Spider-Man : Across the Spider-Verse bénéficie d’un retour critique quasi-unanime et d’un box office impressionnant. Mais si ce n’était finalement pas si génial que ça ?
Spider-Man : Across the Spider-Verse, à l’inverse des récents projets du MCU (hormis Les Gardiens de la Galaxie Vol.3) semble mettre tout le monde d’accord. Mieux que le film de James Gunn, le nouveau projet de Sony Animations dépasse déjà le précédent opus au box-office international, tandis que tous s’accordent à dire que ce second opus le dépasse aussi en terme de qualité critique et artistique. Il suffit ainsi de se pencher sur les chiffres, et d’attester que commercialement, le film en est déjà, à l’heure où nous écrivons ces lignes, à près de 210 millions de dollars, tandis que Spider-Man : Into the Spider-Verse avait débuté à 35,4 millions de dollars pour un résultat final de 190.2 millions, bénéficiant assez évidemment d’un bouche à oreille positif et aussi de notre critique pour se rendre compte que ce nouvel opus est déjà un phénomène critique et public.
Pourtant, l’auteur de ces lignes, votre dévoué serviteur, s’il n’a pas boudé son plaisir devant le déluge alliant l’intime et l’action avec quelque chose de grisant oublié dans énormément de productions super-héroiques actuelles, n’a cependant pas pris le même pied devant ce Spider-Man : Across the Spider-Verse et vous propose donc son analyse (subjective, évidemment) pour vous démontrer pourquoi. Pourquoi cette nouvelle aventure de l’homme-araignée ne s’avère pas si rafraîchissante que prévu, la faute aussi à un nombre beaucoup trop imposant de projets autour du même héros proposés à la pelle ces dernières années (10 films au cinéma en 20 ans et 4 versions différentes, c’est à noter), et aussi de beaucoup trop de redites et de défauts inhérents au genre pour que le plaisir soit complètement intact. Attention, SPOILERS.
Ce n’est qu’un épisode de transition
On ne pouvait retirer à Spider-Man : Into the Spider-Verse sa fraîcheur, son inventivité visuelle, et surtout la réinvention totale de son héros, redynamisé, modernisé et trempé dans le concept enfin judicieusement utilisé qu’était alors le fameux multi-verse. Mieux que toutes les tentatives du MCU réunies (Spider-Man : No Way Home et son insupportable fan-service en tête), ce premier opus s’avérait être une belle et jouissive récréation d’un genre qui semblait pourtant déjà tomber en désuétude en dehors d’auteurs l’ayant vraiement compris (James Gunn et ses freaks) où d’autres rejouant plus tard sans folie les grandes heures de leur filmographie (Sam Raimi dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness). Mais voilà, si ce premier opus ne demeurait sympathique que par sa proposition artistique et épisodique unique, ce Spider-Man : Across the Spider-Verse, au-délà de son rythme déchaîné et de son audace visuelle perpétuelle, n’est en fait qu’un épisode de transition, et niveau inventivité, on a déjà vu mieux.
Après s’être perdu dans ses explications, et dans un déluge d’action qui donne parfois plus le tournis qu’un plaisir perpétuel, et semblant annoncer un dernier acte relevant tous ces petits défauts, Spider-Man : Across the Spider-Verse décide pourtant de se conclure au moment où tout allait enfin prendre une autre tournure. La folie du concept et de l’animation se heurtaient soudain à quelque chose de plus tragique, l’antagoniste demeurait bien plus lisse (même doublé par Mathieu Kassovitz), et la réunion de l’équipe du premier film très redondante, mais le final allait s’avérer malgré tout prenant. Mais en fait, non : ce sera, comme dans le MCU, pour la prochaine fois, et tous les défauts énoncés plus haut rejoignent alors ceux, symptomatiques, de produits hollywoodiens délaissant la créativité pour capitaliser, finalement bêtement, sur un projet qui n’en avait guère besoin.
Ce n’est qu’un film de super-héros classique
Point beaucoup plus compliqué, presque (uniquement) noyé par son identité visuelle, mais au niveau du scénario, c’est pourtant un tout autre film que propose finalement ce Spider-Man : Across the Spider-Verse. Pourtant signé par les géniaux Phil Lord et Chris Miller (également producteurs), on trouve cette-fois un autre nom associé aux leurs, celui de Dave Callaham, ayant travaillé sur des projets beaucoup moins fameux : Mortal Kombat, Wonder Woman 1984 où encore le Doom d’Andrzej Bartkowiak. Et derrière l’observation intime de Spider-Gwen, véritable coeur émotionnel de ce second opus (rapidement délaissée, malgré une déchirante scène de réconciliation avec son paternel), et celle, plus rebattue, d’un Miles Morales inconscient de son propre bonheur (tiens, tiens le syndrome Tom Holland ?), et d’un antagoniste haut en couleurs ne devenant finalement que très générique (La Tâche), tout se perd finalement en redites.
Oui, les gardiens du multivers sont encore méchants. Oui, la famille, c’est ce qu’il y a de plus important. Oui, aussi, un petit méchant peut devenir encore plus méchant. Mais surtout, le fan-service servi à la pelle, mais caché derrière une animation inventive, demeure toujours aussi réverbatif (des scènes des films distillées ça et là, la reprise de memes et autres références servies juste en clin d’oeils ne servant absolument pas le récit). Et surtout, la volonté de fraîcheur n’y est plus. Parce que ce n’est qu’un épisode de transition, parce que l’on nous ressort la même équipe et surtout que Spider-Man : Across the Spider-Verse se mue peu à peu en une redite du précédent opus. Oui, il faudra arrêter un nouveau méchant qui s’est servi du même Synchrotron et s’apprête à faire dérailler le multivers, avec en prime une horde de Spider-Man perdant leur identité propre car sous l’emprise d’un homme-araignée plus radical. Encore une fois, niveau inventivité scénarisitique et visuelle, l’écart est grand.
C’est encore (et toujours) Spider-Man
Sony ne s’est jamais montré forcément plus avide et cupide de profits que ses concurrents. Surtout lorsque Quentin Tarantino déclare tourner son prochain projet avec le même studio, qui compte plus sur des projets prestigieux que rentables pour les proposer en salle (et au passage égratigner des films sans âmes portés par des acteurs grassement payés par des plateformes de streaming en manque totale d’idées). Cependant, en ce qui concerne l’univers de Spider-Man, il en est autrement : Venom, Venom : Let There Be Carnage (avant V3nom), Morbius, Kraven le Chasseur, Madame Webb, et donc, Spider-Man : Into the Spider- Verse, Across the Spider-Verse, Among the Spider-Verse (prévu en 2024) et l’évocation d’un film-live sur Miles Morales. Le regard blasé de Miles Morales au milieu de tous les autres Spider-Man sur l’une des nombreuses affiches de cette suite traduit ainsi parfaitement ce sentiment de fatigue.
Est-ce que même avec les meilleurs talents d’Hollywood réunis, il est encore possible de proposer quelque chose de veritablement neuf sur un héros parcouru dans les plus grandes largeurs, et ce avec plusieurs acteurs, scénaristes et univers ? Même en se moquant de l’éternel traumatisme d’avoir perdu son oncle dans une scène de psy (très drôle), est-ce que, peu importe l’adaptation, Spider-Man gardera cette impression de réchauffé, de perpétuelle redite et de recette à succès facile pour des producteurs avides de billets verts ? Batman a su prouver le contraire chez la concurrence, mais il faut avouer que pour Spider-Man, l’impression est toute autre. Peut-être est-ce l’auteur de ces lignes qui vieillit, où peut-être est-ce aussi fatiguant de voir un super-héros refuser de le faire, nous resservant, malgré ses formes et incarnations hétéroclites, finalement toujours un peu la même tambouille.