrestre venant d’une autre planète. Il est tout simplement un ado ordinaire se retrouvant avec des pouvoirs extraordinaires. Un héros auquel le public pourra se connecter et qui résonnera en lui. De plus, dans la continuité du X-men de Singer, ce Spider-Man n’est plus seulement un mec tapant des Super-Vilains, mais un vrai personnage de cinéma ayant un parcours de héros et étant une métaphore de la vie.
Peter Parker n’est pas uniquement un ado acquérant des pouvoirs, mais l’incarnation du passage à l’âge adulte, avec un corps qui change (les plus adultes comprendront la comparaison de l’adolescent qui s’enferme dans sa chambre pour expérimenter ses fluides…) et des nouvelles responsabilités. L’écriture du scénariste représente parfaitement ces thématiques et le parcours : tout d’abord adolescent usant de manière puérils de ses pouvoirs, il le paiera d’un drame personnel qui le mènera à une envie de vengeance avant de comprendre qu’il peut faire le bien avec, et même si un ennemi le pousse dans ses retranchement, à faire des choix impossibles. Plus qu’un super-héros, Spider-Man sous la plume de Koepp (et bien évidemment hérité de l’œuvre d’origine de Stan Lee et Steve Dikto) est devenu une icône qui nous pousse, par un ingénieux phénomène d’identification, à être la meilleure version de nous-même.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités
Car en effet, pour la première fois au cinéma, la vie courante du super-héros est mise sur le devant de la scène. D’un point de vue dramaturgique, charmer l’amour de sa vie est également important que de combattre le Bouffon Vert, les galères d’argent sont tout autant des épreuves que de sauver des vies. Le spectaculaire et l’ordinaire sont mis au même niveau pour mieux nous parler. L’histoire reste globalement simple, voire très simple, sans grand retournement de scénario, de fil rouge narratif ou d’astuces d’écriture novatrice. Mais la construction des enjeux, des drames et les choix auxquels sont confrontés le héros pour ensuite en apprendre des leçons font de ce scénario un tout parfaitement fluide et cohérent ainsi qu’une référence dans le genre qui sera à de multiples reprises copiés par la suite.
Mais un scénario n’est rien sans une bonne réalisation. Et autant dire que les astres se sont parfaitement alignés puisque la mise en scène magnifie le tout. Là où Singer avait abandonné le côté coloré de ses X-men (lui-même pas connaisseurs des comics de base) pour légitimité son film par son réalisme et sa noirceur; Raimi à contrario accomplit la maestria d’embrasser complètement l’aspect pop et pulp du comics des années 60/70, avec des touches de kitsch, de naïveté et de clarté faisant directement référence au Superman de Richard Donner. Sans pour autant tomber dans le ridicule, puisqu’il met toutes les ressources à sa disposition pour en faire un grand film de cinéma.
Reconnu pour son style excentrique, complètement grandiloquent voire quasiment expérimental (la trilogie Evil Dead, Darkman, Mort ou Vif…), le réalisateur use de ses expériences cartoonesques du passé pour les faire muter en véritables événements épiques. Jamais auparavant un film de super-héros n’avait eu autant d’ambition dans ses moyens et le réalisateur s’en donne à cœur joie : la caméra se balance entre les immeubles, les cascadeurs se battent dans des vrais décors en flammes, les premières doublures numériques volent et virevoltent au gré de la caméra. Sam Raimi saisit le caractère spectaculaire des personnages et les retranscrit comme personne à l’écran. Et cela vaut encore aujourd’hui malgré les multiples adaptations de l’Homme Araignée.
Et à l’image du scénario, les moments plus minimalistes sont aussi soignés dans leur mise en scène, en faisant un enchaînement de scène culte. Ainsi, la première apparition du Bouffon Vert, interprété par un Willem Dafoe schizophrénique à souhait, emprunte au film de maison hanté pour nous glacer le sang. Le premier baiser sensuel entre Spider-Man et Mary Jane, à l’envers sous la pluie, est digne des plus grandes romances cinématographiques. Puis Raimi emprunte à Hitchcock lorsque son héros se cache au plafond et qu’une légère goutte de sang s’apprête à dévoiler sa présence. Un melting pot de style différent au service de chaque scène, les rendant toutes plus inoubliables les unes que les autres.
Spider-Man propulse le genre super-héroïque.
Nous pouvons émettre cependant quelques petits bémols. Certains effets spéciaux ont effectivement un peu mal vieilli. De plus, le costume du Bouffon Vert s’avère un peu décevant, n’exploitant pas complètement le côté horrifique du personnage et se rapprochant plus du méchant de Power Rangers. D’autant plus dommage lorsque l’on voit le masque prévu à la base mais que Willem Dafoe a refusé de porter.
Cependant le principal (petit) défaut à noter est le casting, notamment dans son duo de tête, Tobey Maguire et Kristen Dunst. La grandeur du film et la claque qu’il représenta dans l’industrie imposa évidemment les deux acteurs comme iconiques dans leurs rôles. Mais avec du recul, cela est plus dû aux qualités intrinsèques de la réalisation et du scénario qu’à l’interprétation des acteurs. Si leurs jeux ne dénotent pas, Tobey Maguire manque quelque peu de nuance et accentue trop le côté victime nigaud de son personnage, défaut qui sera récurrent dans la saga. Il frôle à deux doigts l’antipathie, heureusement que l’écriture est là pour rattraper.
Cependant Kristen Dunst a véritablement du mal à donner de l’épaisseur à son personnage, étant très vite limitée au rôle de demoiselle en détresse qui crie à tout bout de champ. Un défaut tout autant dû à l’écriture qu’à l’interprétation. Par conséquent l’alchimie entre les deux a du mal à paraître crédible à l’écran, tant ils sont surgonflés par des dialogues un peu niais et des jeux benêts.
Mais ces petits défauts n’entachent en rien la qualité folle du métrage. Spider-Man de Sam Raimi reste et restera un métrage majeur dans la culture populaire, de par sa compréhension du personnage, l’amour qu’il porte pour le comics ainsi que par sa réalisation aux ambitions démesurées qui repoussa à jamais les limites du film de super-héros. Une œuvre matricielle qui imposa ses codes et ouvrit la voie à tout un genre. N’est-ce pas là le signe d’un grand film ?