Après le succès de sa version de A Star is Born, l’acteur Bradley Cooper revient 5 ans plus tard sur Netflix avec Maestro. Cette production Scorsese/Spielberg de très bel acabit présentée à la Mostra de Venise conte l’histoire du grand compositeur Leonard Bernstein par un prisme intime : sa relation avec sa femme Felicia ! Bénéficiant d’une fabrication exemplaire, ce biopic brille par son superbe duo de comédiens et les musiques du célèbre maître.
Maestro est un projet de longue date : initialement prévu chez Paramount Pictures avec Martin Scorsese (Killers of the Flower Moon) à la barre, c’est finalement le grand Steven Spielberg qui repris le projet sous son écurie Amblin. Mais après que Bradley Cooper ait rejoint le film pour interpréter Leonard Bernstein, ce dernier se vit directement offrir le poste de réalisateur après la réception de son A Star is Born en 2018 !
Biopic du premier grand compositeur américain
Une aubaine pour Cooper, désormais crédible en metteur en scène et qui trouve ici un sujet de premier plan : diriger devant et derrière la caméra le récit biographique de la vie du célèbre compositeur ayant accouché des musiques de West Side Story ou bien Sur les quais. Un véritable touche-à-tout virtuose qui s’était rapidement imposé comme le premier grand chef d’orchestre américain !
Un biopic était donc inévitable, tandis que le métrage s’ouvre dans les 80’s, alors que Bernstein joue du piano dans le cadre d’une interview, et se remémore avec amertume les décennies précédentes. Nourri d’un script signé Josh Singer (Spotlight, Pentagon Papers, First Man) co-écrit par Cooper lui-même, Maestro entend donc conter la vie du légendaire compositeur à travers le prisme de sa relation avec Felicia Montealagre.
Cette actrice d’origine sud-américaine a en effet partagé la vie de Bernstein en tant qu’épouse pendant plus de 3 décennies (avant une fin plus funeste). Dès lors, Maestro s’apparente avant tout comme une grande histoire d’amour, rythmée par la vie du compositeur. Une vie complexe à plus d’un titre, notamment en lien avec l’homosexualité refoulée de Leonard Bernstein.
Symphonie de toute beauté
Le récit prend ainsi des allures classiques de « rise & fall » inhérentes de l’iconographie du biopic : impression renforcée par la sublime photographie de Matthew Libatique (Black Swan), usant initialement d’un noir & blanc texturé en Kodak, avant de basculer vers la couleur en 1:33. Une photographie en 35mm de toute beauté, capturant l’ascension idyllique tant professionnelle qu’émotionnelle du compositeur, avant que le tout s’effrite insidieusement.
Une structure bien connue donc, mais Maestro bénéficie d’un script et d’une direction des plus robustes, parvenant à éviter à tout prix l’hagiographie d’un biopic programmatique en s’écartant d’un exercice de compilation des grands succès de la carrière de Bernstein.
En effet, la confection de West Side Story est par exemple rapidement évoquée au détour d’une scène, mais son amour pour la musique classique infuse avant tout l’histoire en filigrane comme véritable pivot de stabilité du personnage. Un aspect légèrement frustrant pour ceux qui voudront un film avant tout centré sur la genèse des plus grandes œuvres du Maestro, mais Cooper a la belle idée de conceptualiser toute la BO du métrage autour des dits-titres cultes de Bernstein.
Exercice de mise en scène classieuse
Une manière de rythmer la vie de ce dernier autour de ces sonorités, et dont le corolaire (les musiques orchestrales de West Side Story ou de Sur les quais qui dirigent les aléas de sa vie) illustre parfaitement la décision créative derrière ce choix. Et pour se faire, Bradley Cooper porte Maestro avec une mise en scène surprenante de maîtrise, capable de véritables fulgurances de scénographie (un plan de Felicia isolée dans l’ombre gigantesque de son mari alors en pleine représentation ; un plan-séquence en plongée proche de l’onirisme ; un rendez-vous galant se muant en véritable comédie musicale…).
Mais la caméra sait également se poser quand il faut, à l’instar d’une impressionnante re-création du final de la Résurrection (issue de la 2e Symphonie de Mahler), ou les très nombreuses séquences intimistes entre Leonard Bernstein et Felicia Montealagre. Si l’écrin classieux et inspiré de Maestro ne suffisaient pas, ce sont réellement Bradley Cooper et la majestueuse Carey Mulligan (Promising Young Woman, Shame) qui transportent le film et en cristallisent toutes les nuances.
Performances de Maestro
Si le faux-nez a fait légèrement parler de lui, l’artifice s’efface instantanément devant l’excellent travail de maquillage au fil des âges, et l’interprétation assurée de Bradley Cooper. Capable de matcher l’énergie juvénile de Bernstein, sa gestuelle et son aura libertaire avec une facilité déconcertante, Bradley Cooper trouve ici un rôle sur-mesure, seulement matché par sa comparse à l’écran.
En effet, Carey Mulligan brille de mille feux en Felicia, et malgré son accent british trahissant les origines du personnage, c’est bien elle qui se veut la porte d’entrée du spectateur autant que notre point de vue extérieur. Une performance toute en nuances versant vers des cimes plus dramatiques, alors que les aspirations du personnage se voient mises de côté via la stature de son époux frivole, encapsulant à elle seule toute la charge émotionnelle du métrage.
Le reste du casting est un bel ajout (Maya Hawke en fille Berstein, Matt Bomer en ancien amour de Bernstein..) mais Maestro se veut avant tout un récit riche de ses 2 personnages principaux, parvenant à donner un axe narratif des plus incarnés. Mais surtout, on tient là un des meilleurs films de cette fin d’année, et la preuve que Bradley Cooper s’impose désormais comme un véritable cinéaste talentueux, à la sensibilité rare. Impressionnant !
Maestro sortira sur Netflix le 22 décembre 2023
avis
Avec Maestro, Bradley Cooper livre non seulement une de ses meilleures performances, mais confirme tout son talent en tant que réalisateur. Via une superbe photographie et une mise en scène ample d'une surprenante maîtrise, ce dernier accouche d'un biopic émotionnel faisant honneur au légendaire Leonard Bernstein, tiraillé entre entre son amour pour sa femme et une homosexualité refoulée, avant tout gouverné par l'amour pour la musique classique. Et si cela ne suffisait pas, Carey Mulligan nous abreuve d'une des meilleures performances de l'année : un très bon biopic tout simplement !