Présenté à la Mostra de Venise, The Order se veut un polar contant la véritable traque d’un groupuscule suprémaciste dans l’Amérique profonde des 80’s. Un scénario simple et un casting impliqué, pour un exercice de mise en scène plutôt accompli !
Alors que des élans nationalistes menacent de manière de plus en plus virulente nos belles contrées dites civilisées, The Order tombe à pic pour rappeler une autre page sombre (et méconnue) de l’Histoire. En effet, le titre éponyme du métrage présenté en compétition à la Mostra de Venise renvoie à une milice néo-nazi présente au début des années 80 sur la côte Ouest des États-Unis.
Le film de Justin Kurzel (Macbeth, Nitram) entend donc lever le voile sur la traque par le FBI d’une bande de braqueurs suprémacistes, cambriolant à mains armées des banques et autres fourgons dans le but de financer une gigantesque opération plus vaste visant à renverser le pouvoir établi. Un sujet de choix donc, tandis que le tout convoque le polar percutant du Nouvel Hollywood.
Devant The Order, on pense aisément à des films comme Serpico, French Connection ou bien les Incorruptibles ! Ces thrillers policiers ancrés dans le réel, retraçant de réelles affaires et sublimés par la mise en scène d’illustres cinéastes. Ici pas de détours, l’intrigue place un cadavre en lien avec le fameux groupuscule suprémaciste, ouvrant la brèche d’une traque directe par l’agent Terry Husk (un très bon Jude Law arborant à merveille la moustache).
Et là où The Order trouve sa voie, c’est via un regard à double point de vue, tandis que nous suivrons à la fois l’enquête des forces de l’ordre, mais également les fameux braqueurs. Point de Heat néanmoins, alors que le script plutôt straightforward de Zach Baylin (Gran Turismo, La Méthode Williams, Bob Marley One Love) n’amène jamais réellement de profondeur concernant ses personnages secondaires.
Un manque de chair donc, même concernant le protagoniste : le script nous révèle néanmoins un traumatisme lié à son passé, mais c’est véritablement Jude Law qui amène du corps et de l’épaisseur… au même titre que l’ensemble du casting ! Le plus bel exemple tiendra dans les rôles tenus par Jurnee Smollett (Lovecraft Country) et Tye Sheridan (Black Flies) : la première se contente d’être une contact pour notre protagoniste, tandis que le second fait surtout office de sidekick malgré la volonté de nous montrer succinctement (et à dessein) sa vie familiale.
Car The Order n’amène peut-être pas véritablement assez d’ouverture globale malgré son contexte politique suffisamment éloquent pour éviter d’être équivoque. On appréciera cependant les séquences au sein de cette communauté suprémaciste blanche, cristallisées via une scène de prêche illustrant à merveille comment toute pensée ultra-nationaliste et raciste mène in fine à un radicalisme mettant en danger le bien collectif.
Nicholas Hoult campe par ailleurs un bad guy convaincant, dont l’extrémisme est efficacement corrélé à un environnement familial et social directement illustré dans The Order : point de clichés sur les rednecks américains, une des phrases les plus glaçantes et pertinentes du métrage tient dans un dialogue lourds de sens « vous ne pourrez contrôler vos enfants, ce seront eux qui choisiront qui ils veulent être ». On aurait aimé un script plus réflexif (à la Wind River par exemple), mais la tentative est bien présente !
Pour le reste, The Order fonctionne à un degré primaire : celui du polar d’action ! La mise en scène sophistiquée de Justin Kurzel est agréablement supportée par la partition pulsatile de son frère Jed (compositeur de Alien Covenant, Overlord et Monkey Man), ainsi que la superbe photographie d’Adam Arkapaw (True Detective). Un plaisir de chaque instant pour la rétine donc, plongeant le spectateur dans l’âpreté d’un Idaho appelant la poudre.
Cela tombe bien, la mise en scène lâche régulièrement les chevaux lors de quelques séquences de fusillade renvoyant à Michael Mann : c’est sec, c’est violent et on adore évidemment ça ! Bref, techniquement pas de fausse note, malgré un ultime segment légèrement anticlimatique, mettant en avant les quelques manquements liés au développement des personnages. Reste que The Order fait office de sympathique madeleine de Proust pour tout féru de polar old school impeccablement emballé, à défaut de pleinement nous troubler via son contexte politique suffisamment glaçant pour nous interpeller.
The Order sortira en 2025 sur Prime Video
avis
The Order fai preuve d'une sophistication visuelle de chaque instant, tandis que Justin Kurzel et Adam Arkapaw amènent l'âpreté nécessaire pour ce polar ancré dans les codes du Nouvel Hollywood. Néanmoins, son scénario très direct amenuise sa portée, préférant illustrer son combat idéologique sans personnages fouillés dignes de ce nom. Une réflexion certes nécessaire face au suprémacisme, mais qui laisse un léger arrière-goût de trop peu. Reste heureusement un casting impliqué et un côté coup-de-poing des plus appréciables ! Pas mal donc.