En pleine crise de la soixantaine, l’acteur Jay Kelly, interprété par George Clooney, va se lancer à la poursuite de sens, d’une vie qu’il n’a pas eue. Un road-movie introspectif qui se montre parfois hésitant dans son propos, pourtant semé de bonnes idées.
Pour signer sa quatrième collaboration avec Netflix, le réalisateur Noah Baumbach se lance dans un film existentiel sur un acteur de cinéma reconnu joué par George Clooney. Après Marriage Story et White Noise, Jay Kelly ne passera sûrement pas inaperçu dans le catalogue de la plateforme. Avec un duo Clooney-Sandler en tête d’affiche, cette comédie dramatique nous fait la promesse de redécouvrir l’amour du cinéma au travers d’un acteur ayant passé sa vie à jouer un rôle.
Après avoir abandonné son prochain tournage, Jay Kelly décide de partir en Europe, accompagné de son manager Ron et de ses équipes, dans le but de rejoindre sa fille Daisy. Alors qu’il est invité à recevoir une cérémonie d’hommage pour ses 35 ans de carrière, l’acteur se questionne sur les dernières années de sa vie, les choix qu’il a faits, et les gens qui l’entourent.
En fuite ou en recherche ?
Tel un passage à l’âge adulte, Jay Kelly montre le parcours d’un artiste qui n’a jamais connu le réel. Toujours en tournage, c’est comme si Jay ne s’était jamais adapté au monde extérieur, toujours prédestiné à devenir une célébrité, quelqu’un d’important. Le personnage se fait sans cesse reconnaître dans la rue, dans le train, et cette proximité, bien qu’oppressante, lui plaît. En réalité, Jay voit dans les individus les personnages qu’il incarne. Dans un regard aussi passionné qu’assez aliéné, Jay entretient ainsi une certaine distance relationnelle, que ce soit avec les étrangers, ses fans, ou encore ses proches.

Seul, silencieux, Jay est un homme en parfait contrôle de ce qu’il renvoie, aucune émotion n’est transmise par hasard, comme si l’acteur jouait son propre rôle dans sa vie. “Tous mes souvenirs sont des films, des petits extraits de vie”, et quand l’art devient personnel, le personnage en fait sa propre maxime. La frontière entre le réel et ce qu’il connaît de la réalité s’épaissit, et la vie de Jay ne semble se résumer qu’à ses années de carrière ! Un retour sur terre qui va lui faire mal…. Et qui prend du temps à venir !
L’écriture de Noah Baumbach et Emily Mortimer embrasse le poncif de la célébrité qui incarne la séduction, la réussite. Celui qui prend le temps de parler aux étrangers pour se rapprocher d’eux, de leur sympathie, de leur modeste banalité. Une certaine séparation provoquée par l’image une fois de plus amenée par l’un des rôles que Jay a essayé d’endosser : celui de la star de cinéma. Lui qui répète qu’il est plus facile d’être quelqu’un d’autre que de se connaître soi-même, ce voyage est aussi l’occasion d’essayer de comprendre qui il est, et non plus l’image qu’il renvoie chez les spectateurs, après avoir incarné tant de héros.
Jay Kelly, adulte en devenir
Si Jay Kelly paraît comme une coquille artificielle, toujours en quête de faire le bien, la première moitié du film pêche un peu par une certaine longueur et une redondance de propos. L’œuvre prend le temps de mettre en place les personnages, et le monde réel tel que Jay le voit. Tout cela pour créer une rupture faite avec brio dès son arrivée en Italie, où la photographie, la chaleur de l’atmosphère, des couleurs, et les développements narratifs semblent se dévoiler moins mécaniquement. Mais pour cela, il faut bien attendre une heure. Même la présence de Ron dans ces premières soixante minutes n’est pas si intéressante : on ne prend pas le temps de le développer, alors pourquoi s’y attacher ? Le récit parvient alors à sortir de son circuit fermé et de mieux explorer ses personnages lorsqu’il entre dans sa deuxième partie.

Jay est l’acteur qui a décidé de sacrifier sa vie pour vivre son rêve, et aujourd’hui en comprend les conséquences. Son père (Stacy Keach), ses filles, eux se sont fait à l’idée qu’il a avancé, et malgré les efforts qu’il paraît faire aujourd’hui, dans une démarche de compréhension et de pardon, rien ne pourra résoudre ces années superficielles. Le long métrage arrive à ne pas tomber dans une écriture trop prévisible, cherchant surtout à dresser un portrait complexe et déconnecté, qui est celui de Jay Kelly. Il découvre la vie de ses proches, comme un autre film, dans lequel il n’est pas protagoniste. Est-ce que les autres le connaissent mieux que lui-même ?
Une quête d’identité pour célébrité désespérée
Entre le road-movie et l’œuvre personnelle, Jay Kelly brille par ses choix de mise en scène et sa manière de les transcrire à l’écran. En revisitant des souvenirs passés, Jay remonte pour savoir quel homme il est. Toujours ovationné, considéré comme le meilleur, le personnage ne s’est jamais contenté de rien, toujours à la recherche de faire mieux. Par le choix des couleurs et de l’ambiance, le long métrage nous plonge au sein d’un semblant de crise de la soixantaine de célébrité.
Il est clair que le choix de George Clooney fut un excellent choix, l’acteur oscarisé connu depuis de nombreuses d’années retrouve forcément un certain écho au parcours du comédien égocentrique et impassible. Clooney voit dans cette production Netflix un moyen pour lui aussi de revenir sur sa filmographie et le temps qui passe. On évoque le refus de vieillir, l’âge qui passe à travers les films, mais en le survolant complètement, et c’est bien dommage. Le film ne précise pas son propos, cherchant à être aussi nébuleux qu’une quête identitaire puisse être.

Le personnage de Ron, incarné par Adam Sandler, vient judicieusement rajouter une touche d’humour certaine, mais montre aussi l’impact direct que peut avoir Jay sur ses proches. Ron est un manager dépassé, consacrant trop de temps pour Jay, en s’oubliant lui-même ou sa famille quelque fois. Le duo fonctionne lentement, la relation varie entre amitié et professionnalisme. Le personnage de Sandler paraît néanmoins trop peu exploité, mais suffisant pour avoir sa propre conclusion à la fin. Le film montre à quel point une introspection n’est jamais linéaire, et il embrasse cette trajectoire, rendant son propos parfois confus ou rallongé.
Ovation pour Jay Kelly
Toujours dans la peau de différents personnages, Jay Kelly n’a jamais songé à savoir qui il était. Il était bien plus facile de se glisser sous les traits d’un malfrat, d’un médecin ou d’un super-héros. Noah Baumbach cherche à donner un vrai but au “Real-life hero” que les spectateurs voient. Sans tomber dans l’extravagance, le propos est honnête, mais aurait pu s’attribuer une bande originale plus marquante.
Jay Kelly est une bonne comédie dramatique, sachant doser ses touches d’humour. Le film prend vraiment de la vitesse à partir de sa seconde moitié, d’où un résultat assez inégal dans sa rythmique dramaturgique. Portée par un George Clooney génial, l’œuvre reste un bon divertissement, marqué par des choix de couleurs et de photographie assez magnifiques à certains moments, qui auraient mérité une sortie en salles.
Jay Kelly sortira sur Netflix le 5 décembre 2025.
Avis
Malgré de bonnes idées dans sa photographie et sa mise en scène, la première moitié du film semble assez inégale. Le film reste un bon divertissement qui nous immerge dans la crise existentielle d'un acteur hollywoodien qui s'est sans cesse glissé dans la peau de quelqu'un d'autre.

