Troisième volet de la franchise de niche de Disney, Tron Ares nous ramène dans la Grille de Space Paranoids… ou plutôt amène la Grille dans le monde des humains ! Un retour aussi réussi techniquement que tiède conceptuellement !
Tron Ares a beau avoir des airs de reboot, c’est le troisième film d’une franchise plutôt unique au sein de la galaxie Disney. En effet, le premier Tron sorti en 1982 avait été un échec en salle, mais a rapidement acquis le statut culte les années suivantes de par son caractère profondément novateur en terme d’utilisation des effets visuels dans un long-métrage !
Le film de Lisberger plaçait donc Kevin Flynn (Jeff Bridges) en concepteur de jeu vidéo s’aventurer dans un univers numérique entier, conçu par l’entreprise ENCOM. Une aventure avant-gardiste d’un pur point de vue conceptuel, dont il aura fallu presque trois décennies pour voir arriver une vraie suite : Tron l’héritage (l’opus le plus connu désormais) a d’ailleurs lui aussi acquis un petit statut pour plusieurs facteurs.
Back to the Grid
Premier film de Joseph Kosinski (Top Gun Maverick, F1), ce « Tron 2.0 » jouissait avant tout d’une fabrication absolument impeccable, de visuels de toute beauté et d’une BO anthologique signée Daft Punk. Malheureusement, passées les 40 premières minutes bien prenantes, Tron Legacy n’arrivait jamais à justifier son existence autrement que par la simple volonté d’updater l’univers de la Grille. Un scénario famélique et assez peu incarné donc, qui n’a pas empêché le désir des fans (et même de Kosinski) de faire un 3e volet.

Quinze ans plus tard, Tron Ares débarque, réalisé par Joachim Rønning (Pirates des Caraïbes – la Vengeance de Salazar), bazarde tout projet de suite directe en conservant les prémices issues du final de Tron Legacy. Alors que Sam Flynn a disparu avec Quorra, ENCOM est globalement sujette à une guerre de pouvoir intestine entre Julian Dillinger (Evan Peters) et Eve Kim (Greta Lee).
Tandis que cette dernière fait encore le deuil de sa sœur cadette, le premier use de la technologie laser pour faire venir ses propres programmes belligérants dans le monde réel. Ares (Jared Leto) et Athena (Jodie Turner-Smith) ne peuvent cependant pas vivre en dehors de la Grille plus de 29 minutes. Alors que Greta met la main sur le code de persistance (la clé de survie des programmes dans le monde réel), Dillinger envoie ses programmes pour la traquer sans relâche !
Identité assumée
Tron Ares affiche ainsi une feuille de route claire : l’univers de Tron vient contaminer le monde réel, dans une chasse à l’homme qui pourrait avoir avec Terminator dans son postulat. D’autant plus que le sujet de l’IA est d’actualité, la franchise Tron trouve donc un angle inédit pour continuer la saga…. à moins que tout ceci ne soit que du vent ?

Pourtant, Tron Ares parvient efficacement à draguer le spectateur lors de l’amorce de son récit : l’occasion par ailleurs d’apprécier une facture technique à nouveau chiadée, sublimée par la photographie de Jeff Cronenweth (The Social Network, Gone Girl, Fight Club). Les effets visuels sont absolument impeccables, la réalisation propre et surtout NIN signe une BO techno-industrielle d’excellente facture qui se veut elle-même pur point d’accroche élevant chaque instant du métrage.
Mais alors qu’est-ce qui pêche dans ce Tron Ares ? Il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que passés les bons ingrédients, l’intrigue n’ira jamais au-delà de son concept. Pire, tout l’univers de Tron est étonnamment amoindri à chaque niveau : si l’action se délocalise dans la Grille, ce sera pour un décorum unique histoire d’y atteler un combat et une course-poursuite semi-aquatique. Sinon, ce sera histoire de faire un renvoi semi-gratuit au film de 1982 histoire de bien faire comprendre que l’iconographie de Space Paranoids ne changera pas d’un iota dans ce troisième film.
Ampleur sacrifiée
La quasi entièreté de Tron Ares se déroule donc dans une ville américaine lambda, théâtre d’une course-poursuite avec deux jolis light cycles, puis un climax avec Recognizer et du pugilat dans un carrefour. En terme d’ampleur là encore, certains plans font mouche via la facture visuelle globale (et une mise en scène relativement fonctionnelle mais efficace), mais l’impression d’un opus timoré domine fortement.

Et si le spectacle en lui-même souffle le chaud et le froid, c’est bien évidemment sur le traitement des personnages que le bât blesse ! Si Greta Lee affiche un capital sympathie certain, son personnage n’existe qu’à travers un deuil traumatique ne trouvant jamais de congruence avec les évènements du film. On appréciera le charisme de Jodie Turner-Smith et un Evan Peters adéquat en vilain technocrate, tandis que l’allure robotique pertinente de Jared Leto se révèlera cache-misère d’un arc narratif complètement bazardé dans son accession à une humanité nouvelle.
Au final, le visionnage n’a peut-être rien de déplaisant, mais Tron Ares poursuit le mantra de cette curieuse franchise : un festin visuel en terme de technique, une bande-son d’enfer, et une exploitation d’univers famélique ! La toute dernière séquence du film promet peut-être quelque chose d’excitant pour Tron, mais difficile désormais d’y voir autre chose que des fausses promesses derrière le vernis coloré…
Tron Ares est sorti au cinéma le 8 octobre 2025
avis
Impressionnant de par sa facture visuelle et auditive, ce Tron Ares continue l’exploitation d'une franchise ne sachant que faire de son univers technologique. En résulte un divertissement sacrifiant ses bonnes idées sur l'autel de l'horizontalisation totale de ses enjeux faméliques et de ses personnages bidimensionnels. Dommage, car le spectacle est parfois au rendez-vous de ce troisième opus oubliable !