Présenté en Hors Compétition à Cannes, Highest 2 Lowest la nouvelle réunion entre le réalisateur Spike Lee et l’acteur Denzel Washington. Réinterprétant le classique d’Akira Kurosawa (Entre le ciel et l’enfer), ce nouveau Spike Lee Joint se révèle aussi réjouissant que frustrant !
Highest 2 Lowest est un petit évènement en soit, étant donné qu’il s’agit de la 6e collaboration entre Spike Lee (Do The Right Thing, Blackkklansman) et Denzel Washington (Equalizer, Tragedy of Macbeth) ! Un lien d’amitié qui nous a donné parmi les meilleurs films des 2 compères, à savoir Mo Better Blues, Malcolm X, He Got Game et Inside Man !
Production Apple et A24 (Moonlight, Civil War), Highest 2 Lowest est une commande dont le scénario est passé de main en main depuis plusieurs années, et un projet hautement risqué dans le sens où il s’agit d’un remake du classique Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa. Ou plutôt une réadaptation du roman originel (Rançon sur un thème mineur par Ed McBain).
Highest 2 Lowest : A Spike Lee Joint
Mais pour les cinéphages, High & Low de Kurosawa s’articule comme une matrice de nombreux polars modernes, alors centré sur un riche magnat (Toshiro Mifune en fabricant de chaussures, et ici Denzel Washington en producteur de musique) dont le fils va être victime d’une tentative de kidnapping. Un acte qui va malheureusement échouer, alors que le malfrat en question séquestre la mauvaise personne (le fils de l’assistant) et demande une rançon.

Un canevas de polar qui était avant tout une réelle étude de personnage dans une première partie centrée sur le protagoniste principal en plein dilemme (jouer le jeu avec la police ou risquer la perte d’un innocent ?), avant que le récit ne bifurque vers une exploration des inégalités sociales dans une seconde partie en immersion dans les bas-fonds de la ville.
Malgré un roman initial, ne nous voilons pas la face : Highest 2 Lowest reprend avant tout la structure du film de Kurosawa…mais à la sauce Spike Lee ! Dès le générique d’intro survolant le pont de Brooklyn, le ton est donné, et le spectateur aura affaire à quelque chose de beaucoup plus léger et caustique.
Roue libre kamikaze et réjouissante
Il suffit de voir Denzel Washington ensuite, tout en charisme, swag et dérision (son personnage de nomme David King, et chaque employé de sa maison de disques le nomme « Mr King »). Une roue libre globale souvent réjouissante, mais un gros problème survient : la première heure du métrage !
Spike Lee est un réalisateur versatile capable de mettre de la vraie comédie tout comme du pur drama dans un même film. Pour autant, difficile de ne pas voir dans la première moitié du film un délayage global ne parvenant jamais vraiment à trouver son ton ou son tempo. La faute au traitement très telenovela de tout ce qui entoure la dynamique intra-familiale, tel un premier degré ultra accentué par une musique pompière.

Un surlignage constant dont Spike Lee est conscient pour Highest 2 Lowest, offrant une dimension nanar qui peut certes prêter à sourire, mais qui plombe toute embardée humoristique dès lors que l’emphase émotionnelle ne marche pas (tout ce qui est lié à l’enlèvement du fils est donc raté). Le décalage est encore plus marqué lorsque le film (qui devrait plutôt s’appeler Lowest 2 Highest) se veut ensuite progressivement disruptif dans son traitement narratif, alors qu’ASAP Rocky incarne le responsable de l’affaire.
Vision qui débute passée la première heure
Spike Lee re-focuse son projet et livre un divertissement aussi fun qu’en roue libre totale dès lors que la rançon doit être livrée en plein Brooklyn ! Délaissant la famille inutile du personnage de King, Highest 2 Lowest enchaîne les scénettes bien rythmées (dont une course-poursuite tenue en pleine fête dominicaine où le réal donne encore une vision d’un New York multiculturel) et les saillies comiques efficaces. Outre sa peinture de la police (semblant sorties d’une parodie de New York police fédérale en ayant toujours des cannettes à portée de main ou peu à l’aise pour courir dans des escaliers), tout le monde a droit à un portrait bien excentrique qui donne son identité à ce récit ré-interprêté.

En effet, malgré le caractère « bas les glaouis » de l’entreprise (dont un Jeffrey Wright assez hilarant en assistant dont les origines gangsta ressurgissent ensuite), Highest 2 Lowest offre un regard à la fois désenchanté sur le milieu de la musique et questionne même sa propre place dans l’industrie du cinéma, où pour réussir dans le rap un ASAP Rocky enchaînant les lyrics misogynes doit obligatoirement passer par la médiatisation et la case tribunal.
Rap game sans foi ni loi
Une vision que l’on pourrait qualifier de satirique (à l’image de ce réjouissant battle de rap impliquant Denzel lors du climax), où les moguls de l’entertainment défient toute loi morale par appât du gain. Du capitalisme à l’état pur malgré la finalité de l’intrigue, et qui a le mérite d’être même exposée de manière méta dans ce Highest 2 Lowest mettant en avant la marque Apple.
Pour autant, difficile de pleinement cautionner ce simili-remake malgré sa propre identité affirmée. La faute à une facture télévisuelle globale à la Empire (malgré quelques beaux plans éparses du chef op’ Matthew Libatique) et une dévitalisation globale de tout ce qui précède les réjouissances régressives de la 2nde partie. En bref, un petit Spike Lee malgré le grand Denzel qu’on pourrait suivre dans n’importe quel projet !
Highest 2 Lowest sortira le 5 septembre 2025 sur Apple TV+. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Highest 2 Lowest représente à la fois le meilleur et le pire de la réinterprétation de classiques. D'abord trop balbutiant dans ses intentions et engoncé dans le spectre dévitalisé de Kurosawa, le film prend son envol dans une seconde partie aussi fun que bien rythmée, proposant un regard désabusé d'une industrie de l'entertainment prête à tout pour l'appât du gain. En résulte un divertissement kamikaze dont la facture régulièrement télévisuelle est sauvée par sa sincérité de proposition, et un Denzel Washington en roue libre qui inonde chaque scène de son talent. Bicéphale mais étonnamment réjouissant à l'arrivée.