Film très attendu de cette fin 2023, Rebel Moon se dévoile dans une Partie 1 intitulée « Enfant du Feu », avant que le second film ne débarque lui aussi sur Netflix en avril 2024. Projet de longue date pour Zack Snyder (300, Man of Steel, Justice League), ce space opera empruntant autant à Star Wars qu’aux Sept Samouraï sort dans une version tronquée d’1h, nuisant aux velléités récréatives et fastueuses du réalisateur.
Rebel Moon revient de loin, alors que Zack Snyder a définitivement lâché la rampe de l’ancien DC Universe avec sa trilogie (Man of Steel, Batman v Superman, Justice League). Désireux de revenir sur des projets originaux (à l’instar de son Sucker Punch), nous avions retrouvé le bougre sur Netflix avec le bien mauvais Army of the Dead. Mais celui qui s’était attiré les faveurs de tout une communauté geek avec l’Armée des morts ou ses adaptations de 300 et Watchmen n’a pas dit son dernier mot, désireux de créer un univers de SF original.
La Galaxie lointaine, très lointaine de Zack Snyder
Les guillemets pourraient être de mise néanmoins, étant donné que Rebel Moon affiche d’entrée de jeu ses influences, notamment Star Wars. Difficile aujourd’hui de faire du space opera se démarquant réellement de la saga de George Lucas (même les adaptations de Dune ou John Carter y sont comparées alors que leur matériau d’origine en est la fondation), sachant que Rebel Moon avait initialement été proposée par Snyder à Lucasfilm comme un projet de trilogie dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Rebel Moon nous emmène en effet dans un univers de SF fantaisiste, où après qu’une monarchie de plusieurs milliers d’années prend fin suite à l’assassinat d’un roi, l’ordre galactique du Monde-Mère s’effondre. Subsiste désormais des planètes autonomes, désormais menacées par un Imperium dirigé d’une main de fer par un général régent désireux de restaurer l’ordre d’antan.
C’est dans ces circonstances que nous découvrons Kora (Sofia Boutella), une femme cherchant la rédemption suite à son passé mystérieux désormais retirée au sein d’une communauté fermière sur la planète Veldt. Mais lorsque l’amiral Noble (Ed Skrein), le bras armé de l’Imperium, débarque sur la planète afin de récolter toutes leur ressource, Kora va devoir recruter plusieurs guerriers prêts à défier les forces du Monde-Mère.
Les Sept Star Wars Hurlants
L’affiliation à Star Wars est certainement flagrante via divers points (une héroïne-fermière, du droïde, des space-nazis, un vilain bras-droit, des races aliens, contrebandiers ou même des ersatz de sabre-lasers à un moment), mais la plus évidente vient de Kurosawa avec les Sept Samouraï. Une œuvre dont Lucas s’était lui-même inspiré, et qui peut se targuer de proposer une des 3-4 histoires les plus fondatrices de l’Histoire du cinéma.
Ainsi, le pitch global et la trame générale ne sera pas source de surprise, affichant immédiatement son hommage. Mais c’est dans son approche purement « Snyderienne » que Rebel Moon se démarque, proposant avant tout un space opera référencé, puisant chez Métal Hurlant et tout un imaginaire geek pour adulte. On est loin de l’indigestion grasse d’un Sucker Punch, et le tout se révèle surprenamment tenu en terme de cohérence d’univers.
Le prix à payer néanmoins tient dans une direction artistique et une fabrication oscillant entre le chaud et le froid. Ainsi, on pourra pester sur quelques décors Syfy génériques (certains semblant avoir été faits en arrière-fond vert à la va-vite), et être galvanisés par un détail plus singulier à intervalle régulier.
Pot-pourri de space opera
C’est particulièrement probant dans toute la première heure du film, où un village d’inspiration viking sans grande recherche de production design devient plus percutant lors d’un crépuscule rouge magnifié par les lunes voisines. Ou bien un bar-saloon à l’architecture classique, rapidement incarné par un personnage alien arachnoïde-alien se servant d’un corps humain comme hôte, tandis que le village d’inspiration féodal se voit agrémenter de diverses modifications pour en créer quelque chose de dépaysant.
Un équilibre plutôt tenu dans Rebel Moon, mais qui ne bénéficie pas d’une patte aussi identifiée que celle d’un McQuarrie pour Star Wars (voire même des plus récents The Creator ou Mars Express). Néanmoins, Zack Snyder s’amuse, et le spectateur se prend rapidement au jeu, tandis que le réalisateur soigne les points d’entrée narratifs en distillant flash-backs ou explications sur le lore de son univers.
Mais voilà, la mayonnaise ne prend pas totalement pour une raison majeure : un director’s cut R-Rated de 3h (soit 1h de plus !) est déjà annoncé, pareil pour la Partie 2. Et si proposer une version standard visible par le plus grand nombre est déjà un acte contestable, les divers manques se ressentent fortement !
Alors que la patte de Snyder est bien là (notamment ses ralentis caractéristiques, heureusement moins prononcés que d’accoutumée), avec quelques scènes d’action bien montées, il faudra se contenter d’un Rebel Moon plutôt aseptisé sans une seule goutte de sang ou viscéralité malgré que l’on soit dans un univers de SF purement adulte (langage fleuri, allusions sexuelles, égorgements, tranchages et autres headshots).
Mercenaires aux abonnés absents
Mais la tare la plus flagrante est purement scénaristique, et se ressent lors de la 2e heure, alors que le film entend nous présenter les fameux guerriers, recrutés par Kora. Si certains ont droit a une présence plus réussie (Michael Huisman en acolyte, Charlie Hunnam en contrebandier), les autres devront se contenter d’une simple introduction badass (Bae Doona toujours aussi à l’aise pour botter des fesses), voire même pas du tout (Djimon Hounsou et Ray Fisher qui se présentent comme des persos illustratifs sans vraie présence).
Seul Staz Nair en simili-Conan semble mieux s’en sortir, mais oui, Rebel Moon sort donc dans une fâcheuse version tronquée. Une impression de bâclage demeure donc dans la seconde moitié du métrage, préférant rester rythmée quitte à sacrifier l’introduction (et le développement) de ses personnages secondaires..voire même de segments entiers semblant absents (on pense à un curieux détour bien charcuté vers une planète de gladiateurs).
C’est bien dommage, car par petites touches, Snyder parvient à donner de l’incarnation à son héroïne Kora, ou bien son nemesis. Mais il faudra se contenter avant tout du charisme des interprètes, plutôt que par une construction de personnages satisfaisante. Difficile de pleinement aborder/apprécier ce Rebel Moon Partie 1 à l’aune de cette version tronquée donc, malgré un visionnage loin du déplaisir, dopé par une BO inspirée de Junkie XL (Mad Max Fury Road, Alita Battle Angel).
Rebel Moon – Partie 1 : Enfant du Feu sortira sur Netflix le 22 décembre 2023
avis
Il y a à boire et à manger dans ce Rebel Moon Partie 1, lui-même tronqué dans une version expurgeant ses divers personnages d'arcs narratifs satisfaisants. Un sentiment plutôt incompréhensible de la part de Netflix donc, en attendant le director's cut R-Rated de 3h prévu l'an prochain avant la Partie 2. Le visionnage n'est pas déplaisant de par l'amour que porte Zack Snyder à son univers référencé, porté par un casting charismatique. La satisfaction n'est pas de mise de par cette narration survolant son sujet, mais il faudra donc attendre encore un peu pour pleinement juger le space opera de Snyder !