La huitième et dernière saison de Game of Thrones terminée, les fans restent sur leur faim, donc forcément nous aussi.
Aujourd’hui, pour pallier l’absence du show chéri de HBO, la chaîne et OCS viennent de diffuser The Long Watch, un documentaire de deux heures sur le tournage de l’ultime saison de Game of Thrones. Si les acteurs y vont de leur petite larme, associée au trou dans leur porte-monnaie que représente la fin de la série, le documentaire explique surtout les aspects techniques, en bon making-of. Sauf qu’on aurait apprécié un peu de clarté quant à la hâte avec laquelle cette dernière fournée d’épisodes vient d’être expédiée. Tu parles Charles…
Le problème vient surtout de deux choses, la précipitation narrative et l’attente démesurée que nous avions, et ce notamment face au souvenir des précédentes saisons. Evidemment, terminer les arcs scénaristiques des nombreux personnages en seulement six épisodes s’annonçait comme mission impossible, et la récente conclusion de Game of Thrones vient de nous donner raison. Surtout qu’avec des épisodes entiers composés de bastons épiques à faire pâlir Michael Bay, l’évolution du récit ne devient pas une priorité. La principale victime de cette fin hâtive ? Le changement psychologique de Daenerys.
Redrum (tu l’as ?) !
Malgré les excuses et explications de Emilia Clarke ou de la production, rien ne pouvait justifier d’un revirement comportemental aussi brusque. Généreuse et idéaliste, la mère des dragons est subitement devenue schizophrène et impitoyable. On entend déjà dire que les premiers signes de sa folie apparaissaient dans les premières saisons alors qu’elle empalait les maîtres, ou qu’elle rôtissait les Khals dothrakis. Sauf que ces présages, ce foreshadowing, ne peuvent en aucun cas légitimer l’évolution brutale de ce personnage transformé en méchant(e) final(e) pour les besoins d’une production désespérée et d’une écriture bâclée. Alors oui, on peut dire que son ADN s’est réveillé à la fin pour la rendre aussi folle que son paternel ou que la perte de Jorah, puis de Missandei, lui aura asséné le coup de grâce. Mais on n’y croit pas. Pour une libératrice aussi juste qu’on nous la montre depuis le début de Game of Thrones, rien ne justifie de la voir brûler presqu’un million d’innocents. Rien. Qu’elle en crame quelques uns sous le coup de la colère, pourquoi pas, mais pendant plusieurs heures sans se raisonner ? Non. Tout simplement non.
On pourrait continuer en analysant comment Jon Snow régresse au point de devenir un personnage secondaire. Alors qu’il est ressuscité pour mener la grande guerre, il ne prend aucune décision importante et reste au second plan, lui qui a pourtant été élu roi du Nord et se trouve être le dernier Targaryen en vie. Son seul rôle ? Exécuter la « mad Queen » dans une scène sans aucun enjeu, ni impact émotionnel. Il en va de même pour Arya, formée à devenir une assassin métamorphe et qui ne revêt aucun nouveau visage. Et cette absence de combat contre le Night King, on en parle ? Il aura aussi fallu presque cinq saisons à Jaime pour se débarrasser de l’emprise de sa sœur pour finalement mourir à ses côtés. Mais non, on s’arrêtera sur le cas de Daenerys.
Evidemment les erreurs narratives et la hâte qui a poussé les scénaristes à abandonner les développements initiés plus tôt n’y sont pas pour rien non plus. Par exemple, les étranges symboles des Marcheurs Blancs demeurent inexpliqués et on se demande encore pourquoi il existe toujours une Garde de Nuit. De même, on aimerait bien connaître la raison pour laquelle Tyrion enchaîne les boulettes, lui qui était si intelligent. Ou à qui étaient adressées les mystérieuses lettres du pauvre Varis. Mais ce sentiment de frustration s’explique avant tout parce qu’on attendait énormément de cette huitième saison de Game of Thrones. Trop.
Expectations vs reality
Teasée depuis deux ans, la fin de la série la plus regardée, piratée, commentée de tous les temps s’est fait attendre comme le messie télévisuel. On a fantasmé, espéré et attendu avec impatience que revienne notre show préféré, le plus dingue. Surtout qu’inconsciemment, on comparait avec les précédentes saisons, qui étaient particulièrement incroyables quant aux surprises narratives. Fatal Error.
La décapitation de Ned Stark dès la première saison promettait un show surprenant, qui n’hésite pas à sacrifier ses personnages pour le bien de l’histoire. Venait ensuite Le Red Wedding qui calmait tout le monde en tuant la quasi-totalité des Stark ou la mort de Oberyn Martell qui nous en mettait plein les yeux (hoho). Que dire de l’horrible et hallucinant sacrifice de Hodor, qui donnait sa vie pour un Bran Stark depuis complètement inutile. Tout servait un but scénaristique. Or, cette saison 8 ne sacrifie presqu’aucun personnage important. Bon ok, Jorah Mormont mord la poussière aux côtés de Theon Greyjoy, mais rien de bien folichon. On pensait assister à la mort de Sam, ou de Tyrion, de quoi galvaniser les foules et nous laisser sur le cul face à des décisions osées, qui font (faisaient) la force du show. Mais non.
Cantonnée à du grand spectacle, la série oublie de nous donner des sueurs froides, de prendre des risques. On se retrouve avec un produit fort sympathique au demeurant, mais loin d’égaler le niveau narratif des premières saisons. C’est donc en naviguant en pleine évidence, sans surprise (ou presque) que Game of Thrones se conclut. Parce qu’on ne regrette pas seulement un manque de cadavres symboliques mais surtout une écriture racée, qui faisait la joie des fans de complots politiques. HBO proposait, sans compter les dragons, un remake bavard et violent des Rois Maudits et on adorait. Sauf qu’en favorisant l’aspect visuel et la facilité d’un récit sans tension, le show se cale gentiment dans son fauteuil, ne prenant aucun risque, mais finissant de nous décevoir. Les machinations sont balayées d’une ligne de dialogue et les trahisons visibles à des kilomètres. Pire, les enjeux se parjurent et le développement de certains personnages tombe à l’eau. Dommage, vraiment dommage.
Certes, produire six épisodes pour près de 90 millions de dollars, ça doit calmer les ardeurs de développer une conclusion plus étendue. Mais proposer une fin rabougrie et surtout inconsistante, voilà le problème. Quoi qu’il en soit, « haters gonna hate » comme ils disent et puis c’est ça aussi le succès de Game of Thrones, susciter les passions, même envers une fin adéquate, ou non.