En deux décennies, Michael Giacchino s’est imposé (et ce très rapidement) comme un des grands noms de la musique de film. Ayant démarré dans le milieu du jeu vidéo ainsi que la série TV, il est aujourd’hui un des compositeurs les plus en vogue. Aussi à l’aise sur du gros blockbuster que dans l’animation, Giacchino se veut un digne héritier des grands noms de la composition orchestrale (John Williams étant sans aucun doute sa plus grande influence). Retour sur ses œuvres les plus notables, après la 1e et la 2nde partie de notre dossier
Après 2 parties bien chargées, abordant l’ascension de Michael Giacchino dans le milieu télévisuel puis son triomphe dans l’animation, avant de bifurquer vers d’illustres sagas du cinéma, voici la 3e ! Cette fois-ci, on continue l’exploration des meilleures musiques de ce super compositeur, en abordant des scores moins emblématiques ou connus. L’occasion donc de parler de films également bien singuliers !
Cloverfield, la courte irruption dans le monster movie
Cloverfield est un des cas les plus connus de found footage au cinéma, un exemple de promotion virale parfaite, mais aussi la première collaboration cinématographique J.J. Abrams – Matt Reeves. Ce dernier signe donc son premier film, pour ensuite une collaboration de choix avec Michael Giacchino (jusqu’à The Batman). Found footage oblige, Cloverfield n’a cependant pas de bande-originale à proprement parler, préférant privilégier l’immersion et le réalisme sans irruption d’extra-diégétique !
Néanmoins, Giacchino aura composé « Roar!« , sorte d’hymne musical qui conclue le métrage à l’amorce du générique. Une composition pétaradante qui convoque la musique de Godzilla par Akira Ifukube, tout en parvenant à obtenir son propre souffle ! Un court instant évocateur et porteur de tout un héritage du kaiju eiga, laissant songeur sur ce que Michael Giacchino pourrait nous proposer dans ce registre…
L’hommage Amblin-esque de Super 8
On savait déjà que Giacchino et J.J. Abrams avaient un beau passif (que ce soit en série ou au cinéma), et c’est également en 2010 avec Super 8 que cette collaboration ira côtoyer un terrain familier : leur amour respectif pour John Williams et Steven Spielberg ! Ne s’étant jamais caché de ces influences (tant dans la mise en scène que la musique), le duo accouche d’une Madeleine de Proust de l’ère Amblin. En résulte un film à la BO qui nous caresse les esgourdes de la même manière que pour un E.T. l’Extra-Terrestre ou Stand by Me.
Le tout avec une bonne dose de Lost-touch pour décupler l’émotion, via notamment un magnifique motif musical qui revient régulièrement tout au long de la BO (que l’on entend par ailleurs dans le poignant final avec Letting Go). Le résultat est évidemment de toute beauté, passant de la mélancolie à la catharsis avec une aisance désormais consubstantielle au talent de son compositeur !
Jojo Rabbit : perpétuer l’innocence
Avec Jojo Rabbit, Michael Giacchino signe sa toute première collaboration avec Taika Waititi (avant Thor Love & Thunder), pour une satire pleine de tendresse, plaçant le récit à hauteur d’enfant. Le compositeur avait pu s’essayer au registre de la perte d’innocence avec The Book of Henry de Colin Trevorrow (« Closing the Book on Henry« , « Treehouse Inventions« ). Avec Jojo Rabbit, notamment via le thème principal (« Jojo’s Theme« ) on retrouve un motif jovial et plein d’entrain, mêlé à des trompettes de fanfare, avant que le piano vienne mettre plus d’émotion.
Un aspect martial se dégage régulièrement de la BO (après tout on parle d’un film abordant les jeunesses Hitlériennes !), comme pour « Jojo’s March« . Le chant d’enfant contribue cependant à apporter un caractère empli de lamentations, magnifiquement illustré par « The Kids Are All Reich » ! Au final, une BO très singulière de par de son compositeur, mais évidemment très réussie !
Speed Racer : la course vers l’excellence
Michael Giacchino aura collaboré avec les Wachowskis a deux reprises seulement, et l’adaptation de Speed Racer est la première ! Objet cinématographique hybride et avant-gardiste, en plus d’être une véritable déclaration d’amour à la japanimation (peut-être LE film qui en a le mieux digéré les codes), Speed Racer pousse cette logique jusque dans l’élaboration de sa BO. Tout comme pour le morceau de fin éponyme (et « I Am Speed » en intro) reprenant des sonorités de l’anime japonais des 60’s, Giacchino insuffle un vent rétro dans toute la bande-son, complètement dynamisée par le style moderne du compositeur.
Outre l’utilisation de tous les outils qu’il a disposition (basse, électronique, guitare, percussions, violons, etc) afin de donner une énergie dingue à l’ensemble (« Tragic Story of Rex Racer« , « World’s Worst Road Rage« ). On pourrait analyser chaque piste et leur apport dans chacune des séquences, mais « Reboot » demeure sans aucun doute le plus emblématique. Porteur d’une séquence de climax au montage, à la mise en scène et à la narration ahurissante de symbiose, la musique permet d’élever le tout vers une maîtrise et une émotion rarement égalées chez les Wachows. Au final, Speed Racer a beau être une pépite souvent mise de côté, c’est également un des travaux de Giacchino les plus jubilatoires !
Jupiter Ascending : le chef-d’œuvre opératique de Giacchino
Seconde collaboration avec les Wachowski, Jupiter Ascending (ou « Jupiter – le Destin de l’Univers » si on aime Molière) se voulait être un nouveau grand space opera. Si le film a évidemment ses problèmes, on ne peut lui enlever le festin visuel proposé, tout comme sa sublime musique venue des cieux cinématographiques. Michael Giacchino aura par ailleurs composé la bande-originale avant de lire le script. En résulte un score opératique et absolument remarquable, empli de chœurs et de cuivres tonitruants.
Plutôt éloigné de ce qu’il a pu faire sur Star Trek, ici l’épique et le majestueux prédominent dans une grande symphonie en plusieurs mouvements. On passe par tous les spectres, dans une bande-originale convoquant Goldsmith et les grandes heures de la musique orchestrale. Une des plus belles œuvres de Michael Giacchino tout simplement !
John Carter : plongée vers la science-fiction originelle
Autre gros flop et film oublié, John Carter d’Andrew Stanton. Film Disney ambitieux et adaptation d’une œuvre monomythique originelle (ayant par la suite influencé Star Wars, Avatar ou Dune), cette petite pépite d’aventure-SF injustement boudée jouit également d’une formidable partition de Michael Giacchino. À l’image du thème « John Carter of Mars« , la BO du film nous fait passer par tous les spectres : de l’héroïsme à l’humain en passant par l’aventure XXL et surtout le romantisme exacerbé.
« A Change of Heart » en est le parfait exemple, où Giacchino sort les violons de manière douce, avant d’exploser avec force. Motif par ailleurs repris dans « Carter They Come, Carter They Fall« , où la tension et le tragique viennent s’ajouter. On pourrait parler aussi de « A Thern for the Worse » et son ballet auditif, « Get Carter » et son caractère trépidant, ou bien « The Prize is Barsoom » qui convoque du Poledouris plutôt barbare. Mais tout cela pour dire que John Carter nécessite tout notre amour, et en particulier pour sa superbe musique !
Tomorrowland : à la poursuite musicale d’hier
Autre giga flop de Disney, et pourtant un des meilleurs « blockbusters » de la dernière décennie : Tomorrowland de Brad Bird (ou « À la poursuite de demain » en VF). Nouvelle collab après les Indestructibles, Ratatouille et Mission Impossible Ghost Protocol, la note d’intention est présente dès l’ouverture avec « A Story about A Future« . À travers cette quête d’une cité utopique rétro-futuriste, Brad Bird nous intime à un futur déceptif, mais dont l’élan collectif et l’appel à l’entraide offre une regard des plus salvateurs.
Une philosophie loin du cynisme ambiant, et c’est par ce prisme que Giacchino anime l’identité musicale du film, avec un optimisme et une candeur confinant au merveilleux. On retrouve une inspiration à la John Williams, mais également aux films d’aventure des 50’s-60’s. Un des clous du spectacle est d’ailleurs la séquence jubilatoire où l’héroïne parcourt les rues de Tomorrowland, sur le son de « Pin-Ultimate Experience« . Là encore, l’émotion est aussi au rendez-vous (« A Touching Tale« , « Pins of a Feather« ), pour une film d’une sincérité à toute épreuve !
Avec des partitions attendues chez Pixar ou encore Marvel, nul doute que Giacchino n’a pas encore fini de nous émerveiller. On apprécie cependant qu’il puisse trouver un espace de liberté et d’expression suffisant pour expérimenter et accouché de nouvelles musiques complètement inédites. Définitivement à l’aise dans chacun des registres, il est un des grands compositeurs actuels, et on espère que son futur est aussi radieux que ces 2 dernières décennies !