Netflix vient de proposer la dernière saison de Peaky Blinders, laquelle ressemblerait plus à un « au revoir » macabre qu’à de véritables et tristes adieux, mais toujours de façon qualitative.
Les Shelby continuent d’étendre leur empire tout en réglant leurs problèmes personnels mais Michael est bien décidé à devenir Calife à la place du Calife. Pour son dernier run télévisuel, la BBC et Netflix nous offrent donc les six derniers épisodes des Peaky Blinders dans une conclusion qui ressemble pourtant plutôt à l’introduction sépulcrale du prochain film. Et quelle introduction !
Entièrement écrite par le créateur Steven Knight (Taboo, See ou Allied), entièrement réalisée par Anthony Byrne (Ripper Street, The Last Kingdom ou Affaires non classées), voilà la saison 6 choyée par ses deux plus fameux créateurs, bien décidés à accompagner leur bébé dans des adieux chaleureux, même momentanés. Un passage de relais en famille donc pour accompagner également le deuil non seulement de la série mais de certains personnages. Oui, on pleure, mais de bonheur.
Bloody inconsistant
Certes on ne tarissait pas d’éloges à peine quelques lignes plus haut, mais commençons d’ores et déjà par les quelques points noir de cette sixième et dernière saison des Peaky Blinders avant de définitivement l’encenser. Tout d’abord, malgré ses six épisodes habituels, le show souffre d’un certain ventre mou. Très sombre, cette saison parait pourtant parfois faire du surplace, pour ménager le spectateur et retarder l’inévitable conclusion. Digressions oniriques ou machinations si appuyées et téléphonées qu’elles en deviendraient presque clichées, la narration tend ici à se perdre en route en se complexifiant et jouant sur des retournements de situations capillotractés pour au final peu de répercussions.
A ce titre, plus empressés qu’autre chose que de tirer un trait sur le passé pour se tourner vers l’avenir de la série, certains personnages sont paradoxalement malmenés, ou tout simplement inutilisés. Ainsi Michael (Finn Cole), à la storyline vengeresse, servirait presque de MacGuffin avec un rôle écrit à la truelle et ses deux phrases en guise de leitmotiv. Définitivement coincé dans son allure de petit garçon impétueux, il est dramatiquement inconsistant face à un Tommy grisonnant mais flamboyant. Il en va de même pour le nouveau ‘méchant’ du show, l’américain et accessoirement tonton du Michael. Un nouveau prétexte pour faire le ménage dans la Shelby family mais sans grand intérêt si ce n’est de faire durer le suspens en détournant l’attention de ce qui nous intéresse véritablement à Birmingham.
Fouckin’ fabulous
Parce qu’en gros on a fait le tour de ce qui n’allait pas, en chipotant, il est temps maintenant de s’attarder sur tout ce qui fait la magnificence des Peaky Blinders. Par exemple, le décès de l’incroyable Helen McCrory plane sur toute la saison, lui donnant de faux airs de requiem. La mort et le deuil surplombent tous les épisodes de leur présence menaçante et s’il est question de mauvais sort ou de rédemption, la série offre surtout un dernier hommage vibrant à celle qui était la meilleure des Peaky Blinders.
Une révérence qui va jusqu’à changer le protagoniste principal, Tommy Shelby (Cillian Murphy) est maintenant sobre, plus aiguisé que jamais pour venger sa tante. Mais la mort est toujours là, sournoise et omniprésente, que ce soit des suites de la tuberculose ou enveloppant les junkies en manque, véritables zombies ambulants, personne n’est épargné, pas même l’amour, dont le deuil des relations emporte également tout sur son passage. Rien n’est joyeux, tout n’est que tristesse et résignation, de la prohibition à la montée du nazisme (notre critique de la saison 5 des Peaky), il n’y a que la dureté crasse d’une époque brutale, écorchée vive, magnifiée par une photographie granuleuse et décentrée ou des jeux de focales qui finissent de déifier ces personnages charismatiques avec d’éblouissantes plongées ou contre-plongées.
Néanmoins, les relations entre les personnages demeurent le sel de ce qui fait la beauté des Peaky Blinders. Entre leurs traumatismes de la Grande Guerre, toujours vivaces, les liens d’une fratrie inébranlable s’en trouvent démultipliés. Si Ada (Sophie Rundle) brille comme jamais dans des scènes rhétoriques parfaitement écrites, Tommy et Arthur (Paul Anderson) s’offrent eux l’une des meilleures scènes du show et finissent d’enterrer les démons du passés en les affrontant conjointement. Ainsi c’est définitivement les liens familiaux et le folklore gitan qui aident à conclure cet ultime arc narratif, tout en préparant une nouvelle génération de gangsters pour de plus amples méfaits puisque ces anciens, immuables et adulés finissent progressivement par devenir obsolètes, comme des témoins d’un temps fantasmé, mais révolu.
Avec une réalisation magnifique, aux ralentis toujours soutenus par un punk-rock énervé et une image fortement contrastée, les Peaky Blinders se sont offerts une belle conclusion dont il nous tarde de voir enfin la résolution dans le prochain film.
La saison 6 des Peaky Blinders est disponible sur Netflix et sur la BBC.
Avis
La dernière saison des Peaky Blinders est une pure merveille, comme à chaque fois, même si la narration souffre de passages à vides heureusement contrebalancés par une oppressante omniprésence de la mort. Une ultime confidente pour un dernier passage de relais.