Amsterdam est le tout nouveau de David O. Russell (The Fighter, Happiness Therapy, American Bluff), porté par le casting le plus impressionnant de l’année. Un drame flirtant avec la comédie et le thriller politique, tout en tentant une satire américaine lors de l’entre-deux guerres ! Un film foisonnant, mais cruellement imparfait !
Cela faisait depuis 2015 que David O. Russell n’avait pas donné de nouvelles, et le voilà de retour avec Amsterdam. Réalisateur-scénariste talentueux mais exigeant, le bougre est avant tout connu pour ses superbes directions d’acteurs autant que ses déboires avec eux (en quelques clics vous pouvez par exemple vous renseigner sur l’altercation costaude avec George Clooney sur les Rois du Désert).
Réalisateur du verbe
De 2010 à 2015, O. Russell faisait partie d’une clique de cinéastes très convoités, après avoir enchaîné les succès critiques et publics de The Fighter, Happiness Therapy, American Bluff ou bien Joy. De vrais film-véhicules pour comédiens, caractérisés par des personnages multi-dimensionnels et diverses séquences de tunnel verbeux pour autant jamais assommants. Amsterdam arrive donc à point nommé, proposant par ailleurs le casting le plus impressionnant de l’année !
Amsterdam débute à New York en 1933, alors que nous découvrons Burt Berendsen (Christian Bale), un médecin un peu excentrique affublé d’un œil de verre et de diverses séquelles de guerre. Alors qu’il va prodiguer une autopsie pour le compte de son meilleur ami Harold Woodsman (John David Washington), un avocat rencontré sur le front quinze ans plus tôt.
Au même moment, les deux compères vont retrouver une vieille connaissance : Valerie Voze (Margot Robbie), une ancienne infirmière leur ayant sauvé la vie en France. Mais alors que la fille du défunt disparaît, nos héros vont être pris pour cibles par de mystérieux individus : pas de doute, cette affaire louche cache un complot de plus grande envergure !
C’est l’histoire de trois potes à Amsterdam
Amsterdam débute de manière très inspirée, portée par la voix-off d’un Christian Bale faisant encore une fois corps avec un personnage des plus maniérés. David O. Russell pose efficacement son contexte, ses enjeux (on ne dit jamais non à du murder mystery, des tueurs à gages et de riches complotistes) et surtout ses personnages principaux. Ainsi, passé les vingt premières minutes, la narration fait un retour en 1918 afin de poser ce qui se veut être la charpente émotionnelle du récit : le trio constitué de Bale-Washington-Robbie.
Trois amis considérés comme des laissés pour compte par leur entourage et la société (un estropié, un afro-américain et une femme atteinte de troubles nerveux), qui vont se réfugier dans un espace neutre loin de tout problème (la fameuse Amsterdam du titre), avant que la vie ne les sépare. Tout le restant du film consistera à naviguer dans cette enquête, alors que le trio fera diverses rencontres de personnes haut placées, avant un fameux spectacle pour vétérans de la guerre. Un récit dense sur plus de 2 heures, mais qui se veut malheureusement inutilement complexe !
Malgré un premier tiers efficace, Amsterdam livre rapidement un sentiment de trop plein, avec diverses circonvolutions narratives et arcs scénaristiques manquant de liant. On enchaîne donc les séquences de rencontres avec l’illustre casting, qui entre Anya Taylor-Joy, Rami Malek, Timothy Olhyphant, Robert De Niro, Michael Shannon, Mike Myers, Chris Rock, Zoe Saldana ou bien Matthias Schoenaerts a de quoi garantir la street credibility du projet (même Taylor Swift lors de sa courte apparition est bien dirigée).
Malheureusement, O.Russell enchaîne les scènettes en diluant le rythme global, en opérant diverses ruptures de ton pas toujours organiques, et en perdant le fil de son intrigue : Amsterdam c’est 6 films en un, et 2 semblent particulièrement en connivence avec les prémices initiales ! Scène de ménage avec un Rami Malek faisant du Rami Malek (épaulé par une Anya Taylor-Joy délicieusement détestable), le duo d’espions Michael Shannon-Mike Myers qui semblent venir d’un métrage des Coen, amourette de John David-Washington et Margot Robbie (amenée un peu rapidement sans être particulièrement traitée ensuite), déboires avec la police, puis avec les politiques… Un coup de polish narratif s’imposait pour donner plus de tenue à l’ensemble !
L’Amérique au tournant
Le métrage semble de nouveau trouver sa voie après des détours plus laborieux, alors que tous les personnages convergent enfin vers un climax cristallisant toute la profession du foi du réalisateur. En effet, le scénario aborde un contexte historico-politique intéressant, à défaut d’être traité avec une grande subtilité (une surprise venant de son auteur), alors que les USA étaient à un tournant majeur de leur orientation politique. Une problématique qui verse un chouilla dans le surlignage, mais rattrapée in extremis par une tendresse bienvenue !
En effet, que ce soit le regard chaleureux posé sur ses personnages principaux (loin d’être cyniques, motivées par des valeurs altruistes et enclins à aider leurs prochains), le charme et l’empathie arrive quand même à opérer devant ces âmes dévouées à aider les oubliés de l’Amérique (personnes de couleur, ex-envoyés au front, etc). Impression renforcée vis-à-vis du personnage de Christian Bale, ayant passé sa vie à rechercher l’approbation de sa femme et de sa famille, quitte à passer à côté du vrai bonheur (l’alchimie avec Zoe Saldana est des plus réussies). Car là est finalement ce qui motive nos trois héros : la recherche du havre de paix, la quête d’amour, la recherche d’Amsterdam !
En terme de fabrication, Amsterdam demeure très solide : Daniel Pemberton (Spider-Man into the Spider-Verse, Les Bad Buys) livre une bande-originale entraînante mimant des sonorités à la Carter Burwell, tandis que le grand Emmanuel Lubezki (The Revenant, The Tree of Life, Les Fils de l’Homme) accouche d’une photographie solaire détaillée flattant la rétine et orchestre quelques mouvements de caméra amples dont lui seul à le secret ! Un plaisir de visionnage demeure donc présent, à défaut de transcender les tares du film.
On regrettera donc les divers problématiques du métrage, à commencer par une utilisation plus inégale de son très beau casting, d’une structure narrative manquant cruellement de cohésion et d’une intrigue inutilement étirée à la finalité plutôt sur-écrite. Il y a cependant de vraies qualités dans ce Amsterdam, à commencer par une direction d’acteurs et une fabrication bien exemplaire. Un retour contrasté et décevant pour David O.Russell donc, même si pas totalement vain !
Amsterdam sortira au cinéma le 1er novembre 2022
avis
Amsterdam fait office de déception, alors que David O.Russel accouche d'un script à la fois trop fouillis et aux circonvolutions narratives inutilement complexes. Heureusement, le tout est fabriqué avec un savoir-faire certain, proposant diverses séquences dignes d'intérêt, portées par un casting exemplaire ! Un pot pourri qui méritait bien plus de tenue !