Nouveau film A24 d’Alex Garland (Ex Machina, Civil War), Warfare zappe la case cinéma chez nous. C’est dommage, car ce film de guerre se déroulant en quasi-temps réel mise avant tout sur l’immersion pour véhiculer ses émotions.
Warfare est le tout dernier film d’Alex Garland, scénariste d’abord connu pour se collaborations avec Danny Boyle (La Plage, 28 Jours plus tard, Sunshine) avant de passer lui-même derrière la caméra. On lui doit ainsi Ex Machina, Annihilation, Men ou encore la superbe mini-série Devs. Et même lorsqu’il traite de sujets sensibles et sulfureux sans réellement exploiter tout son potentiel (Civil War), Garland demeure une voix singulière dans le paysage contemporain des gros studios.
Back to Irak
Bref, un réal qui se pose des questions et évite de tomber dans le moule taylorisé Hollywoodien : c’est donc pour cela que Warfare interpelle ! Co-réalisé avec l’ex-vétéran Ray Mendoza, ce film de guerre se base sur un fait réel s’étant déroulé en Irak en 2006, alors que les forces américaines luttent contre les insurgés pour le contrôle de la ville de Ramadi.

S’ouvrant sur une escouade de jeunes Navy SEALS dansant devant Call On Me d’Eric Prydz (le seul instant jovial du métrage), la Alpha One prend place de nuit au sein d’un baraquement local pour observer la maison de l’autre côté de la rue. En effet, la cible semble être un repère de djihadistes, soupçons confirmés au matin lorsque les rues se vident et que des opposants armés s’agglutinent pour attaquer les soldats US… le début d’un affrontement armé qui n’aura malheureusement rien de triomphal !
Warfare : film de guerre immersif
Warfare pourrait ressembler à n’importe quel film de guerre moderne de ces 20 dernières années, prônant outrancièrement un nationalisme masturbatoire ricain (Lone Survivor, The Covenant..) ou à l’opposé un réquisitoire illustrant les fois où le drapeau fut taché de sang (La Chute du faucon noir, American Sniper..). Une impression qui plane dans la première partie du métrage, plaçant le spectateur au même titre que les personnages dans un situation d’attente et d’observation, avant que les balles ne fusent.
Là encore, pas de film d’action à l’horizon ni de tension cinématographique soutenue par le montage : Warfare est un quasi huis-clos en temps réel, n’offrant par ailleurs aucun vrai développement de personnage ou regard réellement extérieur. Une absence de réel point de vue qui amoindrit sans doute sa profession de foi, tandis que les réalisateurs décapsulent à l’écran ce qui s’apparente à une goutte d’eau dans la mer de sang que fut le conflit en Irak.

Observation de sniper, échange d’informations avec le PC, plans zénithaux au drone… autant de passages déjà vus dans d’innombrables autres films du genre, avant que la première grenade se dégoupille, et que la nécessité d’évacuer les lieux fasse changer Warfare de paradigme. Dès lors, le survival prend place, tandis que la mise en scène au plus près des corps et des visages met le focus sur les intentions réelles du film : à savoir une plongée immersive sur ce qu’est réellement la guerre au Moyen-Orient. On peut noter un excellent sound design, parfois proche de ce que Ang Lee nous avait asséné avec Billy Lynn.
Militaires face contre terre
On a bien eu Jarhead (centrée sur la guerre du Golfe et les périodes d’attente qui la caractérisaient), et Warfare ne révolutionnera rien dans son approche « la guerre c’est moche ». Mais bien loin de discours surlignés ou d’épilogues surannés (le film se conclue tel qu’il a débuté), c’est dans sa minéralité que le film finit par convaincre, exposant les Navy Seals dans leur plus grande vulnérabilité. Un anti-tract pro-militariste en somme !
Pas de moment de bravoure, pas d’action triomphale, pas de sacrifice : il suffira d’une mine bien placée pour que ce qui s’apparentaient aux 2 GI Joe principaux soient privés de leurs jambes (réduites en lambeaux), et que les cris de douleur ou l’incapacité de parler ne viennent contaminer le moral des troupes. Et c’est via ce style mi-documentaire mi-cinégénique (chaque coup de feu résonne comme une détonation, et chaque mouvement laisse planer un parfum d’incertitude) que Warfare nous tient en haleine.

Une manière de démythifier le soldat US à l’heure du « Make America Great Again« donc, d’autant que malgré son absence de discours ou de parcours de personnage, la pureté d’intention affichée prévaut (notamment via de touchantes images lors du générique de fin), associée à un regard désenchanté de l’occupation américaine.
Il suffit des brefs échanges entre D’Pharaoah Woon-A-Tai (jouant Ray Mendoza, le co-réal ayant réellement vécu cet épisode) et ses camarades se délitant (excellent casting de Cosmo Jarvis à Joseph Quinn en passant par Charles Melton, Michael Gandolfini et Will Poulter) pour que l’universalité de Warfare éclose. Une dimension contestataire également présente par le regard de la famille civile irakienne elle-même spectatrice de ce chaos. Pas mal donc !
Warfare sortira en streaming en France en 2025
avis
Warfare pourrait ressembler à n'importe quel film de guerre moderne dans sa première partie, délaissant la caractérisation de ses personnages pour l'immersion à tout prix. Heureusement, cette dernière nous agrippe dès lors que sa dimension survival viscérale et désespérée survient, énonçant par le simple outil qu'est le cinéma sa vision d'une guerre politique sans gloire. Pas mal !